Chapitre 12

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*18 décembre 840*

A quelques mètres de ma cachette, dans l'ombre d'une ruelle, se tenaient ce fameux Furlan Church et ses hommes. Ils étaient en plein dans une discussion ressemblant plus à un débat qu'autre chose. Dans un sens, j'étais bien contente ; trop pris par le débat, ils ne m'avaient pas vue approcher — et un quart d'heure plus tard, ils ne me remarquaient toujours pas. Le sujet de conversation devait être suffisamment sérieux pour faire baisser leur vigilance. Tant mieux. On pourra les prendre par surprise...
Je sentis quelque chose m'effleurer le bras gauche. Livaï venait de se placer à côté de moi.
- Alors ? me demanda-t-il d'une voix basse mais indifférente. Ils n'ont pas bougé d'un pouce ?
- Pas depuis mon arrivée, il y a un quart d'heure. Ça va bien nous arranger, ajoutai-je, car ils ne vont pas comprendre ce qu'il va leur tomber dessus.
- Tu m'étonnes. Ces abrutis n'ont pas conscience qu'ils pourraient se faire surprendre d'une minute à l'autre. Faut pas qu'ils s'étonnent qu'après, ils soient battus à plate couture.
Je me retins de rire. Depuis qu'il m'avait raconté ce qui s'était passé, je ne pouvais m'empêcher d'imaginer la scène de la bagarre et les gars de ce Furlan les quatre fers en l'air. J'aurais tellement aimé voir ça ! S'ils avaient sous-estimé les compétences hors-normes de Livaï, c'est certain d'avance qu'ils ne pourraient pas le battre — pas plus que les précédents gars qui lui avaient cherché des noises avant eux. Sérieux, ils pourraient peut-être un peu mieux réfléchir à un plan plus béton avant de se jeter dans la gueule du loup.
Je pouvais comprendre qu'ils veuillent tester sa force, mais ils étaient beaucoup trop confiants à mon goût. C'est la raison pour laquelle je ne m'étais pas frottée à Livaï, lors de notre rencontre : j'avais tout de suite constaté que je ne ferai pas le poids face à lui. Je n'avais donc eu aucun problème dès ce jour.
Un mouvement furtif attira mon attention. Furlan et ses gars s'apprêtaient à bouger ! Comment faire pour les retenir ? Une fois encore, Livaï lut les inquiétudes qui me rongeaient (ce n'est pas possible, il était télépathe, le mec !) parce qu'il m'annonça qu'on devait les encercler et les prendre à revers, et très rapidement. Auquel cas ils prendraient la fuite, ou ils nous feraient face. C'est maintenant qu'il fallait agir.
Il me demanda de prendre par le ciel, avec mes pouvoirs de Métamorphomage, et de me placer à la gauche du groupe, tandis que lui resterait ici, sur leur droite. Dès qu'on sera chacun prêts, il me fera signe quand je devrai attaquer.
- Très bien, je me fie à ton instinct, cédai-je. Mais pas de coup foireux, d'accord ? Je ne veux pas que tu les tues...
Je m'apprêtai à grimper le mur, mais la main de Livaï me retint par le poignet. Surprise, je me retournai et vis qu'il me fixait intensément, s'approchant un peu plus de moi. Son corps se collait au mien, son souffle se mélangeait au mien. Qu'avait-il ? Une lueur dans ses yeux montrait des regrets... Mais des regrets sur quoi, précisément ?
- Tu sais que j'ai horreur des excuses, et encore moins d'en présenter, mais... je tiens à en faire, commença-t-il. Désolé de t'avoir parlé comme j'ai fait, tout à l'heure. Quand on s'apprêtait à partir. Je n'aurais jamais dû te balancer ça dans la tronche. Je suis désolé.
J'avais bien entendu ? Des excuses ? Voilà que Livaï perdait complètement la boule, ma parole. Il était tombé du mauvais côté du lit, ce matin, en se levant, il n'y avait pas d'autres solutions, ou alors je délirais...
Mais Livaï continua ce qu'il avait à dire.
- La vie dans les bas-fonds est cruelle, et c'est pour cette raison que je t'ai mise en garde, tout à l'heure. Pas comme il le fallait, mais je m'inquiète pour toi. J'ai peur qu'il ne t'arrive quelque chose et...
Je le coupai en posant ma main sur sa joue. Je ne lui en tenais pas rigueur, ayant eu le temps de bien réfléchir à ses paroles, « pas dites comme il le fallait » comme l'avait fait remarquer Livaï. C'est sûr qu'il n'était pas très doué pour s'étendre sur ses sentiments, et les avouer. Pas du tout démonstratif. Mais ça faisait partie de son caractère. Et j'avais fini par m'y habituer, même si ça me faisait mal qu'il ne montre pas aussi souvent ce qu'il ressentait.
Livaï comprit le sens de mon geste sur sa joue. Il posa son front sur le mien et son corps se colla contre moi pour me prendre dans ses bras. Ses mains passaient de mes hanches jusqu'au bas de mon dos, avec la douceur que je lui connaissais quand nous étions côte à côte. Il n'était peut-être pas démonstratif oralement, concernant les sentiments, mais avec les gestes il se faisait comprendre.
On se comprenait par gestes.
Les gestes, c'était notre façon de communiquer : je lui avais pardonné, et il se sentait soulagé. Il me transmettait son amour avec les gestes, comme il le faisait depuis le début de notre couple. Ça le calmait de me savoir près de lui, de me sentir près de lui, et ça lui évitait de retourner toute la maison en maugréant — ce qui me fit rire la plupart du temps.
Ses mains revinrent finalement sur mes hanches. Sa tête s'était enfouie dans mon cou, et d'une main je lui caressais la nuque. Le silence total régnait.
- Allez, on y va ? murmurai-je. Si on tarde trop, le groupe de ce Furlan va nous filer entre les doigts sans s'apercevoir de notre présence. Il n'y aura certainement pas de seconde chance.
- Tu as raison. (Il me lâcha enfin et déposa un rapide baiser sur mes lèvres, retrouvant son masque habituel d'indifférence.) On risque également de se faire repérer si on ne se bouge pas. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'est pas bon pour nous.
Aussitôt on se mit en place. Je grimpai en haut de la maison à l'aide de lianes que j'avais fait apparaître mentalement, les yeux brillants, et qui m'aidaient à m'envoyer sur le toit (les bout de chaque liane étaient enroulés autour de mes mains pour éviter de tomber), avant de me balancer jusqu'aux toits de l'autre côté de la rue. Là-bas, je retombai sur mes jambes sans faire de bruit. Furlan Church et son groupe ne m'avaient pas vue. Nickel. Livaï, lui, était resté au pied de la maison où l'on s'était cachés, à l'entrée de la ruelle.
Je ne bougeai pas. Livaï m'avait promis de me faire signe dès qu'il aura — à nouveau — mis à terre tous les gars de Furlan, comme la dernière fois. Inutile d'intervenir avant, donc. Mais j'étais néanmoins inquiète : ce n'étais pas mon truc, de ne pas aider Livaï pour ce genre de choses. Je tenais à être en bas pour mettre une raclée à la bande de Furlan, mais bon... Livaï se montrait têtu des fois, bien qu'il dise le contraire.
Mon regard croisa celui de Livaï, prêt à sortir de la cachette pour attaquer. Un signe de tête de sa part me fit comprendre qu'il n'allait pas tarder. J'avais confiance en lui. J'espérais qu'il avait pensé à prendre un gilet contre les coups, parce que ça allait chauffer et pas dans le bon sens, si vous voyez ce que je veux dire. Mon cœur se serra.
Livaï, je t'en prie, fais attention...

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