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«—C'était une mauvaise idée. »

Je regarde mal Rosy, interrompant ma lancée.

«—On a pas finit, tu verras ça va être super cool!

Mais j'ai pas envie de faire un bullet journal moi!, elle s'énerve.

Va pas aussi loin, c'est juste une oeuvre d'art qui se fait en une année., je calme le jeu. »

J'ai invité Rosy chez moi sur un coup de tête, juste avant la reprise des cours. Dans deux jours à cette même heure je serais au lycée, et je n'ai pas du tout envie. Toute la motivation que j'avais ces derniers jours à disparue, laissant place à la déprime. C'est donc pour ça que j'avais envie de me remonter le moral en passant du temps avec Rosy.

À l'heure actuelle, nous essayons de reproduire à l'identique un DIY trouvé sur internet. Seulement cela va bientôt faire une heure qu'on est dessus, et c'est extrêmement laid. Ma feuille ressemble à rien, l'encre noire a bavée, mes lettres ne sont pas régulières, mon début de coloriage a dépassé, enfin c'est vraiment pas terrible.

Et du côté de Rosy c'est limite pire. Sa feuille est plissée à plusieurs endroits à cause de ses coups de gomme trop violents. Certaines couleurs se chevauchent, et certains traits sont en double car sa règle a bougée.

«—Tu peux le tenir ça s'il te plaît?, me demande t-elle en pointant de son menton la règle qu'elle tient en bout de doigt. »

Avec une dextérité impressionnante, elle repasse par dessus les traits réalisés au crayon de bois avec le feutre noir. Elle a préféré tout recommencer, ce que je comprends au vu du dernier essai.

Cette fois-ci on ne fait pas la même erreur, et je l'aide en tenant la règle et en la relevant de façon à ce qu'elle ne bave pas sur la feuille, avec une technique ancestrale obtenue par les ancêtres propagée depuis des générations et des générations.

C'est faux évidemment, j'essuie juste la règle avec un mouchoir à chaque trait.

Mais après de longues minutes d'effort, nous réussissons finalement à tracer un tableau potable.

«—Tu as fait quoi pour Halloween toi déjà?, me sort-elle comme ça, sans prévenir. »

Mon corps se stoppe dans son action quelques instants, puis je reprends mes activités pour que cela ne paraisse pas suspect. Serait-elle au courant? Si tel est le cas, crotte zut flutte et calembours!

«—Avec des potes, pourquoi?, j'avais difficilement ma salive.

Oh comme ça. J'ai entendu dire qu'il y avait Alex., je tique. Et... Charlie! »

Rosy crit le prénom de Charlie tout en me pointant du doigt. Je pleure intérieurement, elle ne va pas me lâcher avant d'être au courant de tout. Tous les détails. Tous.

«—On a regardé des films, On a mangé, j'ai eu peur, on s'est em–, euh, ses parents son arrivés!, je m'empresse de débiter sans une pause, mes paroles.

Oh, très bien., me sourit-elle.»

J'en profite pour souffler, plus de peur que de mal. Bien qu'il faut noter que j'ai faillit faire une gaffe.

«—Nan mais tu me prends pour une buse Noa! Je sens bien que tu me caches l'essentiel! S'il ne s'était rien passé, tu me l'aurais dit. Or, tu ne m'as rien dit.

C'est un peu paradoxal non?

C'est toi qui est paradoxal Fraülein. »

Je ne sais pas si je lui dit toute la vérité. Mais dans un sens, pourquoi ne lui dirais-je pas? Sans doute pour protéger mon ouïe, je pense que c'est assez évident. Malgré tout, je me décide de lui dire ce qu'il s'est réellement passé.

«—Je... Pendant le premier film, j'ai eu peur, j'étais à côté d'elle, et le destin à fait que nous nous sommes embrassées. »

J'attends. Dans un premier temps, elle n'eut aucune réaction, mais j'ai très distinctement senti l'air s'alourdir. Puis ce fut l'explosion. Tout d'abord un cri, puis furibonde, elle s'est redressée, avant de se mettre à faire les cent pas.

Je me contente de l'observer de loin, le temps qu'elle avale la nouvelle, ce qui peut prendre un certain temps.

«—Mais... Noa... C'est juste incroyable!

On s'est embrassées une autre fois après, dans la cuisine. »

Et hop! Deuxième mort de Rosy. Elle doit être un chat pour être encore debout, il ne doit lui rester plus que sept vies.

«—J'arrive pas à y croire... C'est si beau!, geint-elle. Mais du coup... Ma petite Noa n'est donc plus célibataire?! »

Alors! À ce propos..., commençais-je mais me fait couper par Rosy.

Je vous vois déjà au lycée, marchant comme des queens dans les couloirs, exhibant votre amour à tous ces rageux! Et votre mariage aussi!

Ça n'arrivera pas Rosy. »

Elle se stoppe nette dans sa lancée et me regarde de travers. Elle ne comprends pas mais lorsque je lui explique ce qu'il s'est passé après la scène du deuxième baiser il y a quelques jours, elle m'écoute attentivement.

Nous avons par la suite, longuement parlé avec Rosy. Elle m'a conseillée et surtout écoutée avec grande attention.

Selon elle, je devrais essayer d'en parler avec Alex, car je ne peux pas me mettre de côté comme ça. M'oublier est la pire des choses à faire selon elle, peu importe la situation. Être en accord avec soi-même, disait-elle, ça, c'est éternel.

Et c'est vrai dans un sens. Il n'y a qu'une seule personne avec qui on est sûr de passer le reste de notre vie. C'est nous-même.

J'ai longuement réfléchis après ce qu'elle m'a dit et je pense en effet que ce qu'elle m'a dit serait le plus raisonnable, mais je ne peux m'empêcher de penser à l'éventualité que ça lui fasse du mal. Le simple fait d'en parler, ou peut-être va-t-il croire à une trahison, peut-être juste se rappeler de souvenirs douloureux, et ça va le faire souffrir.

Sincèrement, je préfère mille fois souffrir moi, que faire souffrir un ami. C'est une douleur qui me serait encore plus insupportable qu'une douleur sur ma propre personne.

Rosy m'a interpellée quand je lui ai expliqué ça. Pour elle, le problème est que certes, si chacun souffre de son côté, ça fait mal. Mais si l'un prend la peine de l'autre, ce n'est pas sa douleur, c'est une émotion qui n'est pas censée être à nous. Ainsi, cette blessure peut rester éternellement ouverte, et former, du regret.

Rosy je l'aime bien moi, c'est une super amie. Si jamais elle a besoin de quelque chose, je serais là pour elle.
















•ᴄʀᴜsʜ

ᴄʀᴜsʜOù les histoires vivent. Découvrez maintenant