Sa paume ouverte dans ma direction attendait ma décision. Je résistai à l'envie d'interroger son esprit ou son aura. Je devrais toujours être en colère contre lui. Je l'étais, d'ailleurs. La vérité était que je n'avais pas envie de le demeurer. L'invitation tenait-elle lieu d'excuses qu'il ne me présenterait pas ? C'était tout à fait son style. Rhee conserva son bras tendu lorsque les premières notes de violon s'élevèrent dans l'air.
Il se présentait sous son meilleur jour, ce soir aussi. L'habit traditionnel emprunté pour l'occasion, couleur nuit, se fondait dans son manteau. Seuls les liserés d'or se discernaient avec précision. La chemise blanche qu'il portait en dessous s'ouvrait sur le haut de son torse, dévoilant sa peau dorée.
Je devais également à Rhee la robe aux merveilles que je portais ce soir. J'ignorais qu'il accordait de l'importance aux vêtements, ni qu'il y portait autant de goût. Quoi qu'il en fut, je me sentais redevable. Ce fut principalement pour cette raison que je saisis sa main et y accrochai mes doigts.
L'autre se posa sur ma taille nue et me guida d'une poussée sur la piste. Les tambours retentirent, son corps s'arqua en rythme, miroir du mien. Ses prunelles de jade s'accrochèrent aux miennes, pour ne plus s'y dérober. Ses mains effleuraient ma peau à chaque mouvement. Elles y traçaient des sillons brûlants. Ses talons claquèrent au sol lorsqu'il me souleva de terre d'un bras ferme. Il se glissa derrière moi, son torse frôla mon dos. Ses bras se superposèrent aux miens sur les mouvements rapides.
Je tournai sur moi même, ma paume s'aplatit sur la terre sablonneuse. Je me relevai souplement, l'autre bras levé vers le ciel nocturne. Rhee crocheta ma taille, je tourbillonnai pour m'écraser contre son torse chaud. Cette chaleur palpable enivra mes sens. Je perçus sa présence à l'orée de mon esprit. J'ouvris ma porte sur une impulsion mentale. Plus que de le sentir se mêler au mien, chaque sensation s'incrusta dans mon âme avec une sensibilité accrue.
Chaque pas résonnait dans mes os. Chaque respiration faisait écho au tam-tam des tambours. La cadence de nos pas s'emballa. Le rythme effréné des battements de mon cœur accéléra encore, à la frontière de l'anarchie. Tam. Rhee caressa ma peau brûlante. Tam. Ses prunelles de jade étincelèrent comme des pierres précieuses. Tam. Ma peau se mit à luire faiblement. Où peut être avait-elle toujours eu cet aspect ?
Je pris à peine conscience que je ne distinguais plus la réalité des extrapolations de mon esprit. La seule chose que je ressentais clairement, qui concentrait toute mon attention, était la présence de Rhee dans mon esprit. Ce rayon de soleil qui serpentait au plus profond du mien, qui répandait sa lumière et sa fougue.
Enfin, je l'entendis. Cette pulsation lancinante qui martelait sa présence dans ma tête. Qui m'appelait. De toute sa force. Cette aura rayonnante de bonté, d'espoir, de compassion, de vie. Elle me projetait à la figure toute la beauté dont elle se paraît. Je lus dans les yeux du mage de Feu une question muette.
Incapable de formuler une pensée cohérente, mes doigts fiévreux crochetèrent le col de sa chemise et rapprochèrent le visage du jeune homme du mien. Ses pupilles se dilatèrent. Je me serais maudite pour le restant de mes jours si j'avais eu pleinement conscience de mon audace.
Aussitôt, le barrage céda. Mes cinq sens déjà surchargés explosèrent l'échelle de la sensorialité. Rhee sentait la menthe, poivrée et fraîche comme l'eau de la rivière. Mais pas seulement. Une odeur bien plus prégnante, plus enivrante. Le bois de cèdre. Mon odorat décuplé en premier, céda sa place à mon ouïe. Les battements des tambours imprégnèrent chaque mouvement de mon corps, sans répit.
Dans le creux de mes reins, une boule de chaleur croissait à une vitesse fulgurante. Elle me remplissait de joie, de paix. Un état de béatitude à l'état pur. Rhee murmura des mots que je n'entendis pas. Pourtant, leur sens profond s'imprima dans toutes les fibres de mon être. Je vis la Lumière dessiner sur ma peau à l'encre dorée des courbes imbriquées plus complexes les unes que les autres.
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L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de Tirawan
Fantasy"Le temps où le désert, la sylve et les plaines formaient une seule terre est révolu. Désormais, les frontières ont été tracées par-dessus ce que nous leur avons laissé. De notre passage parmi eux ne subsistent que des vestiges érodés par les siècle...