J'aurais préféré me complaire dans la solitude de ma chambre plutôt que de crever d'ennuis debout à côté du buffet de mariage. La nuit venait de tomber, le repas allait être servi sous peu. Encore un verre de liqueur et mes réflexes d'attaque se verraient ralentis.
Ni la famille royale ni leur pupille d'un soir ne s'étaient encore présentés. Ce faisant, j'étais la seule plante verte du décor à qui on jetait des regards curieux. Les mages de Feu ne se montraient jamais aux fêtes d'habitude. Ils se fondaient plutôt dans le décor nocturne pour dérober quelques objets de valeur. Enfin, en ce qui concernait les Sentinelles.
J'avisai les quelques centaines d'invités qui s'esclaffaient à tout vas. Ici, la joie peignait tous les visages. Le Seigneur Haddrix avait sacrément travaillé la publicité de l'évènement. Les mineurs semblaient accorder une grande valeur aux cérémonies officielles. Tous rayonnaient de bonheur, mais aucun ne se départissait de son attitude respectueuse. Aucun éclat de voix trop bruyant, aucun excès de boisson aviné, du moins en apparence, aucune tenue inconvenante.
Je comprenais davantage ce qui attirait tant Atalaya chez ce peuple. Ses coutumes se rapprochaient davantage des mages de la Terre. Plus encore que les mages de Feu. Après tout, bien que nous respections la nature, nous accordions plus de valeur au sacrifice de soi, à la force brute et à la stratégie. Nous étions des combattants, pas des pantins dépendant de notre forêt.
Enfin, c'était plus ou moins ce que je gardais en tête des accusations que ma très chère Héritière ne se gardait pas de me balancer constamment à la figure. Je fulminait encore de pas avoir pu en placer une. Comment avait-elle fait pour disparaître en un claquement de doigt ?
J'en étais encore là de mes réflexions peu approfondies par manque de motivation, lorsque tous les regards des convives convergèrent simultanément vers la terrasse de marbre blanc. Au fond de l'esplanade, une coursive reliait les jardins au palais. Le Seigneur Haddrix venait d'y apparaître, Atalaya à son bras. Les trois Princes le suivaient, un pas derrière.
J'esquissai un discret sourire, satisfait du petit effet de la jeune femme. Sa robe se composait de deux parties très différentes. Le haut, une brassière en satin bordeau vif orné de motifs en arabesque, attirait le regard sur les broderies au fil d'or reliées au bracelets d’améthyste enroulés autour de ses bras. Le bandeau recouvrait son buste jusque sous sa poitrine et dessinait un décolleté sobre. Son éternel talisman d’aigue marine ne la quittait pas.
Le bas de sa robe enserrait sa taille puis se deployait en corolle de voiles chatoyant et irisé. Les couches superposées d'ivoire, de corail dégradées au doré et au violet soutenu étincelaient à chaque pas. Atalaya avait mis le paquet même sur le maquillage et ses cheveux. Ses boucles d'ébène rehaussée de dizaines de breloques en or retombaient en cascade dans son dos.
La jeune femme rayonnait. Et elle aimantait les regards plus que le Seigneur des lieux lui même. Je levai mon verre à son attention lorsque je croisai son regard. Elle le soutint, les lèvres étirée en un sourire figé, forcé sans doute. Je lui adressai un clin d'œil alors que son père adoptif prenait la parole.
— Mes chers amis, mon peuple, que vous veniez des lointaines Terres de Shibari ou de celles que j'ai la joie de gouverner, bienvenue dans mon palais. Nous sommes réunis ce soir pour l'union de ma fille Shira à un mineur honorable. Ils se joindront à nous dans un instant.
Un tonnerre d'applaudissements accueillit ses paroles.
— La jeune femme qui m'accompagne ce soir est ici pour ma famille, mais je vous prie de lui réserver le meilleur des traitements.
Atalaya fit un pas en avant, son bras enroulé autour de celui du maître des lieux. Un mauvais pressentiment m'assaillit. Qu'est ce qu'ils mijotaient ?
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L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de Tirawan
Fantastik"Le temps où le désert, la sylve et les plaines formaient une seule terre est révolu. Désormais, les frontières ont été tracées par-dessus ce que nous leur avons laissé. De notre passage parmi eux ne subsistent que des vestiges érodés par les siècle...