Les rayons de lune balisaient notre chemin aussi efficacement que l'Esprit. Ce dernier était occupé à effacer notre piste bien que la précaution fut inutile, je le craignais. Je balançai de fausses signatures magiques tandis que Laya gommait toutes traces de sabot du chemin grâce à la Terre. Pourtant, les mages de l'air étaient toujours à notre poursuite. Léander aussi. L'obscurité entachait son aura.
Que nous étions encore libres relevait du miracle. Puis, ce qui aurait dû être une évidence me sauta aux yeux. Cette coque protectrice qui nous entourait. Alimentée par l'énergie du sol, générée par la jeune femme, elle soutenait les chevaux et leur fournissait une force et une vitesse qu'ils ne possédaient pas. Pas suffisamment pour nous permettre d'échapper à nos traqueurs.
Nous n'avions pas échangé un mot depuis que nous avions quitté la ville. Notre lien parlait à notre place, mais il n'offrait aucune réponse à nos questions mutuelles. Les oliviers aux feuilles argentées paraissaient figés. Seul le bruissement du vent apportait une touche de vie au paysage monochrome. Nous nous enfoncions dans la vallée à travers des sentiers sauvages. Atalaya évitait soigneusement les villages et les campements de voyageurs.
Nous avions rendez-vous aux portes de Tirawan dans une semaine au plus tard. Daisyel devrait y être bien avant nous, mais peut-être aura-t-il pris du retard avec l'intervention de Riv. Je devais reconnaître que sans lui, nous ne serions certainement plus de ce monde, ou pire.
— Il faut choisir notre chemin, Rhee.
La voix de la jeune femme retentit dans ma tête comme une évidence. Comme si je connaissais déjà en pensée ce qu'elle s'apprêtait à formuler. Je marquai un temps avant de répondre, dérouté par la puissance du lien. Ce n'était pas faute de l'avoir déjà employé par le passé, le tehî-séné.
— Quelles sont nos options ?
Atalaya grimaça, je le devinais à travers ses yeux plus que je ne le vis.
— Elles comportent toutes des risques. Nous pouvons tenter d'emprunter les couloirs de braises. Ils existent, mais j'ignore comment les utiliser. Nous pourrions tout aussi bien nous retrouver devant une porte fermée.
Ce fut à mon tout d'esquisser une moue dubitative. Fabian me serinait chaque fois qu'il revenait de Faiz avec ces fameux couloirs de braises. Le moyen de transport à travers le désert le plus sûr et le plus prisé des mineurs, dont le moyen d'accès était connu d'eux seuls. Pratiques et sécurisés car inutilisables des étrangers. En l’occurrence, je voyais mal comment percer à jour ce secret millénaire alors que le temps nous était compté.
— Deuxième option, se servir de la Terre pour disparaître et arriver à Tirawan sains et saufs.
Cette option me convenait nettement plus.
— Sauf qu’étant un mage de Feu, je ne suis pas certaine que je parvienne à te transporter de la sorte et la terre de Faiz n'est pas celle de Tirawan. Elle peut tout à fait nous avaler et nous enterrer vivant. Enfin, plutôt toi d'ailleurs, moi je devrais m'en sortir.
Je la dévisageai un instant, certains que j'allais percevoir une pointe d'ironie. Mais non. Atalaya était sérieuse. Je me raclai la gorge, plus si sûr de mon choix.
— Et l'option trois ?
Cette fois, elle esquissa un sourire mutin. Ça ne me disait rien qui vaille. C'était sans doute la plus dangereuse des trois, mais le risque me paraissait déjà suffisamment élevé.
— Celle que je préfère. Requérir l'aide de la Terre. La laisser nous guider. Nous en remettre à elle.
Je retins un ricanement, sans pouvoir dissimuler complètement mon scepticisme.
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L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de Tirawan
Fantasy"Le temps où le désert, la sylve et les plaines formaient une seule terre est révolu. Désormais, les frontières ont été tracées par-dessus ce que nous leur avons laissé. De notre passage parmi eux ne subsistent que des vestiges érodés par les siècle...