— Si seulement je m'étais rendue compte que Zeresh allait mal, murmura Lux.— Tu ne pouvais pas voir son mal-être, tu n'es pas devin... Personne ne l'est.
Je ne savais pas réellement à qui je m'adressais en parlant ainsi, peut-être à moi. Je donnerais tout pour avoir une machine à remonter dans le temps et revenir à ma dernière conversation avec elle. Est-ce qu'elle avait agi sur un coup de tête ou est-ce qu'elle l'avait prémédité à l'avance?
— J'ai été si méchante avec elle lors de notre dernier échange, je l'ai même menacé...
Tandis que mon amie se noyait dans ses remords ainsi que dans l'alcool qu'elle avait volé grâce à moi à la supérette du coin, je me contentais de l'observer, distraite. J'avais fait diversion pour cette bouteille, ou plutôt mon décolleté. Même si mes pensées étaient en ébullition, je me sentais particulièrement vide, aussi vide que le parc dans lequel nous nous trouvions présentement. Nous étions assises au beau milieu d'un tourniquet et nous étions tellement à l'étroit que ses genoux touchaient les miens. Je n'osais pas prendre la parole, lui dire que je l'avais vu, moi, son mal-être et que je n'étais pas venue à sa rescousse pour autant. Je ne voulais pas qu'elle me haïsse comme le reste de mon monde. Est-ce qu'elle me mépriserait comme la totalité des élèves aujourd'hui si je lui en parlais ? La journée avait été si longue. Tous mes camarades n'avaient eu que le nom de la défunte à la bouche. I n l a s s a b l e m e n t.
Zeresh Mili
Zeresh Mili
Zeresh Mili
La pauvre n'avait jamais été connue pour détenir une bonne réputation, même pas Mason Bowman n'était parvenu à redorer son blason alors les paroles de mes très chers camarades à son égard étaient cinglantes. À leurs yeux, elle n'était personne d'autre que la peste qui harcelait les plus faibles à ses heures perdues. Assister à tant d'hypocrisie m'avait mis dans une colère noire car personne ne l'avait arrêté à l'époque, se contentant simplement d'épier ses méfaits comme s'ils assistaient à un vulgaire spectacle. Sauf moi. Et avec le recul, ce n'était pas uniquement pour Raquel que j'étais intervenue. J'avais eu besoin de me prouver quelque chose sur le moment, de me défouler sur quelqu'un d'autre que moi-même puisque je souffrais depuis le suicide de mon frère. J'étais, moi aussi et sans surprise, vue comme une harceleuse depuis qu'elle nous avait quittés. Il était vrai qu'ils avaient assisté à des batailles effrénées entre la blonde et moi-même lors de notre année de Première. J'avais senti les regards qu'ils m'avaient lancé tout au long de la journée, j'avais entendu les messes basses lorsque j'étais à proximité : j'étais le bouc émissaire idéal. Est-ce que Mason avait eu à subir de tels regards aujourd'hui ? Est-ce qu'ils parleraient de moi d'une telle manière lorsque je serai morte ? Ce n'était pas comme si je serais encore présente pour les entendre, mais je ne pouvais m'empêcher d'y penser. Il fallait bien que l'on se souvienne de nous pour quelque chose, et qu'importe la raison, du moment que je ne passais pas aux oubliettes.
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A FLEUR DE PEAU
RomantizmPris au piège par la routine suffocante de l'adolescence, Rafaela et Mason, livrés à eux-mêmes, cherchent leur place dans le monde. Ils rêvent d'ailleurs ainsi que de liberté. L'alcool, les drogues et le sexe bernent le vide de leur être. Ils se che...