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Hum.

Je préfère ne pas parler de ce qu'il s'est passé hier. Ma fierté en a pris un coup. Elle a vu un pied s'abattre sur elle et l'écraser comme un grosse merde de chien (celle qui s'enfonce dans la semelle et qui est très chiante à enlever.)

. . .

Bon ok, si vous insistez. Oui, j'ai twerké et oui, mesquine qu'est Leslie, elle m'a filmé. Passons à autre chose.

Je suis mort de peur et de honte. Mme Babois me demande mes textes pour le concours. Je lui ai donné ceux de Leslie, ceux que j'ai volé hier, lorsqu'elle s'est endormie. Je veux me frapper. Pourquoi ai-je fait ça ? Par peur de ne pas avoir le niveau ? Par admiration de sa plume ? Par vengeance de ses crises de colères ?

Par aide. Je veux qu'elle soit connue maintenant. Si ses écrits sont retenus, je leur expliquerai que je ne les ai pas écrits moi-même. Je veux qu'elle connaisse le succès avant de mourir. Moi je peux encore repasser le test l'année prochaine, pas elle. Elle n'a même pas été retenue par la professeure de français.

Mme Babois sera déçue, mais je m'en fiche. Déception pour déception, je préfère vivre pour celle que j'aime plutôt que pour mon don.

J'ai parlé de ma manigance à ma mère. Tout ce qu'elle a trouvé à répondre c'est "Je savais qu'il y avait au moins un homme intelligent sur cette terre". Emilie a rit en renchérissant "Intelligent, peut être pas, mais manipulateur je crois qu'on ne peut trouver mieux".

Elle m'a conseillé de me méfier car, en général, la non-honnêteté de plait pas aux femmes, elle la première.

La sonnerie sonne et me tire de mes réflexions. Je me dirige vers le bureau de Mme Babois avec hésitation. D'une main tremblante, je lui donne la liasse de papier noircie d'encre.

"-Merci."

Elle pose ensuite sa main sur mon épaule.

"-Bonne chance Mr Matthews.

-Appelez-moi Théo madame. Sinon je prends la grosse tête."

Elle sourit.

"-Sache que, si tu ne gagnes pas, tu as beaucoup de potentiel alors ne cesse pas d'écrire. Je serai ravie d'être la professeure d'un écrivain. Je pourrai même corriger ton ouvrage.

-J'apprécie énormément ce que vous faites. Je ne sais comment vous remercier.

-Continue d'écrire.

-Merci madame, bonne journée.

-Au revoir Théo."

Au moment où je passe l'encadrement de la porte, elle me rappelle.

"-Attendez ! Auriez-vous des nouvelles de Mademoiselle Dupré ?

-Elle est malade."

Elle parait blessée.

"-Ce n'est pas grave j'espère."

Je me contente d'abaisser le regard. Elle comprend que oui. Alors, d'un ton plus doux que jamais, elle me confie.

"-Elle aura besoin de vous. Prenez soin d'elle.

-Merci."

Cette fois, je quitte définitivement la salle. Ses paroles restent gravées dans ma tête pendant toute la suite de la journée. J'en ai fait un compte rendu :

1) je suis un gros lâche : je n'ai toujours pas dit à Leslie que j'avais lu son journal

2) je suis un gros lâche bis : je ne lui ai pas dit que j'avais, non volé, mais emprunté pour lui permettre un meilleur avenir.

3) . . . je l'aime putain.

4). . . après avoir longuement réfléchi, je n'ai pas trouvé de 4.

Quelques heures plus tard, la journée se finit. Enfin. Je meurs d'envie d'aller rendre visite à Leslie, mais ma raison m'en empêche. Effectivement, avec du recul, c'est une mauvaise - sinon très mauvaise - idée. Elle saura immédiatement que c'est moi qui ai pris ses textes.

Mais que je suis bête ! J'aurais du les photocopier et les replacer là où ils étaient. Ou les recopier à la main puis les déposer après en les donnant à Eva, comme avec le journal.

Je soupire en me promettant de ne jamais devenir cambrioleur.

Pire même, Cam m'a proposé de l'accompagner à une soirée organisée par Sandy, probablement la fille la plus populaire du lycée alias ma deuxième ex.

Ma première s'appelait Marie, nous étions dans la même classe en quatrième mais je doute qu'elle ne m'ait reconnu : nous n'avions que 4 ans à l'époque.

J'ai accepté. J'ai donc rendez-vous à 19h devant la maison de mon pote pour que nous y allions ensemble, ou plutôt que je puisse me faire emmener. Cam a passé son permis la semaine dernière. ayant redoublé, il est majeur est peut donc accéder à son permis sans problèmes.

Je rentre préalablement chez moi pour faire mes devoirs, réviser quelques leçons, prendre mon goûter (oui, à mon âge) et y déposer mes affaires d'école pour les troquer contre une tenue plus décontractée. J'opte donc pour une chemise blanche avec un jean noir troué.

A 18h45, je décide de sortir, après avoir prévenu ma mère, pour rejoindre mon pote. J'arrive à 19h15.

"-Mec t'es en retard, souligne-t-il."

J'esquisse une révérence en répondant.

"-Merci du compliment.

-Tu n'as pas changé. . .

-Jamais. Amoureux au coeur heureux."

Putain ! Mais qu'est ce qu'il m'a prit de lâcher ça ! Personne, absolument personne, ne devait savoir pour Leslie et moi. Ils savent que j'ai un crush sur elle, mais ça s'arrête là. Ils ne doivent en aucun cas être au courant de notre relation.

Voyant qu'il allait me charrier dessus, je m'empresse d'ajouter.

"-De moi-même, bien sur ! Ma grand-mère me disait toujours ça quand j'étais petit."

Et re-putain. Il faut vraiment que je cesse ces babillages inutiles qui me renfoncent à chaque syllabe prononcée. Il n'ajoute rien, si ce n'est une invitation à m'installer dans sa nouvelle BMW noir mate, juste magnifique.

"-Je te la volerai peut être un de ses jours pour emmener une meuf par-ci par-là, plaisenté-je.

-Mais oui, dans tes rêves.

-Je ne rêve que d'elle. . ."

Il rit en comprenant que "elle" c'était la voiture, mais en mon for intérieur, je ne peux m'empêcher de penser à Elle. Elle doit être folle de rage et à la fois morte de culpabilité. Elle doit sûrement se demander :

Mais pourquoi je lui ai fais confiance ? Mais pourquoi je sors avec lui ? Mais pourquoi je suis tombée amoureuse d'un connard ? Mais pourquoi il ne me préfère pas à ses amis et à sa fierté ?

Cette question me retourne le cerveau. Pourquoi je ne la préfère pas elle à mon ego ? Aller demander ça à un homme, il ne vous répondra pas parce que lui non-plus ne sait pas pourquoi il agit ainsi.

La maison qui se dresse devant nous ressemble bien à une maison de riche : style moderne, immense, portail doré, sans doute une piscine. Tout porte à croire que sa vie est simple, qu'elle n'a qu'à lever le petit doigt pour faire allonger tout le monde devant elle. Etant plus populaire qu'elle, je sais que la vie ne marche pas ainsi.

Quand nous entrons, la fête bat à son plein. Je me sers un verre de vodka-coca dans un de ces gobelets rouges à la con qui s'approprient une place dans chaque série américaine.

Le liquide me brûle la gorge mais je reste de marbre. J'ai appris à ne rien dire, à retenir mes toussotements.

Mon portable vibre dans ma poche. Appel entrant de : Leslie. Cam s'empare de mon téléphone et criant.

"-Profite mec ! C'est la plus grosse teuf de l'année !"

C'est à contre-coeur que je prends place à côté de lui, verre au bec, à mater toutes les filles qui se déhanchent sur la piste.

Cette fille (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant