Chapitre 48-1 Tu y seras toujours chez toi

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— Atalaya, qu'est-ce que c'est ?

Je portais mon attention dans la direction pointée du doigt par Alys. Après les fleurs chanteuses et les lucioles polyformes, la dryade s'extasiait à présent sur un arbre au tronc assez large à une centaine de mètres au-devant de nous. Son écorce lisse s'élevait en cylindre régulier, sans aucune branche. Du lierre écarlate le recouvrait, tandis que des fleurs aux corolles cyan géantes poussaient au pied.

— C'est une tourelle.

— Elle défend pas grand chose, commenta Lay, sceptique.

— Elle n'est pas là pour défendre, répliquai-je en souriant. Plutôt pour observer. Pour s'immerger dans la sylve. Nous y trouverons de quoi nous reposer et nous nourrir. Vous voyez le soleil gravé sur le tronc ?

Les deux adolescents poussèrent une exclamation affirmative.

— Il indique que cette tourelle est celle d'Isadora. On les appelle aussi les tours des rêves.

— Il y en a d'autres ? s'étonna Rhee.

— Bien sûr. Il y en a une pour chaque Première. Elles sont réparties sur l'ensemble de Tirawan, à des endroits très différents. Il y en a une sur une cascade, celle d'Eosyn. Celle de Thori est plus proche de la frontière de Faiz et celle de Meelani se trouvait au village. On y tenait l'école et l'ensemble de nos écrits y était conservé.

— J'imagine que celle de Cuyan se trouve dans un jardin et celle d'Eliyen près du territoire des cerfangs, ajouta Alys.

Je lui adressai un regard fier. Elle était futée, la petite.

— Tu as raison pour la tourelle de Cuyan. Celle d'Eliyen, en revanche, nous ne l'avons pas retrouvée. Rien ne se trouve près du territoire des cerfangs. Cette partie de Tirawan est pour eux.

— Une partie de Tirawan est encore sauvage ? interrogea Rhee

— En quelque sorte, oui.

J'immobilisai Toko au pied de la tour des rêves et mis pied à terre. Mes compagnons m'immitèrent. Je devinais leur perplexité avant même que Lay ne prenne la parole.

— Comment allons-nous y entrer ? Il n'y a ni porte ni escalier.

Daisyel s'avança vers une fleur avec un air espiègle. Je lui cédais l'honneur d'épater la galerie.

— Nul besoin de porte ou d'escalier à Tirawan. Il suffit de laisser la sylve guider tes pas.

Il sauta à pieds joints sur le pistil. Sous les yeux ébahis des trois étrangers, la tige s’élança vers le haut du tronc où Daisyel disparut.

— Ça, c'est la classe ! s’exclama mon protégé

J’adressai un clin d'œil amusé au mage de Feu qui me jeta un regard médusé. Lay sauta sur une deuxième fleur, suivi d’Alys.

— J'espère que tu n'as pas peur de la hauteur, taquinai-je Rhee en m’élançant à mon tour.

Le jeune homme m’imita.

— J'espère que ta sylve nous régalera autant les papilles que les mirettes.

Je levai les yeux au ciel. Les Sheioff et leur estomac ! Je me souvenais que mon père pestait contre la culture culinaire des Tamar à son arrivée chez nous. Ses jérémiades n'avaient pas duré plus de quelques jours. D'abord parce que ma mère le convainquit assez rapidement de renoncer à ses caprices. Ensuite, parce que la nourriture disponible à Tirawan était bien plus délicieuse que celle des hommes.

Je sautai en même temps que le mage de Feu sur le sommet de la tourelle. Le tronc, qui aurait dû être creux, était en fait recouvert par une plate-forme en bois. Interloqué par l’architecture atypique de l'endroit, Lay exprima à nouveau son mécontentement. Je le gratifiai d'une pichenette sur le front.

L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de TirawanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant