Chapitre 11-1 Ne te perds pas

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La lune cachait son visage sous une nuée de nuages cendrés. L’air acre et pesant alourdissait l’atmosphère moite. Je ne me retournai pas vers les murailles sombres de Resh, l’envie d’y retourner me démangeait suffisamment. Je le devais à Lay. Il ne me pardonnerait jamais d’avoir mis inutilement ma vie en danger.

Je suivis les indications du Sheioff à la lettre et m’enfonçai dans la nuit à travers la campagne. Les nombreux petits bois me camouflaient suffisamment bien que mes sens aux aguets venaient de m’éviter de croiser le chemin de mercenaires en embuscades. Pas l’ombre d’un Mage de l’Air cette fois. Pourtant, il y en avait assurément à Resh, cette nuit.

La question qui me taraudait le plus ardemment n’avait néanmoins rien avoir avec le piège qui avait refermé ses pinces sur moi. Non, je m’interrogeai vivement sur l’identité de ce mage de Feu. À présent que je m’éloignai de lui, une désagréable sensation de malaise s’emparait de mes tripes.

Je lui avais fait confiance, délibérément, et j’avais même échangé avec lui comme s’il était un allié. Or, je m’étais juré de ne jamais avoir à faire avec l’un d’entre eux. Les Sheioff nous avaient rejetés, alors que je n’avais que cinq ans. Ils m’avaient pris mon père, arraché cruellement et égoïstement ! Jamais je ne pourrais leur pardonner pareille trahison.

Tous nous avaient tournés le dos, à ma mère et moi. Les Mages de Feu étaient sans retenues, coléreux et indignes de confiance. Comment avais-je pu baisser ma garde face à cet inconnu ? Et où diable se connaissaient-ils, Fabian et lui ?

Je rompis le tumulte de mes pensées lorsque je débouchai sur un chemin sablonneux, désert. À une centaine de mètre, deux arbres centenaires bordaient la route, leur troncs courbés par le poids des ans et dessinant une arche naturelle. Le point de rendez-vous.

Sur mes gardes, je brandis prudemment ma dague et m’avançai vers le pied d’un des chênes. À mesure que je me rapprochai, je discernai les contours des crinières et le piaffement des chevaux. Aucune trace de Fabian. Méfiante, je restai à couvert et me rapprochai jusqu’à pouvoir toucher nos montures.

Un léger souffle et le fil d’une lame glissa sur ma gorge, un instant trop tard. Je m’accroupis et balayai les jambes du jeune homme, que je chevauchai aussitôt. Ma dague plaquée contre sa gorge et son autre bras immobilisé, je dévisageai mon compagnon de route.

— Je croyais que l’on vous apprenait à reconnaitre vos alliés, à l’école des parfaits espions, persiflai-je. Peut-être faudra-t-il faire remonter cette lacune à ton général ?

— Ce que l’on nous apprend, c’est que la prudence n’est jamais inutile, répliqua le jeune homme.

— À mon avis, le sens de l’observation l’est tout autant, ricanai-je en me relevant.

Je lui tendis une main qu’il dédaigna. Il se redressa d’un bond et enfourcha son étalon en m’ignorant. Je retins une nouvelle pique bien sentie, regrettant malgré moi la présence du mage de Feu, bien plus sympathique.

— Au fait, qui était-ce, ton allié providentiel ? Celui que tu as envoyé me chercher après t’être barré de l’auberge sans même te soucier de moi ?

Je n’avais pu empêcher l’ironie de s’ajouter à une simple interrogation. Fabian grommela sans toutefois me répondre. Il éperonna son cheval et s’élança sur le chemin. Je le rattrapai bien vite, bien décidé à ne pas lâcher le morceau.

L'Héritage des Premières T1 L'Enfant de TirawanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant