Chapitre 10

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*12 décembre 840*

Presque un mois s'était passé. Livaï et moi avions eu un tas de choses à faire, entre les vols de nourriture (à chaque fois, on réussissait à merveille notre coup), les contrats de petits délits seulement - j'avais mis un point d'honneur à ne jamais accepter de contrats où il fallait assassiner quelqu'un, et Livaï était bien obligé d'accepter la condition - où, une fois terminés, on recevait la somme d'argent promise au départ, et aider ceux qui étaient dans le besoin. Il y avait tellement de pauvres et de malades vivant dans les rues des bas-fonds qu'on n'arrivait plus les compter sur les doigts d'une main.
Pourtant, je refusais de les abandonner, c'était plus fort que moi. Leur condition de vie me fendait le cœur. Je n'hésitais pas, à l'occasion, à leur donner un bout de pain et à les soigner avant de filer. Livaï râlait, mais que pouvait-il y faire ? Rien ne pouvait me retirer ma compassion et j'étais comme ça. Il le savait très bien. Il connaissait mon fonctionnement comme je connaissais le sien.
Livaï m'avait raconté ce qui s'était passé, après son combat contre des voyous locaux, le jour où l'on cherchait des infos pour retrouver Carroff : la « grande asperge », comme il le nommait, l'avait tiré d'affaire après qu'il ait réglé le compte des voyous qui l'avaient pris en sandwich, en lui envoyant une corde pour qu'il monte sur le toit. Quelques rues plus loin, il lui avait demandé s'il était bien Livaï Ackerman, puis avait ajouté que son nom était si connu dans les bas-fonds qu'on avait du mal à lui mettre la main dessus, tant il disparaissait à la vitesse de la lumière. Il pensait même que Livaï était capable de battre le groupe de brigands d'avant, c'était dire. Alors que mon compère le remerciait de lui avoir donné un coup de main, il avait vite déchanté en entendant du bruit ; de jeunes brigands, à peine plus âgés que nous, étaient apparus dans son dos. Comme tous deux se trouvaient dans une ruelle, Livaï était coincé.
En quelque sorte, celui qui l'avait sauvé souhaitait lui aussi tester la force de Livaï, connue dans toute la ville souterraine. Pour ça, la « grande asperge » avait préparé un plan avec ses hommes pour lui mettre une raclée et en faire ensuite l'un des leurs s'il valait la peine. Enfin... ils pensaient avoir tout prévu. Aucun d'entre eux n'avait pu imaginer que Livaï était beaucoup plus fort que laissaient entendre les rumeurs. Dès qu'il avait réglé le compte des hommes de l'autre asperge, l'autre, convaincu par la force de Livaï, voulait le faire entrer dans son groupe. Malheureusement pour lui, c'était mal connaître mon compère. Livaï avait refusé tout net, et sèchement. Il ne lui faisait aucunement confiance. Il lui aurait même rétorqué « Tu crois vraiment que je vais suivre une crapule comme toi ? ». Puis, tournant le dos à son interlocuteur surpris, il avait filé en sautant par-dessus un petit mur longeant la ruelle. C'était ainsi qu'il m'avait rejointe, remonté comme jamais.
En entendant cette histoire, je n'avais pas pu m'empêcher de rire. C'était tout Livaï ! Même quand la tournure de la situation semblait être en sa défaveur, même si sa froideur ne laissait rien paraître sur son visage, il savait toujours comment s'en tirer. C'était un fin stratège. Pas une seule fois je n'avais douté de cette qualité qui était la sienne.
Néanmoins, malgré le côté drôle de l'histoire, je partageais - pour une fois - l'avis de Livaï, sur le fait que l'autre était un abruti de grande première. Comment avait-il pu croire un seul instant qu'il pouvait berner Livaï à ce point ? Et, surtout, croire qu'il allait le battre ? À sa place je ne m'y serais pas risquée, après avoir vu de mes yeux vus ce dont de quoi Livaï était capable. Je me souvenais comme si c'était hier la façon dont il s'était débarrassé des brigands qui me voulaient du mal, alors qu'il ne me connaissait absolument pas. Je lui étais redevable pour cela. Je n'avais jamais oublié ce geste.

*
* *

Depuis deux jours, j'étais clouée au lit. J'avais attrapée la crève lors d'une mission, et dès lors, je m'enfouissais sous les couvertures. Le froid me rongeait les os malgré la chaleur des couvertures ; je n'arrivais pas à me réchauffer. Pourquoi fallait-il que ça me tombe dessus maintenant ? Pas une fois je n'étais tombée malade, et voilà que le destin en décidait autrement, en n'en faisant bien sûr qu'à sa tête. Quelle merde ! J'aurais préféré rester en pleine forme que rester allongée...
A mon plus grand étonnement, Livaï restait à mon chevet. Il me donnait les médicaments, épongeait mon front avec une serviette humide, et insistait pour que je bouffe, même un tout petit peu. Il faisait aussi aérer la chambre et la nettoyait à fond pour faire dégager les microbes. Décidément, quel maniaque ! Mais, en dehors de ce détail, il était efficace.
Pas une seule heure ne passe sans que Livaï ne me lâche les basques. Pas une seule fois où il n'était pas présent. Il patientait, me tenait la main en attendant ma guérison complète. Je m'en voulais de lui faire subir ça alors qu'il n'avait rien demandé. Et cet idiot, évidemment, m'avait envoyé bouler en rétorquant : « D'abord, guéris-toi, et après on en reparlera ! Ça me plaît pas plus que toi, ces microbes dégueulasses, mais dis-toi que les médocs font leur effet. »
Charmant, ses encouragements. Comme toujours. C'était très délicat.
Mais il avait vu juste : ma température revint à la normale et je pus m'extirper du lit en milieu d'après-midi. Ma tête me tournait un peu et je me tenais au mur pour avancer, par précaution, dans le cas où je ferai un malaise, mais ça allait. C'était l'inconvénient de quand on se débarrassait de la crève...
Livaï n'était pas présent quand j'arrivais enfin au salon, prenant toujours appui au mur. Il devait être sorti. Super. J'aurai préféré qu'il soit là, mais bon...
Pour avoir de quoi se nourrir et gagner de l'argent, il fallait accepter les contrats que l'on vous proposait, les jours où les habitants de la ville souterraine avaient vraiment besoin de ces vivres pour substituer aux besoins de leurs proches. Qu'importe que ce soit les brigands, les malades ou les gens honnêtes, tous avaient un point en commun : tenter de survivre en cherchant à manger et en travaillant comme des fous pour acheter ce qu'il faut.
En attendant que Livaï revienne dans notre planque, je me préparai une tisane. Contrairement à lui, je n'étais pas une grande fan du thé noir, je trouvais que cette boisson avait un goût... comment dire, pas très buvable. C'était mon point de vue. Livaï ne partagerait sans doute pas mon avis, mais tant pis. Tout le monde ne pouvait pas être d'accord avec les dires de chacun.
La tasse à la main, je m'asseyais à la table, serrant une couverture autour de mes épaules. Je n'avais même pas songé à enlever mon pyjama et à m'habiller avec des vêtements décents. Comment réfléchir correctement, après avoir été malade comme un chien pendant deux jours entiers ? Quand vous étiez dans cet état-là, vous ne pensiez à ce moment-là qu'à votre guérison, et pas à comment vous vous vêtirez ou à ce que vous ferez le jour suivant. Cela arrivait malheureusement à tout le monde.
Et, aussi, la fatigue pouvait encore être présente, même quand la voie de la guérison faisait disparaître la crève à coup de médocs, jusqu'à la prochaine fois. Ça arrivait également à tout le monde ! Et je ne fis pas exception : mes paupières tombaient toutes seules, comme si elles n'avaient pas récupéré assez de force.
Je clignai des yeux plusieurs fois pour rester éveillée, mais rien n'y faisait, je m'endormis aussi sec sur la table, sans attendre le retour de Livaï.

« 𝓐 𝓵𝓲𝒇𝒆 𝔀𝓲𝓽𝓱𝓸𝓾𝓽 𝓻𝒆𝓰𝓻𝒆𝓽𝓼 [SNK ~ Livaï x OC] »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant