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Les portes coulissantes s'ouvrent en détectant ma silhouette. En entrant, j'ai des frissons. J'ai toujours détesté cet endroit. Là où la mort est omniprésente, là où les microbes valsent de part et d'autre en restant invisibles, là où les gens pleurent et désespèrent. . .

"-Je peux vous aider monsieur ?

-Leslie Dupré.

-Vous êtes un proche ?

-On peut dire ça.

-Chambre 123, deuxième étage."

Je m'y rends presque en courant. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de ralentir lorsque je me trouve devant sa porte. Je reste un long moment devant. Comme lorsque vous êtes en retard, que vous savez que le cours a commencé et que vous n'osez pas frapper à la porte.

Je relève le menton et abaisse la poignée.

Les battements de mon coeur s'accélèrent.

Elle est là !

Le visage tourné vers la fenêtre, le soleil éclairant ses doux yeux bruns. Ses bras tranquillement allongés dépassent des draps blancs. Elle est là ! Je n'arrive pas à y croire.

Je ferme la porte puis fais quelques pas et elle ne réagit toujours pas. Elle ne m'a pas entendu rentrer. Des larmes coulent de ses yeux.

"-Leslie ?"

Elle tourne violemment la tête.

"-Qu'est ce que tu fais là ?!"

Son ton sonnait comme un reproche. Je prends alors sa main en murmurant.

"-Je suis venu te voir."

Elle écarte ses doigts des miens et annonce d'une voix dure.

"-Va t'en. Je ne veux plus jamais te voir.

-Mais qu'ai-je fais ?"

Elle place ses mains contre son visage puis appuie en les descendant vers le bas. Elle plante ses ongles.

"-Hé la arrête !"

Elle s'éloigne de moi, une lueur de terreur sur le visage.

"-Va t'en.

-Non. Pas avant que tu ne m'aies dit ce que tu as sur le coeur qui t'empêche d'aller de l'avant.

-Ce qui m'empêche d'aller de l'avant ?! J'y crois pas . . ."

Elle sourit à en faire froid dans le dos.

"-Tu te fiches de moi ?! Toi tu as tout ce que tu veux ! Tu as un corps de rêve, tu as toutes les femmes à tes pieds et comme une conne je le suis aussi. Tu as des notes meilleures que les miennes sans travailler tandis que je me tue à la tâche et en sors une moyenne à peu près convenable. Tu as une mère qui t'aime et qui te pousse vers l'avant. La mienne me rabaisse, me dédaigne, me renie. Tu as une soeur tout à fait adorable, la mienne est son paradoxe, si ce n'est plus. Tu fumes, tu détruis ta santé. . . Et c'est moi qui me coltine une putain de leucémie ! Voilà une leucémie ! Je suis condamnée ! Condamnée sans rien avoir demandé !"

Les larmes coulent à flot cette fois. Elle continue de vociférer.

"-Et par dessus le marché, tu participes à un concours d'écriture ! Tu croyais que je n'allais pas le savoir ?! Ca fait des années que je rêve d'y participer, j'ai vu ton nom dans la liste des inscrits sur Internet. Tu te mets à écrire et tout de suite on te dit que tu as une belle plume. Toute ma vie j'ai attendu qu'on me le dise. Mais tout ce que j'ai obtenu c'est "C'est bien mais tu peux mieux faire". Oh non tu ne vaux pas Victor Hugo ou Maupassant ! Tu ne vaux rien Théo Matthews ! Je te déteste ! Je te hais je te hais je te hais."

Elle commence à hurler comme si elle était face à la mort. Cette comparaison n'est peut être pas la bienvenue dans ce cas-là. . .

"-Calme-toi. . .

-NON JE NE ME CALMERAI PAS CASSE-TOI THEO MATTHEWS VA T'EN JE NE VEUX PLUS JAMAIS TE VOIR !!!

-Non."

Elle s'éclate la voix une nouvelle fois.

"-Calme. . .

-TA GUEULE TU NE SAIS RIEN DE MOI !!!!! J'AURAIS AIME QUE TU SOIS A MA PLACE, QUE TU CREVES A MA PLACE !!! VA EN ENFER THEO MATTHEWS ! TOUT CE QUE J'ESPERE, C'EST DE NE PAS TE CROISER LA BAS !!!"

J'attrape ses poignets.

"-Leslie. . ."

Elle aboie encore plus fort que tout à l'heure.

"-NE ME TOUCHE PAAAAAAAAAAAAS !!!"

Se rendant compte qu'elle venait probablement de réveiller tout l'hôpital, elle agrippe ses cheveux à la racine et les tire en murmurant et en se balançant d'avant en arrière comme un enfant.

"-Je suis folle, je deviens folle. Je n'ai rien pu contrôler, je suis folle.

-Leslie, tu n'es pas folle."

Elle relève la tête. Son regard meurtrier me terrifie.

"-TU DOIS MOURIR A MA PLACE !!!"

A ses mots, elle se jette à ma gorge, ne tenant pas compte que sa perfusion vient de s'enlever. Ses mains resserrent l'étau et bientôt je me retrouve à court d'air. Je tente de la raisonner, mais rien n'y fait. Je sens ma vision se troubler.

"-Oui, oui, crève !"

La porte s'ouvre en un grand fracas.

"-Maîtrisez la !"

En deux temps trois mouvements, elle se retrouve allongée sur le ventre, les bras coincés dans le dos. Elle gémit de douleur. Ses piaillements me sont insupportables.

"-Relâchez-la, je demande.

-Hors de question jeune homme. Je ne crains que vous deviez quitter cet établissement, le temps que la situation s'arrange.

-Mais. . .

-Je vais vous raccompagner."

Je lance un dernier regard à Leslie. En passant l'encadrement de la porte, je ressens un besoin irréaliste de tout lui hurler à la figure. Mais tout ce que je trouve à dire c'est :

"-Je t'aime. Malade ou pas, rien ne changera ses sentiments.

-Monsieur, il vous faut y aller."

La mort dans l'âme, je la quitte.

Arrivé chez moi, je monte dans ma chambre et m'y enferme durant le reste de la soirée. Maman et Emilie sont assez intelligentes pour ne pas me rendre visite. Je veux être seul.

Je tente de dormir, mais ses hurlements me hantent. Elle ressemblait à un fantôme. Je veux l'aider.

Je me mets à pleurer.

Elle me hait.

Elle a voulu me tuer.

Elle est folle.

Cette fille est folle.

Non, malade.

Enfin, folle et malade.

Plus jamais je ne m'approcherai d'elle.

Plus jamais je ne m'approcherai de ce monstre.

Plus jamais.

Cette fille (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant