Chapitre 1: A la maison

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« Reviens nous voir, un jour. »

Les mots restaient bloqués dans la tête de Gilbert, ces derniers temps. Depuis qu'il l'avait vue pour la dernière fois, qu'il l'avait quittée, il s'était engagé sur un bateau à vapeur, pour New York.

Anne Shirley Cuthbert. La fille au tempérament de feu, pleine d'imagination et trop bavarde, la fille avec qui il faisait férocement la compétition en cours... Ils étaient plus que des adversaires, et il le savait.
Gilbert adorait secrètement Anne. C'était même un secret pour lui-même, puisqu'il ne s'en rendait pas compte jusqu'à il y a peu encore. Elle était comme magique, pour lui. Elle avait mis tant de couleurs et d'excitation dans sa vie. Elle lui manquait terriblement depuis qu'il était parti, même s'il n'aimait pas l'admettre. Il avait si hâte de lui raconter son voyage.

Gilbert se sentait bizarrement nerveux. Il était en train de marcher vers les Pignons Verts en ce moment, un bouquet de fleurs sauvages dans sa main et des idées plein la tête. Il était arrivé à Avonlea hier soir, tard, et s'était réinstallé ce matin. La ferme de son père était restée en très bon état durant son absence. En rentrant à la maison, de nombreuses choses avaient ressurgi de sa mémoire à propos de la mort de son père.
Personne dans la ville ne savait que Gilbert était revenu. Il voulait que ce soit une surprise. Mais il fallait qu'il voit Anne avant n'importe qui, même s'il ne savait pas bien pourquoi, puisqu'ils n'avaient jamais vraiment été amis. Il y avait une envie étrange en lui de revoir son sourire garni de taches de rousseur, ses yeux brillants...
Une idée absurde de fleurs trottait dans sa tête. Il savait que Anne adorait la nature et plus particulièrement les fleurs car elle les considérait comme sublimes. Mais les fleurs avaient bien sûr des aspects romantiques, c'est pour cela qu'il se sentait un peu gêné à l'idée de lui en offrir. Il était sûr qu'elle allait horriblement réagir et qu'ils ne seraient donc jamais capables de devenir de bons amis.
Gilbert les jeta alors précipitamment dans l'herbe du chemin puis continua sa route.
Des fleurs? Qu'est-ce qu'il pensait? Il ne semblait jamais avoir quelque chose d'assez bien lorsqu'il s'agissait de Anne. De plus, depuis le premier jour où il l'avait rencontrée et appelée « Poils de carotte », elle avait été claire sur le fait qu'ils ne seraient pas amis. Les derniers mots qu'elle avait eu envers lui ne lui ressemblaient pas, même si elle n'avait jamais laissé supposer qu'elle aimait bien Gilbert. Elle avait même dit qu'il lui avait manqué à l'école! Pour la compétition, bien sûr.

Gilbert vit les Pignons Verts au loin. C'était toujours aussi beau. La ferme semblait vide, ce qui était étrange. Pourquoi Mr Cuthbert ne travaillait-il pas?
Il traversa l'allée jusqu'au portail et l'ouvrit doucement, sans détacher son regard de la belle maison blanche. Il y eu un moment d'incompréhension, comme si quelque chose clochait, ou que la ferme paraissait inhabitée. L'idée que les Cuthbert soient partis pour aller vivre ailleurs traversa l'esprit de Gilbert. Il fronça les sourcils, pensant à Anne dans le froid hiver, ses joues rougies et ses yeux remplis de tristesse.
Elle avait eu assez de difficultés durant son enfance. Il pria donc pour que ce ne soit pas cela.
Gilbert se dirigea vers la porte d'entrée. Il frappa à la porte deux fois puis attendit, sa respiration battante formant des nuages dans l'air frais de ce matin printanier. La porte s'ouvrit par une Marilla Cuthbert fatiguée. Gilbert fut soulagé de voir enfin un visage familier ici. Bien sûr qu'ils n'avaient pas perdu la ferme!
« Bonté divine! Gilbert Blythe en chair et en os. » Marilla sourit doucement, avec bienveillance. « Tu sembles vraiment plus grand. Anne va être contente de te revoir. »
« Vous croyez? » dit Gilbert sachant que c'était vrai. L'idée que Anne soit contente de le voir lui rendu désespérément heureux.
« Voudrais-tu entrer? » demanda Marilla.
« Oh, juste si ça ne vous dérange pas. » il la suivit dans la maison, qui paraissait très propre.
La maison semblait plus vide qu'auparavant, et il savait que c'était à cause de leurs problèmes d'argent. Marilla amena le service à thé pour qu'ils boivent, puis ils s'assirent dans la cuisine.
« Anne m'a parlé de vos soucis financiers, je suis ravi que vous soyez encore aux Pignons Verts. »
« Justement. Matthew se remet doucement de son infarctus et Jerry a pu rester à la ferme grâce à la générosité de Madame Barry. On s'en remet. »
« Ceux sont de bonnes nouvelles. » Gil fut soulagé. « J'ai pensé à vous lorsque j'étais là-bas. »
« Et comment était ton voyage? » demanda Marilla, préparant le thé.
Gilbert était parti pour rester avec son Oncle, à New York. Il avait travaillé toute l'année dans un site de grands bâtiments pour la compagnie de celui-ci, mettant de l'argent de côté, visitant la ville pendant ses jours de congés. Il avait appris et découvert tellement de choses. Le monde était tellement plus grand que le Canada. Aujourd'hui, il se sentait plus ouvert d'esprit.
« Je me sens plus mature maintenant... Voyager permet de vraiment de voir les choses dans une autre perspective. A présent, je considère plus les choses. J'ai vu les grandes villes dont tout le monde parle, c'était très beau.», repris Gilbert.
Marilla sourit, mélancolique. Ils restèrent silencieux pendant un moment, chacun plongé dans ses pensées. Le père de Gilbert, John, était dans les pensées de tous les deux.
« Il aurait été fière de toi. » elle dit presque sourdement. « Faire ton propre chemin, voyager... je suis certaine que c'est ce qu'il aurait voulu pour toi. »
Gilbert respira profondément, sentant une boule se former dans sa gorge, la nouant. Son père lui manquait énormément, et c'en était douloureux. Il détourna son regard, celui-ci se dirigeant vers la fenêtre. Il vit un bouquet de fleurs sauvages, et il sut instantanément qu'elles avaient été collectées par Anne.

La question qui le démangeait depuis le début de sa visite n'eu pas besoin d'être posée, car Marilla, comme lisant dans ses pensées lança: « Tu dois te demander où se trouve Anne. »
Gilbert sentit sa bouche devenir plus sèche. Tout ce qui était à propos de Anne le rendait nerveux. Il ne se sentait jamais nerveux devant personne, plus particulièrement devant les filles, même. Il était un des garçons les plus confiants et populaires de l'école, il savait user de son charme et être plus malin que les autres. Mais Anne était différente. Elle était intelligente et courageuse, et puis imprévisible et féroce.
Il hocha simplement la tête.
« Elle est en ville, elle travaille. Elle aura fini à l'heure du thé. » l'informa Marilla.
« Elle travaille en ville? Anne a un job?» demanda Gilbert, les sourcils froncés. « Pourquoi? Pourquoi n'est-elle pas à l'école? » reprit-il.
« On avait besoin d'argent pendant que Matthew se remettait en forme et puis, nous sommes encore endettés envers la banque. Il fallait qu'elle travaille. Matthew a doublé nos cultures avec l'argent que nous avions mis de côté et, pour ma part, j'ai fait le linge chez des familles ainsi que de la couture pour gagner un peu d'argent. » Marilla semblait attristée, mais son ton restait tranchant et froid, comme à son habitude.
« Et où travaille Anne? » demanda Gilbert.
« A la librairie de Avonlea. C'est un bon job, elle l'aime bien. Elle peut récupérer des livres gratuitement lorsqu'ils commencent à être abîmés. Elle dit que c'est bon pour son imagination. » Marilla soupira.
Elle n'avait jamais montré un quelconque encouragement de la façon d'être de Anne mais au fond elle était admirative et impressionnée par sa fille. 
« Elle fait des longues journées de travail, donc elle n'a pas beaucoup de temps à consacrer à l'école. » dit Marilla. « Je lui ai dit qu'elle devait moins travailler, mais elle a insisté pour travailler plusieurs jours supplémentaires... Cette fille est beaucoup trop têtue pour se soucier de son bien-être. »
Gilbert pensa à Anne qui travaillait toute la journée, tous les jours, toute la semaine. Pas le temps de jouer dehors et d'explorer les bois et les champs, ni de passer du temps avec ses amies. N'ayant pas de temps pour l'école, elle s'instruisait seule, en lisant. Les choses qu'elle aimait avaient été mises de côté afin de se consacrer aux besoins de sa famille.
Gilbert voulait vraiment l'aider.

Que devrait-il faire?


Voilà! C'est lancé! Le premier chapitre est écrit! C'est le début de quelque chose, et j'espère que vous poursuivrez cette aventure avec moi, à travers la lecture de cette fiction!
Tout le mérite, évidemment, pour cuthbert_blythe .

-AnaFictions. :)

Home to Avonlea (trad. française)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant