|3| "Ils ont menti:

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TW: personnage suicidaire, référence à des anciennes tentatives de suicide. Pour plus de renseignements, je vous invite à lire la note de fin.

Il y avait quelque chose de déchirant à voir son reflet et n'y trouver là qu'un inconnu.

La figure squelettique qui lui faisait face lui inspira, comme toujours, une haine et un dégoût intenses. La peau de bronze, qui possédait jadis un éclat doré, était désormais obscurcie par une teinte cireuse ; maladive. Les cheveux argentés, autrefois sources de fierté et dorénavant coupés courts pour éviter une nouvelle crise de nerf, n'étaient plus qu'une tignasse ridicule et pitoyable. Mais autre chose, en dehors du corps osseux, du teint cireux, ou des cheveux fades, arrêtait le regard.

Les cicatrices déchiraient la totalité de cette sale carcasse. Partout, de la peau parcheminée ou des lacérations pâles. Mais le pire restait le visage. L'œil gauche avait été arraché, ne laissant plus qu'un trou béant. Le second était englouti par une brûlure qui lui mangeait toute la partie supérieure droite du visage.

Pour chaque cicatrice, infligée contre sa volonté ou non, il y avait une histoire, tailladée dans la mémoire du Démon. Qu'il en ait envie ou non ne servait à rien : le reflet ne lui aurait jamais permis d'oublier.

Barrock s'écarta du miroir avec un grondement furieux. Il tremblait.

Quelle pathétique loque. Son image lui donnait la nausée. Un rappel incessant de ce qu'il était devenu. De ce qu'il n'était plus. Il avait beau briser sans cesse les glaces, parfois de ses propres poings, elles étaient toujours remplacées, quoiqu'il arrive. Une dernière torture, indolore en apparence, mais en réalité si destructrice.

Le Barrock du passé se serait révolté face à une telle raillerie. Mais à présent, l'idée même de se révolter lui donnait des sueurs froides et faisait battre son cœur à la chamade. Un réflexe inscrit en lui par la douleur. Les cris, les larmes, les supplications... Une leçon qu'il avait fini par retenir.

Il se mit à faire les cents pas, l'humeur acide et brûlante. Ses pieds foulaient la moquette vermeille de sa chambre. Les tapisseries luxueuses, le canapé recouvert d'oreillers épais, la tables en bois riche et les flammes ardentes de la cheminée ; tout l'oppressait. Et cette couleur rouge, dominante, le rouge du sang, le rouge de la colère, le rouge de la haine. Il étouffait. Il voulait partir, s'Évader, disparaître. N'importe quoi plutôt que cette prison vermeille.

« Barrock ? »

L'appel semblait presque timide. Il stoppa sa marche, tendu. Une grimace de mépris tordit sa figure émincée. Timide. Ah ! Cette femme était décidément une honte pour leur peuple.

« Quoi ? », aboya-t-il en se tournant vers son interlocutrice, Xia, apparue sur le pas de cellule.

Elle baissa le regard, un sourire amer passant brièvement sur ses lèvres. La voix de la Démone fut cette fois plus forte, sa timidité envolée :

– C'est l'heure.

Barrock se redressa, l'expression soudain lisse de toute agressivité. Il lui tourna le dos et se dirigea brusquement vers sa chambre, Xia sur ses talons. Il percevait vaguement sa frustration, mais son esprit était ailleurs, déjà pleinement concentré sur sa cible et sa mission. Comme un bon chien, il savait répondre à l'appel de son maître immédiatement ; il avait été bien dressé. Le Diable y avait veillé.

Il se laissa rebondir mollement sur son lit tandis que ses doigts pianotaient sur la couverture cramoisie. Les informations de sa mission flottaient dans son esprit. Nuifée, Elitz Teïz, assistant personnel de feu l'Empereur Azetor de Lapuzis. Un homme au statut important, aux premières loges des affaires de l'Empire. L'excitation traversa le corps de Barrock.

La Révolte des Dragons |1| : L'EveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant