Chapitre 17

1K 39 3
                                    

*11 février 841*

Sérieux, quoi, pourquoi fallait-il toujours que les pires missions qu'on nous confiait devaient nous tomber sur la couenne ? Et pourquoi devait-il toujours mettre un terme aux agissements des pires bandits qu'il soit en tuant leur chef, quand la dissolution du groupe ou même trouver un arrangement n'étaient plus possibles ? Personne n'ignorait que je m'étais positionnée sur des principes bien précis : ne jamais abattre quelqu'un. Même lorsque la situation risquait de s'aggraver, et que ça ne devenait pas bon pour les protagonistes, j'étais contre mettre un terme à la vie d'autres êtres humains, peu importe qu'ils soient des gens honnêtes ou des pourris qui profitent de leur position pour magouiller.
Furlan et Livaï me répétaient plusieurs fois que la loi du plus fort régnait dans les bas-fonds, et que nous devions nous battre pour survivre. J'en étais parfaitement consciente. Mais comment voulez-vous avoir l'esprit tranquille quand vous aviez commis un meurtre ? Ce genre d'évènement marquait à vie n'importe quelle personne.
Même les durs à cuire.

*
*  *

Depuis presque deux heures, nous étions en conflit avec un autre groupe de voyous. Ceux-ci avaient essayé de s'en prendre aux plus faibles en leur volant ce qu'ils possédaient (argent compris), sous le regard indifférent des passants, et j'avais vu rouge. Comment osaient-ils rendre la vie impossible à de pauvres innocents ? Avec des couteaux de cuisine comme armes ? Ça m'énervait que des gens se permettaient de commettre des boucheries uniquement pour leur propre survie, et pourtant ils vivaient la même merde que tout le monde dans les bas-fonds. Des humains qui tuaient d'autres humains... C'était écœurant. Pour un peu, j'aurais envie de leur péter la tronche — mais la violence ne faisait pas partie de mon caractère. Et j'étais contre. La vie humaine méritait d'être vécue et était donc très précieuse. Mais, comme n'importe quelle chose précieuse, elle ne tenait qu'à un fil, et il suffisait de faire un choix pour que tout bascule et que l'on se fasse tuer. Et ça, c'était la hantise des personnes sensées.
Pour revenir à nos moutons, deux heures s'étaient écoulées depuis le début de la bagarre, et elle semblait ne pas connaître de fin. Furlan et moi essayions de défendre comme nous le pouvions ces pauvres innocents, et Livaï... Livaï, lui, se battait comme un beau diable et tuait un bon paquet de ces enfoirés qui nous encerclaient depuis tout à l'heure. C'est comme s'il était possédé en cet instant.

Les derniers gars encore debout prirent leurs jambes à leur cou en boitillant et en se soutenant, laissant la moitié des leurs derrière eux

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Les derniers gars encore debout prirent leurs jambes à leur cou en boitillant et en se soutenant, laissant la moitié des leurs derrière eux. Ils avaient trop peur de Livaï pour perdre la vie. Mais quelle bande de lâches !
Livaï, en revanche, ne s'arrêta pas pour autant. Il continuait à régler le compte à certains des bandits qui se trouvaient allongés sur le sol, blessés. La rage se lisait dans ses yeux, ce qui signifiait qu'il était encore plus remonté que moi vis-à-vis des innocents pris pour cible par les bandits. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Pas même les supplications de Furlan qui lui ordonnait d'arrêter. Je me précipitai alors vers Livaï et pris son visage à deux mains pour l'obliger à me regarder.
- Arrête, Livaï ! Arrête ! Ces cons n'en valent pas la peine. Tu risques de les tuer, si tu continues !
Il fallut nous mettre à deux pour parlementer, et aussi raisonner Livaï, vu qu'il pouvait s'emporter très rapidement. Furlan et moi mettions du temps avant de le calmer. Les rares bandits encore debout avaient fui depuis longtemps ; il ne restait désormais plus que leurs compagnons salement amochés, et ne pouvant plus faire le moindre mouvement, si ce n'était que lâcher un long râle de douleur. On aurait dit qu'une tempête tropicale venait de passer dans la rue.
Les victimes visées avaient elles aussi disparu, mais pour de bonnes raisons cette fois. J'avais eu le temps d'apercevoir Ruben du coin de l'œil qui, profitant de notre intervention, venait les chercher pour les mettre à l'abri. Tant mieux. Nous pouvions compter sur lui pour nous donner un petit coup de pouce en cas de besoin.
Essoufflé mais encore tendu, Livaï avait fini par retrouver son sang-froid. Tous ses muscles étaient en alerte. Mais, à force de paroles à voix basse, je réussis à le détendre.
Furlan en profita pour le sermonner.
- Putain, Livaï ! On avait dit de donner quelques coups à ces brigands, pas de les tabasser à mort ! s'écria-t-il. Tu voulais que leurs copains se ramènent pour nous rendre la monnaie de leur pièce ?
Furlan était énervé, ça se voyait. D'habitude il se montrait comme étant l'antipode de Livaï, niveau caractère : sympathique, compréhensif et compatissant. La joie de vivre, quoi. Pour qu'il soit en colère, il en fallait...
Livaï lâcha un grognement de mécontentement.
- Ça va, lâche-moi un peu. T'as pas vu comment ces fumiers se comportaient avec ces bougres ? Ils ne faisaient rien de mal, rien qui auraient pu mettre en colère qui que ce soit, et ce sont eux qui se font malmener. La loi du plus fort règne 24h/24h, ici, tu as oublié ?
- Évidemment que je ne n'ai pas oublié ! Mais ce n'est pas une raison pour régler leur compte de cette manière, ça ne ferait qu'empirer la situation. Il existe d'autres façons de régler le problème, tu sais.
- Là-dessus, je suis d'accord avec Furlan, confirmai-je.
- Tsss. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, râla Livaï en levant les yeux au ciel. Vous devriez monter un groupe de pacifistes.
Décidément, aucun sens de l'humour, le pauvre Livaï. Toujours un langage très fleuri, comme à l'accoutumée. Mais j'étais contente intérieurement que Furlan soit sur la même longueur d'ondes, qu'il ait la tête sur les épaules pour réfléchir avant d'agir. Si nous étions deux à penser à peu près de la même manière, ça me rassurait. Un truc rassurant.
Livaï avait toujours été le genre à foncer tête la première dans la bagarre, mais ça ne voulait pas dire pour autant qu'il ne réfléchissait pas. Il préparait ses propres plans, mais à sa façon. Ce qui nous désespérait vraiment beaucoup, avec Furlan, parce que notre ami avait toujours fonctionné comme ça. Nous ne l'ignorions guère et nous ne pouvions rien pour y remédier. Surtout que Livaï semblait ressentir du mépris pour l'autorité, et un vif ressentiment pour les Brigades Spéciales, dû à leur incompétence et à leurs tentatives de souiller l'honneur du bataillon d'exploration à tout prix ! Je ne comprenais pas cet intérêt pour les ailes de la liberté, sans doute parce que les soldats de ce corps d'armée se battait quotidiennement pour découvrir la vérité sur les Titans. Mais ça ne voulait pas dire pour autant que Livaï souhaite entrer chez les Explorateurs — il était trop attaché à sa liberté pour s'enrôler et jouer aux "petits soldats".
Livaï s'apprêtait à ajouter autre chose, lorsque Ruben fit son apparition. Il nous apprit que les cibles des bandits étaient tous à l'abri dans sa planque. Deux jeunes enfants faisaient partie du petit groupe ; leur mère avait été retrouvée morte à quelques mètres de là, tuée de sang-froid par les barbares qui s'en étaient pris à eux.
- C'est immonde ! m'exclamai-je, écœurée. Comment peut-on faire ça à une mère de famille, et ensuite continuer le cours de sa vie comme si rien ne s'était passé ? En laissant des enfants orphelins de mère ? Ils n'ont vraiment aucune compassion pour la vie des autres !
- Malheureusement, c'est chose courante dans les bas-fonds, déclara Ruben, ce dont je savais déjà. Comme tu viens de le dire, Anna, les bandits n'en ont rien à faire de s'en prendre à des vies innocentes qui se trouvent sur leur chemin, du moment qu'ils pensent à leur propre peau. On ne peut pas y faire grand-chose...
- Ouais, et résultat des courses, ce sont ces mêmes vies innocentes qui se tuent à la tâche chaque jour, pour pouvoir survivre ! Et ces fumiers qui mettent un terme à leur existence, en ne pensant qu'à eux-mêmes ! gronda Livaï. Tout ça à cause de ces enfoirés de politiciens de la Capitale Royale qui ne font rien pour nous venir en aide. De vraies pourritures !
Livaï ne démordait pas de ce sujet. Pour lui, la classe riche vivant dans la cité royale et parmi les quatre Districts du Mur Sina avaient leur part de responsabilité dans la vie miséreuse des gens qui habitaient dans la ville souterraine. Je pouvais comprendre son ressenti : qui aurait envie de se battre pour sa propre survie 24h/24, et 7j/7, dans le sang et la malnutrition ? Peu importe nos divergences, nous n'avions jamais demandé à vivre là-bas. C'était devenu notre quotidien.
A ma question, Ruben nous apprit que les deux orphelins, âgé de 7 et 5 ans, se nommaient Corleone et Athéna. Je fermai les yeux, le cœur gros. Ces gamins étaient si jeunes... Aucun enfant ne devait vivre ce genre de situation, quel que soit leur âge. Ayant perdu ma mère peu e temps après ma naissance, puis mon père à 8 ans, je comprenais leur ressenti.

 Ayant perdu ma mère peu e temps après ma naissance, puis mon père à 8 ans, je comprenais leur ressenti

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Et à ma grande surprise, Livaï ressentit aussi de la peine pour le sort de ces enfants. Il demanda à Ruben quel sort leur sera destiné.
- Je me chargerai de leur protection, ainsi que celle des personnes sauvées tout à l'heure, fit savoir notre ami. Ces pauvres gens ont tout perdu. Tout ce dont ils ont besoin, c'est d'un toit où dormir, et de quoi manger. Il faut bien les aider.
- Tu fais bien de les accueillir, dit Furlan. Ils pourront se reposer sans s'inquiéter des brigands qui pourraient à tout moment s'en prendre à eux.
Je souris intérieurement. Furlan avait raison. L'angoisse de se faire tuer les inquiétait énormément. Ces gens avaient besoin qu'on leur offre de l'aide, de la nourriture, et de bons lits bien chauds. Ils le méritaient tous.
C'est inquiétant comme la mort, un sort aussi triste que n'importe quel autre sort, n'était jamais loin. Ça planait au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès. Ce genre de pensée me fichait les jetons ; je craignais qu'il arrive ce genre de situation à Furlan ou à Livaï. J'avais peur de les perdre tous les deux, c'étaient mes meilleurs amis. Je ne savais pas ce que je ferai, s'ils mourraient !

__________________________________________________________________________

Désolée pour le retard ! Nouveau chapitre en ligne, plus court que les autres 😘

#Alixassëa l'Elfique

« 𝓐 𝓵𝓲𝒇𝒆 𝔀𝓲𝓽𝓱𝓸𝓾𝓽 𝓻𝒆𝓰𝓻𝒆𝓽𝓼 [SNK ~ Livaï x OC] »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant