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Je finis la dernière note, puis un silence de mort s'abat sur la chambre immaculée. Pour briser ce mutisme, je dis d'un ton léger.

"-Bon bah au moins on est à égalité niveau champs."

Elle sourit timidement. UN SOURIRE ! ENFIN !

"-Je suis jalouse : tu chantes mieux que moi.

-Nan arrête, tu dis ça pour me faire plaisir. . .

-Je te promet que c'est vrai ! Chante-en moi une autre que je vérifie mes propos."

Une lueur malicieuse illumine son regard brun.

"-Tu vas le regretter !"

Je pose mes mains sur sa taille et agite mes doigts pour lui faire des guilis.

"-Arrête ! Stop. . . STOP !!!

-Embrasse-moi.

-Non."

Je me remets à la chatouiller.

"-OK OK, ça va je vais le faire mais arrETE DE ME CHATOUILLER !!!"

Je la laisse tranquille et m'agenouille en face d'elle, la bouche en cul-de-poule, attendant ma récompense. Elle s'avance lentement, puis s'arrête lorsque son visage est à quelques micromillimètres du mien.

Elle souffle sur mes lèvres, une point de défi dans ses yeux.

"-Tu veux jouer à ça hein ?"

Elle émet un sourire coquin.

"-Ca se pourrait bien. . ."

Sans lui laisser le temps de détourner une nouvelle fois le regard, j'aplatis mes lèvres sur les siennes. Elle ne met pas beaucoup de temps à répondre à ce baiser. Plus il s'intensifie, plus je sens mes tripes se retourner quand je pense à la manière dont son corps m'avait manqué. Je ne la lâcherai plus jamais.

"-Je le savais !"

Nous tournons tous les deux la tête, ma génitrice nous observe.

"-Maman ! T'es là depuis combien de temps ?

-Assez pour t'avoir filmé en train de chanter."

Elle m'adresse un clin d'oeil. Je me sens cramoisir comme jamais dans ma vie je n'ai rougis. Leslie s'en rend compte et m'embrasse sur la joue en commentant.

"-Ooooh, il est trop mignon."

Je gonfle mes joues comme un gamin en répliquant d'une voix suraiguë.

"-Non c'est pas vrai ! Je suis pas mignon !

-Si.

-Non !

-Si.

-NOOOON !

-Si si si si si si.

-Non non non non. . ."

Elle me coupe en déposant un bisou sur mes lèvres. Maman nous regarde avec un regard doux, les mains jointes collées contre sa joue.

"-Maman, tu devrais vraiment envisager d'avoir un mec."

Leslie se redresse.

"-Si vous voulez mon infirmier est hyper canon. Il a 50 ans, est divorcé depuis qu'il en a 29. Les seules fois où il m'a parlé de sa femme c'était pour dire "Tu as un caractère encore plus merdique que cette salope".

-Il est célib' ?

-Bah évidemment ! D'ailleurs. . . il arrive dans 10 minutes, si vous voulez bien vous donner la peine de patienter. . ."

Ni une ni deux, elle se précipite vers le miroir pour s'examiner la face.

"-Oh mon dieu, je ne suis pas maquillée !

-J'ai du makeup dans la salle de bains si vous voulez."

Elle presse ma tête contre sa poitrine.

"-Oh qu'est ce que je ferai sans toi ! Demande à Théo tout ce que tu veux, je te suis redevable à vie !"

Elle s'enferme ensuite dans la salle de bain. Nous échangeons un regard traduisible par "On appelle l'hôpital psychiatrique maintenant ou on attend la venue de l'infirmier ?" avant d'éclater de rire.

"-Imagine pendant le mariage : Avis aux preneurs, belle, intelligente et drôle femme quinquagénaire cherche homme beau gosse à la Brad Pitt et DiCaprio pour sortir avec lui."

Pour l'embêter, je lui susurre à l'oreille.

"-Quel mariage ?"

Elle rosit jusqu'aux oreilles en indiquant timidement d'une petite voix.

"-Bah le nôtre, quand on sera grands. . ."

Sa petite bouille renfermée et rubiconde de honte la fait ressembler à une enfant à qui on ne peut pas se retenir de l'embrasser sur tout le visage. Elle est juste trop choupinette !

Voyant mon sourire s'élargir, elle peste.

"-Roo mais aussi toi t'es pas mâture ! Je te parle de notre futur mariage et tu te fous de moi !

-Mais non je ne me fiche pas de toi !

-Si."

Je l'installe entre mes jambes, don dos contre mon torse, et j'enlace sa taille pour murmurer à son oreille :

"Moi aussi j'aimerai bien t'épouser."

J'embrasse furtivement sa joue en resserrant l'étreinte par laquelle je la tiens contre moi. Je continue mon monologue.

"-Un jour, dans pas très longtemps mais pas dans 30 secondes quand même, je t'emmènerai quelque part. Je ne te dis pas où sinon ce ne sera plus une surprise. Tu vas faire chais pas quoi, tu vas détourner ton attention de moi. A ce moment-là, je m'agenouillerai dans la boue, le caca, ou n'importe quelle connerie qui se trouvera sous mon genou à cet instant. Je te tendrai une bague et te poserai la question fatidique. Dans mes rêves, tu dis oui. La réalité m'est totalement inconnue mais c'est cela qui rend l'instant magique."

Elle caresse mon avant-bras en écoutant mon discours. Elle relâche petit à petit sa tête et la pose sur mon épaule. Elle m'avoue :

"-Si tu savais le nombre de fois que je me suis passée cet instant dans ma tête. Si tu avais compté toutes les larmes que j'ai pu verser pour des cons qui n'en valaient pas la peine. Tous les sanglots étouffés le soir dans mes oreillers pour ne pas que maman ni Sam ne fassent irruption pour me signaler du tapage nocturne. Et puis tu es arrivé. Toi, c'était la seule chose que Sam n'avait pas. Cela la rendait folle. Puis tu t'es mis à t'intéresser à elle, ce jour-là elle aura vraiment tout eu."

Je me redresse avec vivacité.

"-Hein ? Je ne me suis intéresser à personne d'autre que toi !

-Mais. . . pourtant elle m'a assuré que vous vous étiez embrassés. Au début, je pensais que tu suivais des cours avec moi pour la voir elle. Chaque crasse qu'elle me faisait devant toi me salissais et la mettais en avant, je ne répondais pas pour ne pas la faire descendre de son piédestal."

Je la serre encore plus fort contre moi. Je lui annonce :

"-Un jour j'écrirai un livre. Il s'intitulera "Cette fille" et il racontera notre histoire. J'y mettrai toutes mes émotions, tous les jours passés ensemble. Je ne parlerai que de toi, oubliant mes précédentes conquêtes. De cette façon, personne ne t'oubliera. Jamais.

-Je ne serai alors plus qu'un souvenir, qu'une description de bouche à oreille, d'une photo s'estompant un peu plus chaque jour. Je disparaîtrai ensuite, sans rien laisser de plus qu'un souvenir, celui d'avoir aimé l'écrivain le plus lu de France, ou du monde. Celle qui mourut d'une pauvre maladie alors qu'elle a survécu à la dépression, qu'elle a vaincu le suicide."

Les yeux fermés, lèvres contre sa peau, je lui intime.

"-Je t'aime."

Mes mains passent sur ses bras blanchis par le traitement, zébré de veines violasses creusant des chemins sur son bras. Les routes à emprunter avant de partir, de quitter définitivement ce monde où elle laissera un souvenir brûlant dans mon coeur.

Cette fille (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant