Chapitre 13

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*23 décembre 840*

Zut, zut, zut ! Plus que deux jours avant l'anniversaire de Livaï (il fêtera ses 15 ans ce jour-là, je vous le rappelle), et je n'avais TOUJOURS PAS trouvé de cadeaux à lui offrir ! Surtout que ça tombait le jour de Noël, par le même temps ! Ça me fichait les jetons, et au point que l'angoisse me prit de court — je n'arrivais plus à réfléchir correctement. Et à une ou deux reprises Livaï m'avait envoyé une pichenette sur la joue pour me remettre les idées en place. A croire qu'il lit dans mes pensées ! (Enfin, c'est surtout qu'il me connaissait mieux que n'importe qui, à part mon père.)
Est-ce que vous vous rappeliez la proposition de Livaï, l'autre jour ? Eh bien, plus étonnant que n'importe quel autre pacte, il avait fait promettre à Furlan de cesser à s'acharner pour le recruter dans son groupe, et en échange lui et ses hommes nous filaient les tuyaux sur ce qui se passait dans les bas-fonds. Entendre cela m'avait sciée, car Livaï ne donnait jamais facilement sa confiance aux autres.
Furlan était lui aussi resté sans voix un instant, ne s'attendant probablement pas à cela, mais il avait accepté le marché. La chance d'avoir Livaï dans son équipe était perdue à tout jamais, mais au moins tous deux pourraient travailler en collaboration quelques temps. A condition que Livaï ne l'enterre pas six pieds sous terre d'ici là !
Comme le groupe de Furlan s'éparpillait le soir venu pour se coucher à travers différents endroits de la ville souterraine (c'était une tactique pour ne pas se faire prendre ensemble), j'avais proposé à Furlan de s'installer chez nous, le temps de chercher un autre endroit. Ça ne plaisait pas beaucoup à Livaï parce qu'il craignait de « retourner toute la baraque s'il y posait ses sales pattes », mais je ne lui avais pas vraiment laissé le choix. J'avais fait promettre à Furlan de ne pas nous trahir, ou je m'occuperai personnellement de son cas. Ayant goûté mes pouvoirs de Métamorphomage, le principal intéressé avait vraiment flippé à l'idée d'y faire face à nouveau, et depuis, il se tenait tranquille.

*
*  *

Dans le salon, je m'activai. Des plantes en pots trônaient sur la table qui nous servait en temps normal pour manger. Je les utilisais pour fabriquer des médicaments à base de ces mêmes plantes et, pour cela, des outils m'étaient nécessaires. Chaque ingrédient bien dosé était importante pour arriver au résultat tant attendu, ou ça risquerait de ne pas posséder le goût que l'on espérait au départ.
Mais la formule de fabrication était compliquée à vous expliquer, et je ne crois pas que vous en comprendriez le moindre mot. Même une fiche explicative ne pourrait pas assouvir votre soif de curiosité, tant c'était complexe ! 😊
Furlan et Livaï étaient partis tous les deux depuis un moment de la maison. On leur avait confié une mission difficile à résoudre, et Livaï avait refusé que je vienne avec eux. Son ton se montrait sec. Sa personnalité peu sociable ne jouait peut-être pas en sa faveur, tant elle affichait la froideur et le mépris de l'autorité de Livaï (et aussi qu'il fasse des commentaires peu appropriés et insultants, lancés à tout va), je savais qu'il ne me ferait aucun mal. Il voulait me protéger du danger qui rôdait en permanence dans la ville souterraine, même s'il n'était pas doué pour avouer le fond de ses pensées, côté sentiments. Quand il souhaitait dire quelque chose, Livaï allait toujours de but en blanc.
Mais, assez parlé ! Revenons au médicament que je préparais actuellement. Je disais que je vous passais les détails, pour éviter les maux de tête.
L'après-midi était déjà bien avancée quand je terminais enfin le médicament ; c'était un sirop, en fait. Ça guérissait certaines maladies attrapées, comme la grippe ou un simple rhume. Vous me direz que c'est trois fois rien, mais il pouvait être utile à l'avenir.
Miroitant dans le bol en bois où je l'avais placé au fur et à mesure que je mélangeais les ingrédients, le sirop était encore tiède. L'odeur et sa limpidité prouvaient par eux-mêmes le résultat d'un bon assaisonnement. Je le plaçai dans quelques flacons de verres décorés d'arabesques dorées, achetés à bon prix dans un magasin de la ville souterraine.
Il y aura de la réserve pour un moment.
Livaï et Furlan rentrèrent au même moment :
- Je t'avais pourtant dit de faire attention ! Avec ces gars-là, on ne sait jamais ce qu'ils ont dans la tête.
Au ton de la voix de Furlan, je devinai tout de suite que la discussion était tendue comme pas possible.
- Ça va, lâche-moi les basques ! grogna Livaï. Je leur ai juste rendu les coups envoyés, c'est pas comme si je les avais butés.
- Encore heureux ! Mais ça aurait tout de même pu être pire, déclara Furlan en levant les yeux au ciel. Bon sang, Livaï ! Tu étais censé intervenir seulement au cas où la situation aurait tourné au vinaigre, alors retiens tes coups, la prochaine fois !
- Ma parole, tu te prends pour ma mère, ou quoi ? Qu'est-ce que ça peut me foutre que ça dégénère au point de...
- Hum, hum !
Mon léger toussotement suffit à faire taire les principaux intéressés et à tourner la tête vers le côté cuisine. Je les fixai avec amusement.
- Quand le Ying et le Yang que vous êtes, auront fini de se tirer la tronche, est-ce que ça serait possible de retrouver un semblant de calme, ici ? On vous entend à des kilomètres à la ronde, les mecs.
- Oh, ça va ! fit Livaï, qui ne put réprimer un geste d'exaspération, en passant à côté de moi pour déposer sa cape. Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi, à me faire la morale ?
- Eh ! Je te rappelle que tu n'as pas voulu que je vous accompagne. Qui sait, un coup de main supplémentaire aurait été le bienvenu, dans votre mission.
- Ça nous aurait bien aidés, en effet, mais avec ce qui s'est passé, je ne pense pas que tu aurais apprécié, m'annonça Furlan. On était censés faire un échange d'objets rares contre un peu de nourriture, mais il y a rapidement eu quelques échaffourés...
Ah. L'un des interlocuteurs avait sans doute fait une remarque qui n'avait pas forcément plu à Livaï ; le connaissant, il avait répliqué, et ensuite des échanges de coups étaient partis à la vitesse de l'éclair. Inutile de me donner davantage d'explications : Livaï réagissait toujours au quart de tour. Si on ne discernait pas correctement sa personnalité, on ne comprenait pas le sens de sa vulgarité.
Mais Livaï était Livaï. On ne pourra pas le changer comme ça, en un claquement de doigts. Furlan s'étonna de mon raisonnement.
- Sans rire, Anna, comment fais-tu pour supporter Livaï et son mauvais caractère ? Ça ne te met pas en rogne qu'il n'y ait aucune limite dans ses emportements ?
- Oh, tu sais, à force de le côtoyer, plus rien ne m'étonne. Imagine toutes les prises de têtes qu'on a eues, lui et moi, pour pas grand-chose ! Et des fois, je découvre des détails que je n'avais jamais remarqués auparavant, dans ses gestes ou en ce qui concerne son passé.
- Je vous signale que je vous entends, les guignols ! s'éleva alors la voix de Livaï, depuis le couloir des chambres. Et, Furlan, mon mauvais caractère t'emmerde.
Un pouffement de rire s'échappa de mes lèvres.
- Par contre, son langage est toujours aussi fleuri.
Pour éviter des lancées de regards noirs et de silences de plomb qui dureraient des heures, il était plus sage de clôturer la conversation. Changement de sujet. Point final.
Dès que Furlan s'était installé chez nous, je lui avais clairement expliqué le toc de Livaï : la propreté. Il fallait que tout soit nickel, que ce soit le sol, les carreaux, les vêtements tâchés, la vaisselle, le lavage de mains, les lits — et même le plafond, du moment que le ménage était bien fait, ou il te le faisait refaire plusieurs fois jusqu'à ce que ce soit bien fait ! Furlan avait donc jugé préférable de suivre le rythme à la lettre.
Furlan partait étendre sa cape, lui aussi. De mon côté je rangeai tout ce qui m'avait servi à préparer le sirop à base de plantes. Tout devait être en ordre avant que Livaï ne mette son nez dedans ; je ne tenais pas à ce qu'il me fasse un discours sur le rangement des couverts et de chaque objet pratique de la vie.
Le dernier bol lavé, essuyé et rangé, j'étais naze. Éparpillée. Ma tête n'allait pas tarder à exploser ! Une boule tellement emmêlée de nœuds que plus rien d'autre existait !
Je m'apprêtai à m'occuper des flacons quand des pas vinrent dans ma direction. Je ne pris pas la peine de me retourner, sachant qui c'était.
- Tu attends qu'il neige ? lançai-je, l'air moqueur.
- Non, je fais du tourisme ; je visite la Capitale Royale, répliqua directement mon petit ami. T'as pas remarqué mon passe pour m'y rendre ?
- C'est à se rouler par terre. Le jour où tu feras ami-ami avec les Brigades Spéciales et la classe riche du Mur Sina, il n'existera plus de Titans sur terre.
Livaï ne portait pas dans son cœur tous ceux qui se croyaient tout permis et au-dessus du commun des mortels — soit la famille royale et sa cour, vivant à Mithras ; le Culte des Murs, les Brigades Spéciales, les politiciens et les familles riches de la Capitale Royale et du Mur Sina. Pour lui, ces derniers profitaient de la pauvreté de la « classe inférieure » habitant les Murs Maria et Rose — et aussi des habitants de la vie souterraine — pour se faire de l'argent sur leur dos et préparer des magouilles, pour éviter que le peuple ne se révolte.
De ce côté-là, je ne pouvais pas le blâmer ; mon père m'avait suffisamment mise en garde sur ces gars. Je savais donc à quoi m'attendre.
Livaï passa un bras autour de ma taille et me rapprocha de lui. Ma tête se reposant sur son épaule, l'une de mes mains alla sur son torse et l'autre dans son dos. On profita de la présence de l'autre pendant plusieurs minutes, un silence pesant régnant dans la maison. Le doute serra douloureusement mon cœur, et j'avais besoin de réponses pour calmer mes angoisses répétées.
- Livaï ?
- Ouais ?
- Tu penses que l'on réussira à sortir de ce trou, un jour ? Tu crois qu'on réunira assez d'argent pour s'acheter légalement des passeports ? J'ai peur qu'on se fasse choper avant, que jamais nous ne connaîtrons la fin de ce cauchemar — et pourtant, on rêve de cette liberté depuis un moment.
Livaï me décocha un drôle de regard, comme si j'étais tombée sur la tête.
- Sérieusement, gamine ? Ma parole, t'as reçu un mauvais coup, s'étonna-t-il. Bien sûr que nous réussirons, et ce ne sont pas ces connards des Brigades Spéciales qui vont nous en empêcher ! Crois-moi, ils verront bien de quel bois on se chauffe !
Je souris. Quand Livaï avait une idée bien précise en tête, impossible de lui faire changer d'avis, et peu importe les risques à prendre. Livaï était prêt à ne pas se servir de gants pour aller jusqu'au bout des choses. (Il m'avait un jour raconté que son mentor, Kenny, ne faisait pas non plus dans le détail, quand il était encore sous son aile.)
C'est peut-être pour ça que nous étions proches, tous les deux ? Lui fonçait dans le tas et moi, je réfléchissais et craignais le pire en premier. On se complétait bien.
J'espérais qu'il avait raison, et que je me tracassais trop pour rien, concernant notre avenir. Si les Brigades Spéciales nous mettaient la main dessus avant de mener à bien notre projet, je ne donnerai pas cher de notre peau. Et alors, adieu liberté chérie !
- T'en fais pas, va, me rassura Livaï. On trouvera une solution. Ça ne se cherche pas en une nuit, mais on trouvera. Ne te tracasse donc pas.
- Je croise les doigts pour que tu aies raison. Je n'ai pas très envie de finir mes jours en taule sans avoir vu la lumière du jour...
- Moi non plus, je te rassure.
- Eh bien, vous êtes plus proches que je ne le pensais.
Nous tournâmes les yeux en même temps, Livaï et moi. Furlan était apparu sans qu'on ne s'en rende compte, comme on discutait du futur. Notre futur.
Livaï haussa un sourcil :
- T'écoutes aux portes, maintenant ?
- Inutile. Je vous entendais depuis le couloir, expliqua Furlan, avant d'ajouter : Ça saute aux yeux que vous vous entendez bien, tous les deux, mais j'ai encore un peu de mal à m'y faire.
- À cause de nos caractères ? demandai-je malicieusement.
- C'est ça. Je n'arrive pas à croire que deux personnes aussi différentes que vous deux arrivent à cohabiter ensemble. Mais, comme quoi, ça prouve qu'on peut se tromper.
- Ouais, et il faudra bien t'y faire, trancha Livaï, car je ne me gênerai pas pour te botter le derrière.
- Et ça ne sera pas du gâteau pour toi, Furlan, renchéris-je. Tu as intérêt à être prêt.
Oh oui, notre nouvel ami avait vraiment intérêt. Avec Livaï sur le dos, concernant le ménage, ça sera du sport de haut niveau.

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Bonne lecture pour le chapitre 13 😘 (Navrée s'il est court...) Joyeux Noël !!!! Bonnes fêtes de fin d'année !!!!

#Alixassëa l'Elfique

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