Destinés

15. Chez les Jaeger

Notre relation prit peu de temps à s'établir solidement.

Rapidement, Eren souhaita emménager avec moi. J'étais légèrement réticent au début, mais plus il passait de temps chez moi, plus ses biens traînaient dans ma demeure. Quelques fois, même, c'était moi qui laissait des choses chez lui. Au début, j'étais terriblement gêné d'avoir oublié mon manteau à son appartement, alors qu'Eren ne faisait que prendre à la légère que ses vêtements traînent chez moi. Cependant, comme aucun de nos logements ne convenait pour une vie à deux (même pas celui d'Eren, qui était pourtant plus grand que le mien), nous avions convenu, au désagrément de mon nouveau copain, de rester chacun de son côté. Je dois avouer, par contre, que passer une nuit à ses côtés ne faisait pas de mal.

De plus, comme Eren insistait pour afficher notre amour, il n'hésitait pas à me tenir la main ou à m'embrasser en public lors de nos sorties amoureuses. J'étais plutôt réservé, les premiers temps, pensant que personne ne tenait à voir un Alpha et un Oméga ensemble, dans le style très amoureux et non hiérarchiques. Habituellement, les Alphas dominent les Omégas, ils ne se mettent pas à leur niveau! Cela devait donc paraître étrange, vu de l'extérieur.
Heureusement, rien ne semblait avoir changé avant et après qu'Eren et moi soyons officiellement en couple. Les passants nous observaient un instant, sans plus, avant de reprendre leur chemin, nous ayant déjà oubliés. Cela me convenait bien et Eren s'en voyait ravi : il pouvait me montrer son amour même en public. Il n'eut qu'une seule fois où un enfoiré était venu nous lancer des insultes, mais j'avais décroché mon poing si rapidement qu'il ne fit pas long feu. Évidement, Eren avait dû subir ce moment terrible qu'est de me consoler ; j'étais si honteux de m'être emporté aussi facilement que j'en pleurais presque. De sa bonté sans égale, mon copain m'avait rassuré en me cajolant toute la soirée.

Notre train-train de vie se déroulait paisiblement. La journée, Eren et moi travaillions. Une fois le boulot terminé, mon amoureux s'arrangeait toujours pour venir me chercher au café afin qu'on passe la soirée ensemble. Un soir, on mangeait chez moi, l'autre soir chez lui. Nous gardions une alternance régulière qui nous plaisait bien. Pour les occasions spéciales, tels les weekends, Eren voulait toujours m'offrir un repas à l'extérieur, surtout les petits-déjeuners. C'était nos pêchers mignons du samedi matin.

Puis, un beau jour, Eren m'annonça une nouvelle qui me renversa littéralement de ma chaise : ses parents souhaitaient me rencontrer. Je ne pensais pas que la famille de mon amant désirait, si tôt dans notre relation, me connaître ; moi, un pitoyable Oméga. Cependant, le jeune homme m'avait rassuré en me décrivant ses parents. Monsieur Jaeger était un docteur retraité, mais encore pleinement passionné. Il vivait encore des profits de sa compagnie pharmaceutique de produits naturels. La mère d'Eren, elle, travaillait toujours en tant qu'enseignante dévouée au lycée. Elle frôlait la cinquantaine alors que son mari avait plus d'une dizaine d'années de plus qu'elle.

Je ne pus refuser l'offre de Carla de venir partager un repas en leur compagnie. Enfin, le dimanche midi arrivé, Eren et moi nous dirigions chez ses parents. J'étais anxieux et fébrile ; allaient-ils accepter que leur unique enfant ait comme copain un simple Oméga qui travaille dans un café local? Pensaient-ils que leur fils gâchait sa vie amoureuse en étant en couple avec moi? Eren arrivait, comme à l'habitude, à apaiser mes craintes d'un seul regard. Ces yeux si profondément amoureux firent battre mon cœur plus rapidement. Calmé, je souris en pensant que les parents de mon amant allaient être aussi aimables et ouverts que lui.

Le trajet prit peu de temps. En moins d'une trentaine de minutes en voiture, nous aboutîmes en banlieue, où les Jaeger possédaient une demeure bien à eux. Devant la grande maison se trouvait un magnifique jardin bien entretenu. Après le compliment que j'aie donné à cette maison, Eren m'expliqua que sa mère avait le pouce vert et bien généreux. Je n'en doutais aucunement.
Puis, après avoir gravi trois marches, nous sonnâmes à la porte. Ce fut le maître de la maison qui vint nous ouvrir.