Chapitre 14-1 Il ne te décevra pas

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Le soleil se levait sur la ville endormie. La pluie avait cessé, mais les pavés mouillés glissaient sous mes semelles. Je me hâtai malgré tout. L’odeur âcre de la fumée s’élevait dans l’air, à présent, mais le silence reprenait ses droits. Je ne croisai aucun mercenaire, car ces hommes ne pouvaient être que ça, ni même l’homme en robe pourpre.

La place au Lys se situait non loin de celle du marché, légèrement à l’est du centre de la ville. Soudain, un bâtiment noirci par les flammes se dressa dans mon champ de vision. Je pillai net. Les restes fumants de l’Empyrée tremblaient sur les fondations. Ne subsistait de l’auberge clinquante qu’une carcasse fumante et malodorante.

La place, elle, était déserte. Le feu n’avait alerté aucun habitant, car il s’était cantonné à la taverne, les bâtisses voisines étaient intact. Le feu avait été contrôlé. La destruction de l’Empyrée ne servait qu’un seul but, faire un exemple. Le message était sans nul doute destiné à Atalaya.

Je pestai de n’avoir pu parvenir à identifier clairement ces hommes. Leur aura était étrange, inconnue. Je n’avais rien pu en tirer alors qu’ils maniaient clairement la magie. Je frissonnai soudain. Des Mages de l’Air. Impossible, et pourtant… Tout concordait. Mais pourquoi s’en prendre à Atalaya, aux Sheioff ?

Des sanglots étouffés troublèrent le silence. Alerte, je pliai mes genoux et avançais lentement vers les décombres rougeoyants. Les pleurs s’accentuèrent, je craignais le pire. Je m’accroupis pour escalader l’encadrement d’une porte aujourd’hui partie en fumée, dont la planche supérieure pendait dangereusement dans le vide.

Je pivotai légèrement sur la gauche, la main posée sur le pommeau de mon épée. Brusquement, je me figeai. Agenouillé aux côtés d’une silhouette inerte, un adolescent pleurait à chaude larme. Le visage rougis et recouvert de suie, je ne le reconnus pas immédiatement. Le fils de l’aubergiste ! Il n’y avait plus de doute quant à l’homme allongé au sol, immobile.

Soucieux de ne pas l’effrayer, je levai mes mains en signe d’apaisement et avançai d’un pas. Une brusque traction sur ma cheville m’envoya au tapis. Le jeune garçon se retourna hâtivement, une dague brandie dans ma direction.

— Qui êtes-vous ?

— Je viens en ami, assurai-je, de la part d’Atalaya.

L’adolescent tressaillit, hésita un instant. J’en profitai pour déloger la liane entourée fermement autour de ma cheville. Elle desserra son étreinte progressivement pour se rétracter à la vitesse de l’éclair. Le nodule rétrécît pour retrouver une taille normale, un bulbe de lys azuré.

Effaré, je levai un regard surpris vers le garçon, qui avait baissé son arme et repris sa position initiale, abattu. Je ravalai mes interrogations, conscient que c’eut été déplacé de l’interroger sur une broutille après une telle épreuve.

— Comment t’appelles-tu ? m’enquis-je plutôt

— Brett, murmura-t-il.

Le silence s’installa tandis que je m’approchai doucement.

— Elle est en vie ?

J’acquiesçai de concert et m’agenouillai ensuite de l’autre côté de l’homme étendu au sol. Brett lui tenait la main, l’autre serrée autour du lys. L’aubergiste gisait, immobile, le visage barbouillé de cendre. Une trainée de sang maculait sa tempe, une autre tâche était visible sur son épaule, mais la plaie était dissimulée par ses vêtements. De multiples brûlures constellaient sa peau.

L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de TirawanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant