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Louis

Le train entra enfin en gare. Nous avions passé la nuit dans ce wagon et tous mes muscles hurlaient de douleur à cause du sol qui m'avait servi de matelas. Mon épaule ne me dérangeait presque plus et la blessure entourée du bandage blanc ne saignait plus. Un soldat vint nous chercher pour nous faire descendre du wagon. Il nous fit placer en rang d'oignons et je me retrouvai avec Matthieu près de moi. Une fois descendus sur le quai, les soldats nous avaient fait nous aligner, les mains sur la tête. Ils nous ont ensuite annoncé qu'ils allaient sous séparer en deux groupes. Un grand soldat dont la moustache me faisait penser à un hamster commença à appeler des personnes inscrites sur sa liste. Les plus vieux de notre groupe furent appelés. J'avais peur de ce qu'il allait leur arriver. L'homme qui m'avait insulté dans le train fut appelé à son tour. Il ne resta bientôt plus qu'une dizaine d'hommes de moins de quarante ans. Et Matthieu. Je vis les soldats discuter entre eux en désignant du doigt mon jeune camarade. Puis ce que je redoutais arriva. L'homme à la moustache se racla la gorge.

Soldat : Matthieu Brossand.

Le garçon réajusta nerveusement sa veste en jean et je lui donna une tape amicale dans le dos pendant qu'il s'éloignait.

Harry:

Nous étions arrivé dans le camp qui nous était réservé et pas de trace du groupe qui avait été appelé à la gare. L'expression de Louis quand le jeune Matthieu avait été appelé avait suffi à me déprimer plus que je ne l'étais. L'espoir qu'il diffusait s'était envolé au moment où j'ai cru qu'il allait pleurer. Cette sensation que j'avais eue quand j'avais vu que même la personne la plus forte du groupe allait craquer... Mais je ne pouvais lui en vouloir. Louis avait trouvé un ami et quelques heures plus tard il était sûrement condamné. L'heure du dîner sonna et tout le groupe se réunît devant la porte du dortoir. Nous étions alignés, dos au mur, les mains au-dessus de la tête. Le Commandant lança un regard noir à Louis qui avait ses mains dans ses poches et le regard vague. Le jeune homme leva alors les mains sans grande conviction, tout en baillant.

Commandant : si on n'avait pas besoin de toi, il y a longtemps qu'on t'aurais exécuté !
Louis : changez de refrain les gars ! Vous me dites toujours la même chose !

Le Commandant lui donna un coup de crosse dans son ventre.
Commandant : Spielen Sie kein dieses kleines Spiel mit mir! [ne jouez pas à ce petit jeu avec moi !] Vous perdrez !

Louis hocha la tête. Visiblement, il comprenait l'allemand. Pas moi. Le Commandant nous accompagna vers la cantine. Dire que cette salle était une cantine, c'était comme dire d'une planche de bois que c'est un lit. La pièce était vaste et sale. Des tables démunies de pieds étaient posées au sol et un cuisinier était debout derrière une marmite qui était remplie d'une substance qui semblait être de la soupe. On se mît à la file indienne avec, à la main, des bols qui nous avaient été distribués. Ils furent remplis et chacun s'assit autour d'une table sans pieds parterre. Louis mangeait sa soupe sans grande conviction. Je m'assis près de lui et goûta la soupe. Le mélange était simplement ignoble. Je failli m'étouffer et m'exprimais entre deux quintes de toux.

Moi : raaaah ! C'est immonde !
Louis me regarda et sourit faiblement.
Louis : c'est la seule chose qu'on aura à manger avant demain alors à ta place je ne ferais pas trop de chichi et je boirais cette immondice sans me poser de questions.


Je ris et lui rendis son sourire. Il était beau ce garçon. Si on n'avait pas été en période de guerre et que je n'étais pas considéré comme un être inférieur à éliminer d'office, je l'aurais sûrement dragué. Il avait des yeux qui exprimaient plus de choses que la parole elle-même. Et ça me plaisait. Ça me plaisait inconditionnellement. Je refoula mes pensées au fond de moi et avala ma soupe-si on peut appeler cette bouillie ainsi-d'une traite.

Louis:

Le Commandant nous fit nous lever et nous emmena dans une autre sale. "Contrôle sanitaire" il avait dit. Chacun de nous devait entrer dans une pièce entourée de rideaux à tour de rôle. Je regardais les gens défiler devant moi. Vint alors mon tour. Je m'avançai lentement. Un médecin m'attendait là.
Médecin : je dois vous tatouer votre emploi du temps sur le bras. Tendez-le.
Je fis ce qu'il me dit et il me tatoua un emploi du temps. Je grimaça de douleur mais c'était déjà bien plus supportable que la balle dans l'épaule. Une fois son travail terminé, le médecin me fit sortir et appela le prochain. Je lis mon tatouage :

5:00 : réveil.
5:30 : repas du matin
6:00 : travail.
13:00 : déjeuner
14:00 : fin de la pause.
17:30 : retour au dortoir, douche.
19:00 : dîner.
20:00 : extinction des feus.

Chaque personne ne respectant pas l'emploi du temps sera exécuté.
Le tatouage recouvrait mon avant-bras.
Nous étions tous allongés sur nos couchettes du dortoir. J'entendais les pleurs venant de la couchette au-dessus de moi. Je ferma les yeux, tentant d'oublier que j'avais moi aussi des raisons de pleurer. ~Si seulement il avait pu pleurer en silence, je n'entendrais plus ses sanglots aujourd'hui encore résonner dans ma tête~

WAR LOVE [L.S]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant