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La cloche retentit. Tom me donne un coup de coude.

"-Aïe !"

Il hausse un sourcil, dubitatif.

"-Mec, tu rêvais ! Imagine que quelqu'un d'autre que moi s'en était aperçu !"

Je baisse la tête. Si quelqu'un m'avait vu, je pourrais dire adieu à mon statut social.

"-T'as raison, merci mec.

-Je sais pas ce que t'as ces derniers temps, mais je crois que tes cojones sont parties à Malibu."

J'acquiesce.

"-C'est à cause de Leslie.

-Encore ?!

-Mais je l'aime. Je l'aime !

-Ok ok ça va j'ai compris. Mais qu'est ce qu'elle a de si spécial ? Je veux dire, qu'est ce qu'elle a de plus que ma sur ?"

Putain, encore Marguerita ou j'sais pas qui !

"-T'es jaloux ?"

Je l'ai dis sur le ton d'une hyène du Roi Lion, lorsque Simba lance "Hé, attaque-toi à un adversaire à ta taille." A ce moment là, la hyène femelle se retourne en cinglant "Pourquoi ? T'es jaloux ?!" en insistant sur le dernier mot.

Je me retiens de rire.

Je suis vraiment en train de me comparer à une hyène ? D'un dessin animé de gamin en plus ?

Enfin, pas tout à fait de gamin, j'avoue que je le regarde encore des fois avec ma sur, mais personne ne doit le savoir !

"-Je ne sais pas. Elle est si belle, si bonne en matière d'intelligence hein, ne fais pas genre je te vois venir, elle n'est pas aussi pimbêche que les autres, elle ne se vante pas de m'avoir parlé ni rien."

Mon pote hoche la tête, mais je vois à son expression qu'il s'en fiche complètement. Je soupire.

"-Ecoute, tant que tu n'as pas vécu ce que je vis, tu ne peux rien savoir de l'amour."

Sur ce, je me casse, un bouquin sous le bras. Je tiens absolument à acquérir du vocabulaire pour ma rédaction vendredi. Je vais pouvoir impressionner Leslie.

Grâce à ses "conseils", ou plutôt grâce à son journal, j'ai entamé "Les Fleurs du Mal". Je ne sais pas pourquoi je n'ai jamais ouvert ce livre. Il est génial !

Bon ok je comprends que dalle ! Mais ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Néanmoins, j'ai mon stock de marques pages Lidl à 1 centime l'un pour marquer les passages parlant d'amour ou ceux qui se dévoilent à une femme.

Je n'aurais alors qu'à apprendre les deux premières phrases, puis attendre sa réaction. Je suis sûre qu'elle va adorer ! Enfin, m'adorer. Elle le faisait déjà si bien, à en croire son journal...

Mais il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué !

Peut être étais-je pour elle qu'un amour d'adolescent passager ? Cette personne que l'on idolâtre et que l'on aime uniquement les qualités qu'on lui a inventé en l'idolâtrant.

Bon j'arrête.

Trop de Baudelaire tue Baudelaire.

D'ailleurs, il est mort depuis au moins un siècle. On se demande pourquoi...

En parlant de Baudelaire, on a français. Je rentre donc dans la salle de classe et sors mon classeur. Pour une fois qu'il n'est pas resté à croupir au fond de mon casier.

Je jette un coup d'oeil à Leslie. Elle est déjà en train de lire. Pas Roméo et Juliette, mais un autre roman à l'eau de rose à la con en mode :

"-Au secours ! Je tombe !

-Que s'est-il passé ?

-J'ai voulu me suicider mais je regrette. Ne me laissez pas tomber !

-Si vous tombez, je tombe avec vous."

Je crois que c'est un film en plus. Le seul film romantique que j'ai regardé, c'est Pocahontas, celui où elle tombe amoureuse de John Smith (le beau gosse blond AUX PUTAINS DE CHEVEUX LONGS !). Pas le 2, où elle épouse un homme dégelasse AUX PUTAINS DE CHEVEUX NOUES AVEC UN RUBAN.

Théo, calme-toi.

Comme dirait Emilie : Keep calm AND SHUT UP !

Ah ! Que d'amour entre un frère et une soeur !

Mme Babois entre et tout le monde se lève.

"-Bonjour, vous pouvez-vous asseoir"

Nous nous exécutons bruyamment. Elle se râcle la gorge avant d'annoncer.

"-Théo, puis-je connaître votre avis ?

-Sur quoi madame ?

-Sur la scène 5 que vous aviez à lire pour aujourd'hui. Mais j'imagine que vous ne l'avez pas lue."

Je fronce les sourcils.

"-Celle où Tybalt menace Roméo au début puis celui-ci va voir Juliette et la drague avec autant de discrétion que Patrick Chirac dans Camping ?"

Abasourdie, la professeure hoche la tête en bégayant.

"-Euh, oui, celle-ci effectivement."

Elle toussote une nouvelle fois tout en redemandant.

"-Qu'en pensez-vous ?

-Oh ! Je pense simplement que dire l'amour autrefois est totalement différent qu'aujourd'hui."

D'un ton méfiant, elle renchérit.

"-Développez.

-Je veux dire que de nos jours nous n'avons qu'à dire "Tu me plais" pour que des personnes s'embrassent, parfois sans s'aimer. Alors qu'à l'époque, il fallait faire la cour, demander aux parents d'épouser leur fille, puis pouvoir espérer un baiser après le mariage.

-Concluez.

-J'en conclus donc qu'aujourd'hui l'amour ne veut plus rien dire."

Elle acquiesce une nouvelle fois avant de me glisser.

"-Vous viendrez me voir à la fin du cours."

Hein ?

Aller, la voir à la fin du cours ?!

Mais, pour une fois que j'avais levé la main (non ok c'est pas vrai), mais pour une fois que j'ai répondu avec le plus de maturité possible et que je n'ai lâché aucune vanne dans mon discours, j'allais me faire punir ?!

C'est injuste ! C'est dégelasse ! C'est abominable ! C'est tout bonnement, bah ça me fais chier quoi !

Surtout que désormais j'ai des leçons particulières, alors si je suis collé je serai obligé de les rater.

Quoique, vous allez me dire, je ne les paye pas, donc je n'ai rien à perdre.

Bref.

Ne stressons pas, tout NE va PAS bien se passer, mais depuis quand Théo Matthews s'inquiète-il de se prendre une punition ?

J'inspire profondément puis expire.

Si j'ai fais une connerie, j'assume. J'ai des cojones et je les pose sur la table comme un mec.

Comme un Matthews.

Cette fille (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant