Chapitre 44

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*19 mars 844*

Quelques jours étaient passés depuis la visite et les révélations d'Erna Rosenberg, passée au QG de la Garnison pour me rencontrer. Cela a été un sacré choc en découvrant que chaque Métamorphomage tenait un cahier où écrire leurs pensées, et que maman en tenait un ! J'ignorais aussi qu'elle était originaire du District d'Utopia ; papa ne m'en avait jamais parlé. Ça faisait partie de mon histoire, quand même ! Pourquoi avoir caché tout ça ?
C'était donc ma grand-mère maternelle qui était un Métamorphomage, comme maman et moi. Mon grand-père maternel était un humain normal, comme papa.
D'ailleurs, j'y pense... Dans son journal, maman écrivait qu'Amos Lilipucia (mon grand-père) avait un frère, Patrick Lilipucia (donc, mon grand-oncle), et que ce dernier avait lui-même un fils, Kent Lilipucia. Kent et maman étaient cousins germains par leurs pères. Et alors... Jaycen Lilipucia était mon cousin éloigné ! Au troisième degré, pour être plus précise, comme son grand-père Patrick était mon grand-oncle et son père Kent, mon cousin au deuxième degré. Pas étonnant que le nom de famille de ma mère et de Jaycen était le même ! Ce qui expliquerait nos yeux violets, par le même temps.
La confusion du départ était désormais résolue. Mais, à présent, je ne savais pas quelle attitude adopter. Je me voyais mal retrouver la trace de Jaycen et lui annoncer de but en blanc notre lien de parenté. C'était déjà un choc pour moi de découvrir davantage de choses sur la famille de ma mère (et expliquer enfin le lien entre moi et Jaycen), mais là, ça dépassait de loin l'entendement ! Le truc de fou !
D'ailleurs, comment réagira Livaï quand je lui apprendrai la nouvelle ? Jusqu'à aujourd'hui il pensait lui aussi que mes parents n'avaient plus aucune famille encore en vie, que la seule personne à contacter en cas de problème était Briséis, mon ancienne nourrice. Ça lui fera une sacrée surprise...
Mes blessures commençaient à bien cicatriser. Le commandant Pixis m'avait annoncé que je serai autorisée à partir aujourd'hui, et qu'un chef d'escouade du Bataillon d'exploration viendra me chercher. Il allait falloir me préparer avant le moment venu.

- Eh bien, la marmotte, tu nous quittes déjà, à ce qu'il paraît ?
Alors que je faisais mon lit et que je rassemblais le peu d'affaires en ma possession (ma cape, le sac d'économie, l'épée, le fouet et le passeport), quelqu'un était entré dans l'infirmerie. Je me retournai vers la personne concernée.
Darla Alexie, une jeune soldate de 22 ans pétillante et toujours de bonne humeur.
Nous avions fait connaissance après mon réveil, le 14 mars, lorsqu'elle m'avait apporté du réfectoire de la Garnison de quoi manger. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il s'avérait que nous nous étions super bien entendues. C'était également la seconde personne — après le commandant Pixis — à ne pas m'avoir jugé sur mes origines dans les bas-fonds. Moi qui craignais me faire repousser à cause de cela, ses paroles rassurantes m'avaient tout de suite rassurée. Darla m'avait raconté son enfance au District de Trost avec son frère aîné Bill et ses cinq autres sœurs (Bettsy, Sian, Priya, Yue et Wilhelmina), son entrée dans les Brigades d'entraînement puis dans la Garnison trois ans plus tard, et ses récentes fiançailles avec un enseignant vivant lui aussi à Trost, qui était originaire du village de Ragako.
Sans savoir comment, je me suis fait ma première amie à la surface, après la rencontre avec mon cousin Jaycen (qui ignorait sans doute notre lien de parenté), et celle - presque houleuse - avec le commandant Naile Dork des Brigades Spéciales et le chef d'escouade Erwin Smith du Bataillon d'exploration.
Très franchement, je me serais bien passée d'avoir croisé le chemin d'Erwin, et celui de Naile Dork le jour de mon arrivée à Trost. J'ai cru faire un arrêt cardiaque quand il m'avait interpellée et aidée à trouver la route, et les nœuds au ventre à la peur d'être découverte... Personne ne m'avait enseigné comment réagir face au commandant d'un corps d'armée (à part mentir et donner un faux nom pour s'en tirer... ou l'art de voler la nourriture sans se faire repérer). Il fallait dire que je n'avais pas été aidé.
Beaucoup de gens me jugeraient parce que j'avais vécu dans les bas-fonds au cours des dix-huit premières années de ma vie. Mais pas Darla - comme précisé plus tôt, elle ne m'avait pas jugée à ce sujet.
Je lâchai un sourire qui se voulait rassurant, pendant que je terminais de rassembler mes affaires.
- Oui, le commandant Pixis m'a appris qu'un chef d'escouade du Bataillon d'exploration viendrait me récupérer au Quartier Général de la Garnison aujourd'hui, annonçai-je. J'avoue que je ne suis pas très rassurée ; si c'est Erwin qui vient me récupérer, je ne donne pas cher de ma peau !
Darla éclata de rire et elle annonça :
- Tu veux parler de ce chef d'escouade du Bataillon qui cherche à tout prix la vérité sur les secrets de l'humanité ? J'ai toujours trouvé qu'il était un brin cinglé sur les bords. Il avait essayé de me convaincre de rejoindre les Explorateurs pour vaincre les Titans.
- Toi ?! Sérieusement ? m'exclamai-je, étonnée. Mais pourquoi as-tu rejoint la Garnison, dans ce cas-là ? Tu disais pourtant être une fan du Bataillon d'exploration depuis l'enfance.
- Certes, et je suis toujours aussi fan d'eux, malgré les années qui passent, répondit Darla avec le sourire. Mais je connais mes limites, je n'ai jamais été trop aventureuse ou casse-cou. C'est ce qui m'aurait certainement perdu, je pense. Et puis, je préfère être aux côtés de ma famille plutôt que de courser après les Titans lors des explorations Extra-Muros.
Là-dessus, je voulais bien la croire. Cela devait être soûlant d'être entouré par des obsédés de ces monstres humanoïdes de Titans 24H/24. Et c'était ce qui m'attendait dans quelques heures... Tu parles d'un stress !
Livaï devait certainement en avoir ras-le-bol de supporter les Explorateurs, depuis début mars. J'espère qu'il n'avait pas commis de bain de sang !
Face à mes doutes, Darla me prit par les épaules pour me rassurer.
- Ne t'inquiète pas, je suis certaine qu'être une soldate du Bataillon d'exploration t'ira à ravir, dit-elle. A ce que j'ai entendu par les collègues qui te poursuivaient l'autre jour, ils n'ont jamais vu quelqu'un courir aussi vite pour rejoindre son cheval et fuir Trost, après avoir mis à terre plusieurs voyous et un soldat ! Sans compter que tu sais très bien manier le fouet et le fer.
- Doucement, Darla, tu vas me mettre mal à l'aise ! Ce n'est déjà pas facile d'être la fille d'un tueur en série...
Quelques coups donnés sur la porte interrompirent net la conversation. C'était un soldat de la Garnison ; il annonça que le chef d'escouade du Bataillon d'exploration venait d'arriver dans le bureau du commandant Pixis.
Ça y est, le moment tant redouté était arrivé. Les crampes d'estomac redoublèrent davantage. Je pris mes rares affaires et je sortis de l'infirmerie pour suivre le soldat en question. Darla fermait la marche. C'est là où je commençais sérieusement à m'inquiéter ; mon cœur battait à tout rompre sous mon T-Shirt. Une chance qu'il ne raisonnait pas à travers les couloirs, et que personne n'entendait les battements de mon cœur, auquel cas les gens se demanderaient ce que c'était que ce boucan d'enfer qu'ils entendaient. Oh oui, une sacrée chance ! Je me questionnais d'ailleurs sur ce que papa devait bien songer de tout cela, depuis le ciel...
Papa aurait sans doute bien rigolé s'il avait appris les événements. Et il aurait été capable de dire : « Tu t'es fait prendre la main dans le sac, ma chérie ! Ce n'est pas ainsi que je t'ai éduquée. » Oui, il m'avait appris toutes ses techniques de combat, à passer inaperçue sans éveiller aucun soupçon de la part des gens m'entourant. Mon père se serait payé ma tête.
Bon sang, j'espérais sincèrement que ce n'était pas ce psychopathe d'Erwin qui venait me récupérer ! On ne pouvait jamais savoir ce qu'il avait derrière la tête ! Et vu son obstination, je doutais fort qu'il soit le genre de personne à lâcher l'affaire aussi facilement. Cela avait été confirmé lorsqu'il était venu nous récupérer dans les bas-fonds, début mars ; je lui en voulais énormément pour cela. Ne pouvait-il pas avoir ne serait-ce qu'un minimum de respect envers les autres ?
Rien que ce genre de comportement me rendait malade !
Alors que nous approchions, des voix provenant du bureau du commandant Pixis nous parvinrent, pas assez distinctes pour comprendre les propos mais pour savoir que les nouveaux venus étaient des hommes. Ayant la mémoire des voix, ça m'aidait à plus d'une reprise pour comprendre qui parlait. Je reconnus assez facilement celle du vieux Pixis. Une autre provenant d'un homme au début de la trentaine d'années m'était étonnement inconnue — signe que ce n'était pas Erwin qui venait me chercher, mais un autre chef d'escouade du Bataillon d'exploration. Et les trois autres voix, deux hommes et une femme, me firent l'effet d'un électrochoc. Ça devait être une blague...
Est-ce vraiment eux ? Mes amis accompagnent-ils le chef d'escouade pour confirmer mon identité ?
Mes doutes furent confirmés peu de temps après être tous les trois (Darla, son collègue et moi) dans le bureau, après que mon accompagnateur ait toqué à la porte et qu'une voix à l'intérieur ait dit « Entrez ! » Le spectacle qui s'offrit à nous laissa bouche bée : dans une tension assez tendue, un homme jeune et mince dans l'uniforme du Bataillon, aux cheveux blonds foncés mal coiffés avec un léger bouque et un air légèrement hautain, parlait avec le commandant de la Garnison, accompagné par trois silhouettes que je reconnus immédiatement. Mon visage s'éclaira et le sourire revint pour la première fois depuis plusieurs jours.
- Livaï !
Mon intervention fit sursauter les personnes présentes dans le bureau, cassant par le même temps l'ambiance déjà assez tendue et provoquant ainsi un silence à travers le bureau. Le principal intéressé se retourna à cette phrase et aux bruits de pas dans son dos... avant d'être à moitié renversé lorsque je sautais à son cou et me serrais contre lui.
Livaï mit un instant avant de réaliser complètement ce qui arrivait. Il enroula ses bras autour de moi et resserra davantage l'étreinte. Il n'avait pas besoin de mots pour révéler le fond de sa pensée ; ça se sentait que ma présence lui avait énormément manqué au cours de ces dernières semaines, plus qu'il ne voulait se l'avouer. Je supposais même que cela avait dû avoir un impact sur son humeur, et qu'il faisait des insomnies.
À présent, Livaï profita de ces instants perdus avec ce câlin qu'on ne pouvait imaginer chez lui. Furlan et Isabel — c'étaient bien les deux autres soldats présents —, bien qu'habitués, tiraient une de ces têtes et leurs yeux ressemblaient à des merlans frits. Le pire, c'était le chef d'escouade qui assistait à la scène avec choc.
- Bon. Je pense que vous avez la réponse à votre question, chef Tarlett, commenta Pixis qui, lui aussi, avait vu la scène. Erwin disait que ces deux-là étaient proches, au point de ne pouvoir se passer l'un de l'autre. Ce point est confirmé.
Le commandant de la Garnison se leva de derrière son bureau.
- Faragon, comme il a été promis dans l'accord entre le Bataillon d'exploration et la Garnison, cette jeune femme est à vous. Mais je vous prierai de cesser de juger un livre à sa couverture. Surtout que ces jeunes gens n'ont pas demandé à vivre dans les bas-fonds ! Et mademoiselle Laguerra ici présente est quelqu'un de droit et honnête, elle sait faire fi de son ascendance.
Je lâchai malgré moi un air surpris, puis un sourire reconnaissant, face aux paroles du commandant Pixis et à la tête que tira ce Faragon Tarlett. Jamais je n'aurais cru que le vieux avait du respect envers moi, malgré mes liens de parenté avec Le Docteur de la Boucherie et une Métamorphomage de l'Air. Mes amis me lancèrent un regard étonné mais je leur fis signe que je leur expliquerai plus tard la situation vécue quelques jours plus tôt.
A Livaï, plus près de moi, je me penchai dans sa direction pour lui chuchoter :
- Le commandant Pixis avait fait venir ici la Métamorphomage Originel et chef actuelle du clan, Erna Rosenberg, il y a quelques jours. Il était un ami d'enfance de la mère d'Erna. Il connaît donc l'existence de mon clan mais il n'en a rien dit à qui que ce soit.
- Ce vieux renard sait plus de choses qu'on peut croire au départ. C'est étonnant qu'il ait gardé le secret si longtemps, alors qu'il aurait pu divulguer plus d'une information à ce sujet. Tu es certaine, Anna, qu'on peut lui faire confiance ?
- Absolument. J'ai senti que Pixis était sincère dans ses propos. Il n'aurait jamais pris le risque de trahir le clan de son amie d'enfance. Et ça sautait aux yeux, lors de la visite de la Métamorphomage Originel. Je te raconterai plus tard la conversation que j'ai eue avec elle...
Pendant ce temps, Faragon Tarlett et le commandant Pixis eurent le temps de terminer la conversation. Après le salut militaire, le premier nous fit signe de le suivre. Je crus voir une sorte de désinvolture au fait qu'on lui ait confié la garde de brigands de la ville souterraine. Darla me fit un signe d'au revoir. Là aussi, il faudra que j'explique à Livaï et aux autres comment j'ai connu cette soldate de la Garnison, avec qui des liens d'amitié se sont créés...
Inutile de préciser que le chemin menant au Quartier Général du Bataillon d'exploration, situé lui aussi à Trost, se fit dans un silence des plus pesants. Je détestais les blancs lourds de sous-entendus, c'est d'une tristesse !
A notre arrivée là-bas, une soldate des Explorateurs aux lunettes carrées et aux cheveux en bataille (en plus de la queue de cheval) qui lui donnaient l'air d'une scientifique excentrique, nous fit de grands signes tandis qu'elle ne prêta pas attention aux paires de yeux se tournant vers elle avec étonnement. J'ouvris de grands yeux ronds en me demandant ce que c'était que cette folle dingue. A en croire la tête tirée par mes amis, ils avaient déjà dû la croiser de loin. La scientifique barge annonça à Faragon que le Major Shadis souhaitait me rencontrer en personne, en compagnie d'Erwin. Je sentais mon sang se glacer rien qu'à l'annonce.
C'est pas vrai... Ai-je donc le don de me foutre tête la première dans les ennuis sans l'avoir demandé ?
Suis-je donc maudite au point de les avoir là où je m'y attendais le moins ?

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Le chapitre 44 en ligne, mes petits chats 😊 Les retrouvailles entre Anna et Livaï seront épiques ! 🥰😍 Courte apparition de Hansi Zoé vers la fin — vous comprendrez rien qu'à la description. 🤣 Comment se déroulera la scène dans le bureau de Shadis, à votre avis ?
Concernant Darla Alexie, la jeune soldate de la Garnison, pour vous donner une idée sur son physique, voici un chibi que j'ai créé à son image (voir ci-dessous).

#Alixassëa l'Elfique

Darla Alexie, soldate de la Garnison

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Darla Alexie, soldate de la Garnison

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