Drakaïs était vraiment trop crevée pour cette merde.
Des tintements mécaniques et des sifflements crissants brisaient le silence de la forêt. Les arbres autour de la Drakonique paraissaient inébranlables, leur feuillage dansant avec une mélodie apaisante. Sous ses doigts serrés, la terre froide humide, les feuilles mortes et les brindilles cassées la soutenaient dans son observation. Et à seulement une trentaine de mètres en contrebas, à l'orée de la forêt, les Humains semaient leur habituelle destruction.
Un amas d'activités fourmillait, partiellement caché par la végétation qui tenait dans l'ombre la Drakonique et ses compagnons. Abattement d'arbres qui tombaient en grinçant pour exploser au sol, feux de brindilles aux fumées irritantes, ordres hurlés avec agressivité aux ouvriers; soldats qui se tenaient sur le qui vive, la main crispée à l'épée et le regard braqué sur la forêt ; d'autres soldats plus loin, encore, toujours, qui échangeaient quelques mots, une tasse de café près des lèvres. Un fatras chaotique, accompagné d'un vacarme tonitruant.
Putain d'Humains.
L'aube pointait son museau, écartant les rideaux de la nuit mais épargnant l'obscurité salvatrice de la forêt. Le noir du ciel laissait entrevoir un bleu sombre parsemé de pans plus clairs. Le moment aurait dû être solennel; à la place il était sinistre. Un gâchis. En temps normal, elle se serait perdue dans cette contemplation, mais la présence humaine la lui rendait en cet instant particulièrement irritante. Une pointe de douleur perça le crâne de Drakaïs, ses yeux verts tout à coup traversés par une vague d'aiguilles brûlantes. Elle serra les dents et ravala une plainte tout en tirant sèchement sur l'une de ses mèches rousses, le picotement offrant une maigre distraction dans son tourment. Elle aurait tué pour avoir une tasse de café. Le matin, sans caféine, ses pensées n'étaient qu'un tas confus pesant. Un bâillement essaya d'échapper aux murs de sa gorge, mais là encore, elle l'étouffa brutalement, écrasant à la source la tentative d'insurrection.
Dormir.
Pas encore.
Putain d'Humains, oui.
« Et on se lève avant l'aube pour ces connards... »
Drakaïs laissa son attention planer sur Lya un vague instant, notant rapidement les poches sous ses yeux et la grimace qui fripait son visage enfantin, puis la recentra sur les Humains devant elle.
« On se lève avant l'aube parce que ces connards n'ont pas retenu la leçon. », précisa Drakaïs, sa voix, un sifflement mauvais entre elle et la jeune fille.
Lya plissa le nez, ses yeux brillant d'une lueur dorée avant de reprendre cette couleur chocolatée que Drakaïs lui aimait tant.
« On aurait dû les tuer. Ça, c'est une leçon qu'ils arriveraient à retenir.
– Peut-être. La mort a un côté plutôt mémorable. », marmonna Drakaïs en s'emmitouflant un peu plus dans ses fourrures. Par les Six, hiver ou été, il faisait toujours un froid glacial dans cette région.
Cette fois, ce fut au tour de Lya de l'observer un instant. Drakaïs soutint l'examen en silence, mais craqua au bout d'une minute :
– Quoi ?
– Rien, rien... Juste... D'habitude, tu m'encourages pas dans ma violence. D'habitude, tu me sors les mêmes conneries que Cerbère. D'habitude, c'est Elesborn qui–
– Oui, eh bien, Cerbère et Elesborn ne sont pas là, n'est-ce pas ? », maugréa Drakaïs en fronçant les sourcils, un nouveau bâillement aux bords des lèvres.
Nouveau silence. Nouvel examen, plus poussé cette fois.
« T'es fatiguée, remarqua Lya, surprise.
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La Révolte des Dragons |1| : L'Eveil
ParanormalC'est une histoire banale. Du moins, le commencement l'est. L'une des Lois Inviolables a été brisée : respecter le choix de la Pierre. Après l'assassinat de l'Empereur des Nuifées, les Drakoniques auraient dû régner sur l'Eden. L'Empire s'y refuse...