Il arriva en fin d’après-midi. Un intendant frappa deux fois à la porte et annonça la venue d’un visiteur. Je l’invitai à entrer. Le serviteur céda la place à un jeune homme de bonne carrure entièrement vêtu de noir. Un capuchon recouvrait le haut de sa tête, qu’il rabattit d’un geste franc. Il dévoila un visage à la peau mate, des grands yeux de jade en amande et des lèvres pleines. Il soutint mon regard, impassible. Le serviteur referma la porte derrière lui.
Je m’avançai au centre de la pièce et croisai les bras. Je pris mon temps pour le scruter. Sa cape noire froissée recouvrait des épaules que je devinais carrées. Le bas de son pantalon était taché de boue tout comme ses chaussures en fourrure. Il portait des gants de cuir et sa veste de la même matière était ouverte sur une chemise en coton blanc au col légèrement ouvert. La peau de son torse luisait, il respirait profondément, mais rapidement.
Le mage de Feu devait être épuisé, à n’en pas douter. Il n’avait pas ménagé ses efforts pour me rencontrer au plus vite, visiblement. Sur la défensive, je ne lui proposais pas de s’asseoir ni de le débarrasser de son pardessus. Je me contentai d’adopter une stature des plus hostiles.
— Voici donc le messager mandaté par Johnatan d’Othien.
Le jeune homme acquiesça.
— Ma missive est donc arrivée à bon poste.
Je jetai un rapide coup d’œil à la corbeille.
— En effet, souris-je sans aucune sympathie.
Il suivit mon regard vers le morceau de papier chiffonné. Une brève lueur indéfinissable traversa ses pupilles.
— Enfin, je manque à tous mes devoirs, m’exclamai-je subitement. Voulez-vous que je fasse monter une tasse de café ?
Cette fois, il pinça les lèvres et inclina la tête, agacé.— Non. Merci. Je préfèrerai que nous entrions dans le vif du sujet. L’heure est…
— Fort bien, le coupai-je, toujours aussi aimablement. Dans ce cas, prenez place dans un fauteuil, vous m’avez l’air exténué.
Il me lança un regard insondable, puis consentit à s’asseoir. Je l’imitai de l’autre côté de la table de salon. Je croisai les jambes et l’invitai silencieusement à exposer les raisons de sa venue.
— Il y a près d’un mois, nous avons été attaqués à Othien, lança-t-il sans préambule.
Cela, je m’en doutais déjà. Il me jeta un coup d’œil prudent, mais comme je ne réagissais pas, poursuivit son récit.
— Nous avons été obligés de fuir, d’abandonner notre foyer pour nous réfugier loin d’ici.
— Dans votre résidence de secours, j’imagine, commentai-je innocemment.
Ses yeux s’arrondirent légèrement. Il entrouvrit les lèvres, visiblement perturbé. En vérité, j’avais seulement entendu vaguement parlé de cet endroit. J’ignorais tout de sa position et de son véritable rôle. Le mage se racla la gorge et reprit la parole, non sans avoir croisé les mains sur ses genoux, signe d’un malaise contrôlé.
— Je ne connais que les détails que notre chef a bien voulu me confier, car nous ne sommes pas allé jusqu’à l’affrontement. Nous avons pu fuir avant.
Un rictus cynique étira mes lèvres. Les Tamar n’avaient pas eu cette chance, eux.
— Il m’a envoyé vous chercher pour que vous nous veniez en aide. Nos attaquants sont sur nos traces. Nous ne pourrons pas les repousser sans vous.
Il n’y avait pas de réelle conviction sur ses derniers mots. Il recrachait les explications de mon père. Il se contentait de lui accorder aveuglément sa confiance. Je m’aperçus alors qu’il s’était tu. Il attendait une réponse de ma part.

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L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de Tirawan
Fantasía"Le temps où le désert, la sylve et les plaines formaient une seule terre est révolu. Désormais, les frontières ont été tracées par-dessus ce que nous leur avons laissé. De notre passage parmi eux ne subsistent que des vestiges érodés par les siècle...