Chapitre 8

387 28 16
                                    

Orla Romero/11 août 2018

N'Golo nous rejoint au bout de plusieurs minutes. Il affiche un large sourire, mais ne semble vraiment pas rassuré.

-T'es... T'es prête ?

Je lui souris en attrapant la main de Lola, qui s'apprêtait déjà à courir partout.

-Oui...

-T'es venue comment ?

-J'ai... J'ai pas de voiture, j'ai pas les moyens d'en acheter une... alors Mitchell m'a amenée jusqu'ici.

-Oh.

Il semble gêné.

-Je... Je suis désolé...

-Tu n'as pas à l'être.

-Donc... Je t'emmène manger quelque part ?

J'acquiesce, et nous montons dans la voiture. Nous n'osons pas vraiment prendre la parole, alors Lola s'en charge ; elle pose des tas de questions à celui qu'elle appelle déjà « papa ». Je n'ose pas lui dire de se calmer un peu ; je ne l'avais pas vue aussi heureuse depuis si longtemps...

Nous arrivons, rentrons dans le restaurant... Et je sens tous les regards braqués sur moi. N'Golo semble remarquer mon malaise, il me dit de ne pas faire attention à eux, que ce n'est une question d'habitude... Mais je ne parviens pas à me détendre.

Les serveurs nous accueillent, lancent un regard amusé à N'Golo, qui répond à leurs interrogations muettes par un large sourire, et ils nous placent à la meilleure table.

Lola ne tient pas en place, elle saute partout ; je crois ne l'avoir jamais vue dans un tel état.

-Ca va être trop bien, je vais enfin manger une pizza !

-Oui, mais calme-toi mon cœur, les gens nous regardent bizarrement...

-Tu sais, répond le footballeur, même si Lola est adorable, je ne pense pas que c'est pour elle que les gens tournent la tête vers nous...

-J'ai juste pas envie de trop l'exposer... Ca pourrait lui faire du mal.

Il sourit.

-T'es vraiment une bonne mère...

Je me sens rougir.

-Mer... Merci, mais c'est normal... Je ne veux pas qu'elle ait des problèmes à cause de moi...

-C'est quand même admirable d'y penser... Parle-moi un peu de toi.

Je me renfrogne un peu ; je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si direct.

-Je... Je sais pas si c'est une très bonne idée, avec la petite à côté...

Lola, qui était en train de faire du coloriage, relève la tête vers nous :

-Vous parlez de moi ?

-On disait juste que t'étais trop mignonne, répond N'Golo.

Elle lui adresse un sourire édenté.

Il se retourne vers moi :

-Non, je te parlais pas de ça... Je veux juste en savoir un peu plus sur vous... C'est tout, si tu n'as pas envie de me parler de certaines choses, ne te force surtout pas...

Alors je me livre à lui, un peu. Je lui parle de mes rêves et de mes espoirs, de mes déceptions et de mes angoisses. Et comme la première fois, j'ai cette sensation de le connaître par cœur.

Nous sortons après plusieurs heures, sans vraiment avoir vu le temps passer.

-Maman... Je veux aller chez papa N'Golo !

Je me dandine d'une jambe à l'autre, gênée.

-Lola... On est à deux heures et demie de Chelsea, on peut pas aller directement chez N'Golo... On va trouver un hôtel, et...

Et je me souviens que je n'ai pas d'argent, nulle part où aller dans cette ville d'Huddersfield qui semble maintenant si hostile.

-Si Lola le veut, on peut rentrer maintenant... Ca ne me dérange pas de conduire ce soir... En plus, je n'ai pas bu ce soir. Je ne bois jamais.

Ma fille insiste encore plus, et je finis par m'avouer vaincue.

Je somnole un peu dans la voiture d'N'Golo, et à chaque fois que je rouvre les yeux, il est là. Il me sourit, et je me rendors paisiblement.

Nous arrivons enfin devant chez lui, et il me secoue doucement pour me réveiller.

-Je... Je suis désolée, bafouillé-je, gênée.

-T'as pas à l'être...

Il réveille Lola et nous invite à rentrer.

Même si j'ai compris depuis longtemps qu'N'Golo n'est pas comme tous les autres joueurs, je suis vraiment surprise de l'extrême simplicité des lieux. La décoration me fait même un peu penser à celle de la maison de mes parents, qui évoluaient pourtant dans un milieu modeste.

-Waouh, c'est trop beau ! s'exclame Lola, émerveillée.

Elle se colle à la télévision ; ça doit être la première fois qu'elle en voit une aussi grande. J'ai honte.

-Papa, je peux regarder ?

Il tressaille en entendant ma fille l'appeler ainsi.

-Je... Oui, bien sûr...

Il l'allume, et, folle de joie, Lola s'assied sur le canapé couleur crème, les yeux scotchés sur le téléviseur.

Elle ne tarde cependant pas à s'endormir, et un problème se pose assez rapidement...

-Je vais l'emporter jusqu'à la chambre d'amis...

Il la porte et la borde avec une tendresse infinie, et j'ai un petit pincement au cœur en le voyant faire : j'aurais tellement aimé voir Andréas faire ça...

Lorsque nous retournons dans le couloir, quelque chose m'interpelle ; la maison est bien plus petite que ce que je pensais.

-Dis-moi... Où sont tes autres chambres d'amis ?

Il fronce les sourcils :

-Il n'y a que celle-là...

-Attends... Mais comment c'est possible... Je veux dire, t'as une famille nombreuse, comment ils font pour tous rester ici ?

-Comment tu sais que j'ai une famille nombreuse ? Tu t'es renseignée sur moi ou quoi ?

Je me sens rougir.

-Oh d'accord, je vois... Pour répondre à ta question, j'ai des matelas gonflables que je sors quand ils viennent...

-C'est cool, je vais pouvoir dormir dessus alors...

-Non... Prends mon lit !

Il insiste, et je finis par accepter. Il me fait entrer dans sa chambre, je m'attends à le voir rejoindre... Mais il me souhaite une bonne nuit et me laisse seule.

Je suis encore très fatiguée, mais je ne dois pas m'endormir... Je ne peux pas me le permettre. Je ne sais que trop bien ce qui risque d'arriver quand je dormirai, et c'est bien pour ça que je dois tenir...

La nuit risque d'être très longue...

Don't be so shy / N'Golo KantéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant