Chapitre 48-2 Tu y seras toujours chez toi

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Rhee s'isola rapidement dans la cabane que la sylve avait recréée pour lui. La réplique parfaite d'une de celle du village suspendu. Sûrement celle qu'il partageait avec sa mère, si j'avais bien retenu. Lay et Alys migrèrent à leur tour vers leur lit. Ils étaient exténués. Seul Daisyel resta assis à ma gauche, le regard fixé sur la canopée.

— Va dormir, l'enjoignis-je avec un gentil coup d'épaule.

— Et toi ? Que vas-tu faire ?

Je haussai les épaules, puis m'allongeai sur la plate-forme.

— Je vais rester là encore un peu, je crois.

Une main tendue s'incrusta dans mon champ de vision. Je louchai sur la silhouette du jeune homme qui s'était levé.

— J'ai une meilleure idée. Viens avec moi, Laya.

Je reniflai, obstinée.

— Je ne veux pas y mettre les pieds Daisyel. S'il te plaît. Je n'en ai pas la force.

Face à mon entêtement, il s'agenouilla avec un soupir. Il planta ses pupilles d'argent dans les miennes.

— Laya, bien sûr que si. Tu en es capable. Je suis là. Avec toi. Alors, prends ma main et fais moi confiance.

Je serrai les lèvres de concert avec mon cœur. Je savais déjà que je n'allais pas refuser sa requête. Alors, je respirai profondément, priai Isadora et saisis sa main. Il me releva d'une traction, entrelaça nos doigts. Au bout de la passerelle, ma maison se dressait. Ma gorge se noua aussitôt. De douleur. De regrets. De tristesse.

Mon frère m'entraîna, pas après pas, face au battant clos. Je serrais si fort sa main que les jointures de ses doigts blanchirent. Il ne s'en plaignit pas. Il plaqua ma paume contre la porte pour l'ouvrir. Elle coulissa en grinçant. Face à moi, l'escalier qui menait au grenier. À la fois une pièce de stockage et mon refuge à moi. Celui où j'entreposais toutes mes trouvailles. Plus tard, c'était devenu la chambre de Daisyel, quand il ne dormait pas au clair de lune en compagnie de Riv ou dans ma chambre à moi. De part et d'autres, les deux pièces de vie de la maison. La cuisine à droite et le salon à gauche.

Les dizaines de coussins en soie de Sahir, cadeau de Had’ s'étalaient sur le sol. Les bibelots décoraient chaque recoin de la pièce. Maman les avait ramené de ses nombreux voyages, ou escapades, dans sa jeunesse. Quelques-uns provenaient de ma collection personnelle, celle qui avait brûlé avec mon village. Sur l'un des murs trônait le portrait de notre famille, peint peu après notre arrivée à Tirawan. Je m’en approchai, le ventre noué.

Ma mère resplendissait. De bonheur et de beauté. Elle me regardait avec cet amour, cette douceur et cette force qui la caractérisait. Mon père, lui, la dévorait des yeux. Ses yeux noisettes tachetés d'or exprimaient ce qu'il taisait à cet instant. Il avait ma mère comme le plus précieux des trésors. Sa main pressait mon épaule. Je me tenais entre eux, les yeux rivés sur mon père, un grand sourire aux lèvres. Le peintre m'avait affublé d'une moue béate d'admiration. Ce souvenir paraissait si lointain. Si obsolète aujourd'hui. D'ailleurs, le tableau avait été relégué au grenier après le départ de mon père. Tirawan l'avait replacé là par sa propre volonté.

Mes doigts effleurèrent le visage de ma mère. Je me remémorais son rire, la caresse de sa main sur ma joue. Les soirées passées dans ce salon lorsqu'elle me contait l’histoire des Premières jusqu'au confin de la nuit. Nos parties de cuisine où nous finissions souvent couvertes de farine, de pâte ou de jus. Daisyel était d'ailleurs un adversaire redoutable à ces jeux-là. Sa main recouvrit la mienne, tandis qu’il m’enlaça par derrière.

— Elle me manque tellement, gémis-je.

— À moi aussi, Laya. Chaque jour plus encore que le précédent.

L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de TirawanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant