01. La vie me déteste

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La vie me déteste...

Comment expliquer autrement l'existence de merde que j'ai? On dirait bien que je vis dans un monde de fous...

Je n'en veux pas à ma mère de m'avoir donné naissance, mais quelques jours, j'aurais souhaité ne jamais être né. Je me répétais que ma vie ne changerait rien aux autres : que je meurs ou que je vive, ça leur serait égal. Je suis un fantôme, une ombre qui traverse en silence sans attirer l'attention.

Je ne suis qu'un simple Oméga.

Eh oui. Quelles étaient les probabilités que je vienne au monde ainsi? À peu près... 10%? La grande majorité de la population, 70% pour être exact, sont des êtres normaux, des Bêta, un 20% est Alpha et le reste, comme moi, est Oméga.
Sérieusement, être Oméga est la pire chose qu'il soit. En plus d'être détestés par tous, ils nous prennent pour des objets sexuels simplement parce que nous avons des chaleurs comme les animaux.

Il y a près de 500 ans, le monde a connu une terrible guerre ; la race humaine était sur le bord de l'extinction à cause d'armes biologiques. L'Homme a alors évolué afin de ne pas s'éteindre. C'est donc de là que les sexes secondaires, Oméga, Alpha et Bêta, sont apparus.
Cependant, même des centaines d'années après cette tragédie, les humains n'ont pas changé de physionomie. Même si l'espèce humaine n'est plus menacée, j'ai tout de même un putain d'utérus dans mon ventre. Pourquoi? Eh bien, j'en ai aucune espèce d'idée.

La vie me déteste...

Ma mère m'avait enseigné la vie selon l'ancienne méthode. Elle disait souvent qu'un homme devait se trouver une femme et ainsi fonder une famille après le mariage. Cependant, le monde autour de moi n'est absolument pas comme elle me l'expliquait. Je ne savais pas pourquoi elle continuait de nier que les couples homosexuels peuvent avoir des enfants : sans doute qu'elle se protégeait elle-même des atrocités de ce monde. Par contre, elle était Bêta, probablement comme mon père, alors elle n'avait pas le même problème que j'ai.

Malheureusement, ma mère m'a quitté très tôt : je devais avoir à peu près 10-11 ans quand cette tragédie s'est abattu sur moi. Je me souviens encore de ce jour comme si c'était hier... C'était le pire jour de ma vie. Heureusement, elle a pu partir sans savoir que je suis Oméga ; je ne l'ai découvert que le jour de mes 12 ans, lorsque j'ai eu mes premières chaleurs. Mon oncle, qui avait pris soin de moi après le décès de ma mère, ne m'avait pas rendu la vie facile avec ce problème. Oui, il ne bronchait jamais lorsque venait le temps de m'acheter des inhibiteurs de chaleurs, mais il me répétait à chaque fois que j'étais un monstre ou un animal répugnant.

Ah, et je ne vous raconte pas combien de fois j'ai passé à deux doigts de me faire violer... Quelques fois, les inhibiteurs ne fonctionnaient pas totalement et mes hormones en profitaient pour s'échapper. C'est depuis ce temps que j'ai pris la résolution de toujours prendre plusieurs inhibiteurs à la fois. Cependant, les effets secondaires sont évidement plus puissants : coups de fatigue, sautes d'humeur, douleurs musculaires anormales, et j'en passe... Mais je le devais. Je le devais pour mon propre bien.

Je souffrais tant à l'adolescence... Déjà que les Bêta se plaignent que c'est une période de la vie très difficile, ce l'était encore plus pour moi. Savoir que j'étais dégueulasse et que j'étais purement un animal m'incitait à m'isoler. Des années plus tard, c'était encore difficile de sortir de ma maison.

Puis vient le travail. Au moins, j'appréciais ce que je faisais : je travaillais comme employé de bureau. Mon quotidien consistait à retranscrire des textes à l'ordinateur ou à la main et à corriger les fautes. Je ne m'en lassais pas, mais je dois avouer que ce n'était pas mon rêve. Si j'avais réellement à choisir ce que je voulais faire dans la vie, ce serait d'ouvrir une pâtisserie. Cependant, mes chaleurs m'en empêchaient : à chaque mois, je deviens moins productif et concentré, ce qui me nuit à la tâche. Même avec les inhibiteurs, il est difficile de suivre le rythme habituel.

Cependant, personne ne doit savoir que je suis un Oméga.

Si on venait à le découvrir, tous mes efforts pour cacher cette partie de moi aurait été vains. Je ne veux pas que les autres pensent que je ne sers à rien d'autre qu'à enfanter. Je veux trouver mon but dans la vie et c'est certainement pas en affichant cette particularité que je réussirai.

Pour ceux qui ne l'avaient pas encore compris, la vie me déteste.

« Pourquoi est-ce toujours à moi que ce genre de malheur arrive? » avais-je pensé cette journée-là en quittant le bureau.

Ça s'était produit sur le chemin du retour. Je savais que ça allait arriver tôt ou tard, j'y étais préparé, mais, encore une fois, il y avait eu une défaillance.

À chaque fois que je sors, je trimbale toujours deux pilules d'inhibiteur avec moi. Cette journée-là, comme je savais que j'allais avoir mes chaleurs dans peu de temps, j'avait mis les inhibiteurs dans ma poche afin de pouvoir les utiliser rapidement. Cependant, je ne les avais pas pris durant la journée afin de contrer cette période ultra chiante. C'est lorsque je marchais en direction de ma voiture que j'avais soudainement eu ce coup chaleur. À cet instant, je paniquais : et si jamais je venais à croiser un Alpha? Qu'allait-il m'arriver? Je n'avais pas le choix : je devais prendre ces inhibiteurs le plus rapidement possible.
Par contre, ma demeure était trop loin ; avec la congestion du centre-ville, ça allait me prendre au moins une trentaine de minutes. Le café le plus proche était tout juste en face de mon lieu de travail. Je décidai donc, sur un coup de tête, de m'y rendre. Pour prendre mes inhibiteurs, je devais absolument boire quelque chose : avaler à sec des pilules pour moi est impossible.

Donc, avec un élan de courage, je traversai la rue sans problème. Cependant, une fois sur le trottoir, un autre coup de chaleur me prit soudainement. Ayant une faiblesse, je manquai tomber si on ne m'avait pas retenu. J'eus un frisson de panique.

- Hey! Est-ce que tout va bien? demanda une voix inconnue.

Rapidement, je me redressai, desserrant ma cravate. Je me sentais comme dans une fournaise.

- Oui... Je suis juste... déshydraté, mentis-je.

- Vous ne semblez pas bien, en effet, se soucia ce jeune homme. Laissez-moi vous accompagner.

- Non, c'est bon.

Je ne voulais pas me faire avoir comme la dernière fois. La dernière fois qu'une telle situation m'était arrivée, j'avais accepté qu'un Alpha, sans savoir que c'en était un, me reconduise à la maison et je m'étais retrouvé dans une ruelle sombre à me battre. J'avais eu la chance de pouvoir m'enfuir avant que quelque chose de très désagréable ne se produise.

Cependant, en me voyant vaciller vers le café, l'étranger insista pour me suivre.

- Je veux quand même m'assurer que vous n'allez pas vous évanouir...

Comme il semblait sincèrement inquiet, je n'argumentai pas plus et je le laissai me suivre. Je n'avais pas de temps à perdre.

Une fois dans la brasserie, j'allai directement au comptoir demander un grand café glacé. Tandis que j'attendais, me rafraîchissant en secouant ma main près de mon visage, l'étranger vint à côté de moi et il commanda la même chose que moi. Puis, je fouillai dans mes poches afin de saisir mon portefeuille : je devais tout de même payer mon breuvage! Cependant, le type à côté de moi m'en empêcha.

- Laissez, je règle la facture.

Je devais avouer qu'une telle attention me charmait. Jamais on ne m'avait remarqué auparavant et cette situation me mettait dans tous mes états. Sur le coup, je ne refusai pas l'offre, trop concentré à me soucier de mes chaleurs.

Enfin, dès que ma commande arriva, je m'empressai d'en prendre une grande gorgée. L'inconnu saisit également son breuvage et il remercia gentiment la serveuse. Alors que j'étais sur le point de vider ma boisson sans même avoir pris mes pilules, je sentis une chaude paume se poser doucement sur mon épaule.

- Allons donc nous assoir un instant. Vous êtes encore blême, fit la voix calme de l'étranger.

Qui était-il, bon sang?

DestinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant