Endettée. Ce mot résonne dans ma tête autant de fois que mes yeux le lisent. Je ne sais pas pourquoi je suis si surprise. C'est vrai, après tout, ce n'est pas comme si c'était la première fois que ça nous arrivait. En réalité, existe-t-il un jour où nous n'ayons pas été endettés ?
Seulement, je pensais que c'était fini. Mais, voilà que mon père me prouve une fois de plus le contraire. Pourtant, il me semblait avoir fait le nécessaire. J'ai économisé chaque dollar de mon maigre salaire de serveuse, dépensé le strict nécessaire à notre survie, mais en vain. Mon père s'est laissé, encore une fois, submerger par ses démons.
Je retiens non sans mal des larmes de rage et rentre dans cette maison qu'est la nôtre. Les murs sont défraîchis, le parquet rongé par les insectes. Les seules choses qui ont l'air encore en état sont nos meubles. Enfin, maman avait du goût, on ne peut pas lui enlever ça. Ces meubles, c'est tout ce qui nous reste d'elle.
Elle est partie lorsque j'avais cinq ans. Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir gagner contre le cancer. Elle aimait dire que peu importe notre statut social ou notre richesse, il y a trois choses dont l'être humain ne peut échapper : la mort, la maladie et les impôts. Il suffit de voir tous ces miséreux mourir du cancer pour se rendre compte qu'elle avait raison, comme toujours.
Papa est installé devant la télé où est diffusé un match de baseball. Je ne comprendrai jamais son amour pour ce sport, car je ne comprends même pas ses règles. C'est tellement compliqué pour moi... Une bière à la main, il semble obnubilé sur ces hommes qui courent sur le terrain. Ses cheveux grisonnants ne sont même pas coiffés. « Coiffé pour qui ? Pourquoi ? » aurait-il dit. Il ne s'apprête plus depuis longtemps. Je ne me souviens même pas l'avoir déjà connu heureux. Je ne sais même pas comment j'ai fait pour grandir avec un père comme le mien. Mais malgré tout, je l'aime de tout mon cœur, avec ses nombreux défauts. Et je sais qu'il m'aime en retour.
— Papa !
Ma voix couvre celles des commentateurs. Il tourne son visage vers moi. Les rides qui marquent ses yeux bleus comme les miens m'ont toujours fascinées. En aurai-je autant plus tard ? Je lui tends la lettre qu'il ne prend même pas la peine de lire. Il fait un vague geste du bras, dévoilant un trou dans son t-shirt en coton noir au niveau de l'aisselle. Je note dans un coin de ma tête que je dois le recoudre quand j'aurai le temps.
— C'est quoi, encore ?
Je tente de garder mon sang-froid, car je suis sur le point d'exploser, littéralement. Je vois mes économies flamber en même temps que les secondes s'écoulent.
— C'est une lettre de la banque, papa.
Il ne réagit pas, trop absorbé par le match qui continue sur sa lancée. Agacée, j'attrape le câble et le débranche, faisant taire cette machine de malheur. Il souffle un grand coup et me fait face.
— Donc ? grogne-t-il.
— Tu es encore allé parier.
Ce n'est pas une question et il le sait. Il ne cherche même pas à nier, ça ne sert à rien. Je sais qu'il est coupable de la perte de notre argent.
— Nous sommes de nouveau endettés et je n'ai pas la moindre idée de comment nous allons nous en sortir.
Malgré moi, les larmes commencent à couler et j'aperçois à travers ma vue troublée, la tristesse de mon père. Il baisse la tête et inspire profondément. Son nez écrasé me paraît immense de là où je suis. Je tente d'ignorer la petite voix dans ma tête qui me dit qu'on a le même.
— Pardonne-moi, Kai'. Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'étais persuadé que je pouvais gagner et t'offrir la vie que tu mérites mille fois. J'ai merdé.
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The Cursed Wolf ✔︎
Hombres Lobo[TERMINEE] Lorsque Kaileen reçoit une lettre de la banque lui indiquant qu'elle est endettée jusqu'au cou, elle n'a plus d'autres choix : elle va devoir trouver un travail qui paye bien rapidement. Par un heureux coup du hasard, elle tombe sur une a...