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Aujourd'hui nous sommes vendredi, dernier jour avant les vacances. Je suis heureuse d'enfin avoir du temps pour moi, et de pouvoir dormir à ma guise. Mais aussi triste de quitter mes amis.

Je ne me l'avouerais jamais, mais j'ai aussi un pincement au cœur en pensant à ces deux longues semaines sans voir Charlie. Mais ça reste un secret, chut.

Je viens de croiser Alex avec qui je devais marcher jusqu'à la gare pour ce dernier soir, il m'a dit de l'attendre devant le lycée. C'est donc ce que je fais avec ma musique, parce qu'il est plutôt long le bougre. J'aimerais bien qu'il se bouge les fesses, j'ai un train qui m'attends, moi.

Quand je le vois enfin arriver je pousse un soupire tout en retirant mes écouteurs. Oh mais qui vois-je? Charlie, évidemment. Ma vie ne sera donc jamais tranquille?

«—Salut, bon les filles j'vous laisse mon bus va partir, faites la route ensemble, bonnes vacances, je vous aime, asta la vista! »

Et Alex reparti.

Mon cerveau beug un peu je dois l'avouer. Il vient de se passer quoi? Où suis-je? Qui suis-je en réalité?

«— Ha ha... Bon... »

Je me tourne vers Charlie qui me regarde le sol à ma gauche, plutôt gênée elle aussi. Techniquement je pourrais dire merde à la vie et partir seule à la gare, mais non j'ai pas envie. C'est Charlie quoi. Et elle semble pas trop réticente à tout ça. J'ai la forte impression que tout n'est qu'illusion.

Mais c'est pas vrai, comment faire, je ne me sens pas bien du tout ni prête à lui parler. J'ai juste l'impression de me liquéfier sur place ce qui n'est très sûrement pas loin de la réalité. Oh merde, comment on fait dans ce genre de situation? On reste naturelle? On observe le paysage?

Actuellement je vois la rue, avec quelques arbres aux feuilles rousses, ainsi que beaucoup d'étudiants. Un cabinet dentaire juste en face et une vieille dame en sortir avec un pain de glace sur la joue. J'ai mal pour elle la pauvre. Il y a aussi cet homme en costard d'âge mûr, avec un ventre bedonnant, et son journal sous son bras marchant à grande vitesse.

Oh. Et puis il y a Charlie aussi. Tout va très vite dans ma tête, je n'arrive plus à suivre le fil de mes pensées.

«—On devrait peut-être y aller non? Notre train n'attend pas., sourit-elle maladroitement. »

J'acquiesce. Oh oui, que j'aime entendre un pronom possessif quand il désigne quelque chose entre elle et moi.

Sur ce, nous nous mettons étonnamment en route, tout ça paraît presque naturel, c'est étrange. Elle a ses mains dans ses poches et regarde le sol, une mèche de ses cheveux courts lui retombe sur le visage. Ça me démange mais je me retiens.

«—Du coup... Tu t'arrêtes aussi à Manitre? Tu y habites?, me demande t-elle.

Oui, enfin au bord du village, mais oui., je souris. Et toi?

Pareil! »

Nous nous arrêtons à un feu vert. Elle me sourit pour accompagner sa réponse. Bien, un point commun, on part sur une bonne base.

Seulement, quelque chose attire mon regard. Je vois Rosy sur le trottoir d'en face. Malheur. Je la vois ouvrir grand la bouche et pointer du doigt Charlie. Quelle gourde. Mes yeux s'ouvrent en grand pour lui intimer de ne rien faire. Je la vois sauter sur place, quelle gamine.

Charlie doit sûrement intercepter mon regard appuyé et se retourne pour voir ce qui m'intéresse tant. Rosy semble comprendre et fait comme si de rien était. Charlie me fait un regard interrogateur en se retournant.

«—Ah non non, y avait juste un mec bizarre t'inquiète., je tente, après tout j'ai rien à perdre, même plus ma dignité.

Ah okay., elle sourit encore. Elle est si belle quand elle sourit. »

On traverse puis continuons de marcher. Après quelques pas, j'entends un bruit parasite. Comme un cri venant de derrière qui se rapproche. En regardant, je vois une furie arriver vers nous en courant expressément. Elle fonce sur Charlie.

«—Att-! »

Je n'ai pas le temps de finir mon mot que la passante la bouscule assez fort. Charlie est projetée sur le côté. Je la rattrape de justesse par réflexe en l'entourant de mes bras. Déséquilibrée, je la ramène d'un coup sec sur ses deux pieds, contre moi.

Je me recule légèrement d'elle, mes bras toujours sur sa taille dans un premier temps, et lui demande si elle va bien.

«—Oula, oui oui t'inquiète! Elle est folle cette femme elle aurait pu faire gaffe.

Y a vraiment des tarées. »

Je frotte amicalement son épaule et lui sourit. Maintenant à une distance de sécurité respirable, je me rends compte de ce qui vient de se passer.

Oh flute.

Woa. Nous venons d'assister à une remontée fulgurante de Noa, ainsi qu'à un de ses instants de vie mémorables à encadrer et à poser sur tableau d'honneur.

Je suis fière de moi, mais aussi un peu gênée tout de même. Enfin bon, merci Rosy pour cette scène digne d'un drama.

Comment engager la conversation suite à ça? Je la regarde discrètement et je la vois impassible, regardant l'horizon.

Et bien c'est simple, n'engagez tout simplement rien du tout, et attendez que votre cible se fasse la mal toute seule. Oui, j'ai bel et bien perdu Charlie.

Non, en vérité elle m'a dit que sa mère venait la chercher en voiture à l'autre bout de la ville. Me voilà donc seule, à attendre ce satané train en retard de vingt minutes.

Une chose est sûre, vive les vacances.












•ᴄʀᴜsʜ

ᴄʀᴜsʜOù les histoires vivent. Découvrez maintenant