Chapitre 6: Du sang sur la route

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Lorsque Anne se réveilla, elle était trempée de la tête aux pieds.

L'orage n'y était pas allé de main morte, et le vent amenait ses longs cheveux roux sur son visage. Ensuite, elle sentit son corps tout engourdi, c'était très désagréable. Elle avait des vertiges, elle était faible. Elle entreprit de déplacer sa main pour la dégourdir, mais remarqua autre chose. Il y avait quelque chose de glissant, de chaud. Du sang.

Elle commença à paniquer, à penser qu'elle allait finir ainsi, agonisant et mourant peu à peu sur le bord de la route, en pleine nuit, loin de tout. Marilla et Matthew devaient se faire énormément de soucis pour elle à l'heure qu'il est, alors que serait-ce, lorsqu'ils apprendront que leur fille adoptive était morte?

Anne savait qu'elle devait se mettre quelque part, à l'abris, et se mettre quelque chose de propre sur le dos, mais elle ne pouvait qu'à peine bouger, et puis elle était au milieu de nulle part. Il n'y avait aucun cheval. Elle était prisonnière, ici, seule.

Anne se demanda ce qu'il était arrivé aux autres, Joseph et les deux voleurs. Où étaient-ils? Anne savait que l'un des voleurs était tombé de cheval, mais qu'en était-il de Joseph et de l'autre homme? L'un avait dû avoir un accident, et l'autre était sûrement tombé, aussi. Est-ce Joseph qui avait eu un accident? Il était peut-être mort!

Elle rassembla toutes ses forces et prit une grande inspiration. Elle eut peine à s'assoir. Elle sentit soudain quelque chose de pointu et tranchant lui faire terriblement mal sur son côté droit. Elle cria de douleur, agonisant, à bout de souffle. Elle empoigna cette chose pour la retirer de son corps meurtrit. Elle sentit comme si elle hottait une partie de son corps entière, peut-être était-ce un couteau enfoncé dans son corps? Cela faisait trop mal.

Anne savait qu'elle devait soigner sa blessure. Cela ne voulait pas dire qu'elle allait certainement mourir, pas si elle réussissait à stopper l'hémorragie qui commençait. Elle fut de nouveau prise de vertiges à cause de la perte de sang, mais elle gardait espoir. Elle vit du bandage dans le chariot, de quoi panser sa blessure, alors elle décida de le prendre. Elle se concentra, prit une longue et vivifiante respiration puis s'imagina comme étant l'héroïque Princesse Cordelia, blessée à la guerre. Mon royaume a besoin de moi. Se dit-elle à elle-même.

Anne devait finir de retirer la lame. Ce n'était pas facile, loin de là, mais il fallait le faire. Elle cria, les larmes envahissant ses yeux. Elle haleta de douleur et, de ses doigts tremblant, s'empara courageusement du manche du couteau, nouant fermement sa main, et la retira de l'entaille. Celle-ci n'était pas très grosse, mais infligeait tout de même une grande douleur. Elle fouilla l'entaille, la nettoya à l'aide d'un tissu, le visage inondé de larmes. Elle déchira à la hâte un bout de tissu de son jupon marron et s'en servit comme un mouchoir, pour essuyer ses larmes puis enlever le sang sur ses mains, tremblantes et innocentes. Mais celui-ci, maintenant trempé de larmes et de sang, s'échappa de ses mains et s'envola pour venir se poser sur les débris du chariot.

Peut-être que tout cela a l'air pire que ça ne l'est vraiment... pensa Anne.

Sa tête lui tournait encore, et elle respira amèrement l'air froid de la nuit. Elle jeta un œil au ciel et se concentra sur les étoiles, sur l'obscurité, sur la pluie qui tombait hâtivement sur son visage pale. Après un moment, qui lui avait paru plus que difficile, sa nausée sévère fut finalement remplacée par une nausée supportable.

Il faut que je trouve un abri, décida Anne.

Elle regarda autour d'elle. Il faisait vraiment sombre, la nuit était bien avancée, la lune était haute dans le ciel. Une lumière argentée sortait des grands pins, entourant la route. Le chariot se trouvait à dix pas, à peine, enfoncé dans un arbre épais et imposant. Des pièces d'or et des bijoux étaient éparpillés dans les bois et sur le sol gravillonné. Il y avait des branches et des éclats de bois qui couvraient la terre de partout.

Anne n'aperçut aucun corps, nulle part. Peut-être que Joseph l'avait abandonnée ici?

Elle se leva avec difficulté et s'agrippa à une grosse branche pour se stabiliser. Ses jambes défaillirent. Elle se sentit d'autant plus faible, et sa tête continuait à peser, pour cause, le coup qu'elle avait pris lors de sa chute à cheval. Si seulement elle avait de la glace ou quelque chose de froid pour le presser sur son crâne endolori. Elle avait lu que c'était bon pour les bosses et les coups.

Anne se força à aller inspecter le devant du chariot, où le dernier des hommes, ou bien Joseph, devait se trouver. Pendant qu'elle se déplaçait vers l'avant, elle vit quelque chose briller sur la route. C'était une flaque de sang. Il venait de sa propre blessure, du moins, elle espérait. Elle grimaça alors qu'elle s'avança tout doucement vers le lieu de l'impact.

Il n'y avait aucun corps étendu par terre, aucun signe de vie, du tout. La dernière  personne à avoir conduit le chariot avant l'accident était partie depuis surement longtemps déjà. Peut-être s'étaient-ils tous réveillés, et étaient partis en courant? Ils avaient probablement vu Anne, étendue par terre, et avaient cru à sa mort en voyant le sang jaillir de son corps frêle.

Elle eut une brève idée, celle qu'il s'agissait peut-être de Joseph, et qu'il l'avait vue "mourir" et donc qu'il l'avait laissée ici pour cette raison. Après tout, ils n'étaient pas vraiment des amis. Ils n'avaient parlé qu'une seule fois et soudainement, elle se retrouvait mêlée à un conflit, à l'aider à cambrioler un chariot rempli. Elle avait commencé à suspecter que le charriot n'appartenait pas à Joseph, en réalité.

Il lui avait menti et laissée pour morte.

Le vent et la pluie battante s'abattirent sur Anne, elle se sentit trahie. Elle était furieuse, dégoutée. L'ange l'avait poussée à suivre son chemin. Elle devait retourner en ville où les gens pouvaient l'aider. Anne, au fond, savait qu'elle ne devait pas le faire sous cet orage et dans cet état, mais elle se devait d'essayer. Dans l'intérêt de Marilla et Matthew, au moins. Ils étaient surement dans un terrible état. Elle détestait l'idée qu'ils se fassent du souci par sa faute.

...

Gilbert et Diana parcouraient en vitesse la route. Le vent et la pluie soufflaient sur eux fortement, et les grands arbres se dressaient au-dessus et tout autour d'eux, les encerclant.

La peur envahissait le cœur de Gilbert. Où était allée Anne? Pourquoi avait-elle pris sa jument?

Il pria pour qu'elle soit sauve.

Ils avaient parcouru environ 5 kilomètres lorsqu'ils trouvèrent par terre une veste déchirée et sans manche. Gilbet regarda Diana, un mélange d'espoir car ils avaient enfin un indice; et de mauvais présage, pour ce qui les attendait ensuite.

"Est-ce la veste de Anne?"

"C'est le même tissu, en tout cas." lui dit Diana. "Garde-là au cas où ce serait un indice."

Ils la rangèrent dans la sacoche de selle et continuèrent leur chemin.

Peut-être 5 kilomètres plus loin, ils aperçurent au loin un grand chariot, craché contre un épais et grand pin. Il y avait du bois partout sur la route et quelque chose comme de l'argent et des bijoux, aussi. Les chevaux s'étaient enfuis, et il n'y avait personne en vue.

Gilbert descendit du cheval un instant pour aller voir de plus près les débris.

"Anne." marmonnât-il.

Diana glissa à son tour du cheval, saisit les rênes et emmena Coal vers le chariot, pour l'inspecter à son tour. "Qu'est-ce?" Elle pointa du doigt le devant du chariot, où les sièges étaient sensés se trouver.

Gilbert l'observa à son tour. On aurait dit que de la peinture avait éclaboussé sur les planches de bois. Mais il réalisa soudain que c'était du sang. Serait-ce celui de Anne?



Et voici le chapitre 6!

J'ai l'impression d'avoir un bon rythme, en ce moment, mais je crains que ça ne dure pas, étant donné que je serai plus occupée dans les jours à venir...

A la revoyure!

-AnaFictions. :)

--> @cuthbert_blythe

Home to Avonlea (trad. française)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant