Chapitre 24

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*17 décembre 843*

L'entretien avec Nicholas Rovoff restait encore dans les esprits, même plusieurs semaines après. J'avais retourné et encore retourné ses paroles dans mon esprit : « Si vous réussissez la mission, je ferai le nécessaire pour que vous viviez légalement à la Cité Royale. » Tu parles d'une blague ! Pour ce dernier point, je refusais de vivre là où ces pourritures de nobles se la coulaient douce, tranquilles, pépères, pendant que le petit peuple travaillait d'arrache-pied pour gagner leur vie et celle de leur famille. Et c'était non-négociable ! Je ne voulais pas de cette vie.
Heureusement, Furlan et les autres comprenaient et partageaient mon point de vue ; ça ne les tentait pas non plus de mener une vie relax à Mithras. Nous étions quatre à au moins penser à peu près la même chose, et ça me rassurait.
Je n'avais aucune confiance en cette ordure de Rovoff, et ce n'était pas demain la veille que cela arriverait ! Je sentais un truc pas net — un truc louche qui semblait prêt à nous tomber dessus d'un instant à l'autre.
Quand l'instinct de Métamorphomage se mettait en branle, vous pouvez être certains que ce n'était jamais bon signe...

*
*   *

Depuis tôt ce matin, Livaï et moi inspections les environs. On s'assurait qu'aucun des sous-fifres de Rovoff ne nous surveille ou ne nous prépare un coup fourré. Isabel avait pris une autre route et Furlan, un troisième chemin. C'était beaucoup plus sûr. Livaï avait jugé cela préférable, histoire de ne pas se faire choper tous en même temps. Question de logique.
Le silence s'était installé depuis longtemps lorsque nous nous arrêtons dans une ruelle. Une petite pause s'imposait. Après vérification que personne ne nous suivait ou squattait la ruelle, nous nous y engouffrâmes. L'obscurité nous prit de plein fouet.
- On va s'arrêter ici quelques instants, le temps de nous remettre de notre marche, annonça Livaï. Et après, on repartira. Je ne tiens pas à traîner ici très longtemps.
Je réprimai un rire. Livaï avait horreur de la saleté, en plus des brigands qui pouvaient nous tomber dessus à tout moment, et c'était pour ça qu'il en parlait (à sa manière, comme d'habitude).
Je m'assis sur un tonneau. Mes pensées se dirigèrent vers Ruben, et les deux enfants que nous avions sauvés de la mort deux ans et demi plus tôt, en février 841 : Corleone et Athéna. Ils avaient maintenant 9 et 7 ans, presque 10 et 8. Je leur avais rendu visite toutes les semaines, depuis leur sauvetage.
Jusqu'à notre entretien avec Rovoff : je lui avais arraché la promesse (avec l'aide de Furlan) de préparer légalement des passeports pour trois personnes des bas-fonds qui m'étaient chères, et que ce soit moi qui les emmènerais à l'endroit que je voulais qu'ils se retrouvent en sécurité. Sans être suivie par ses gardes du corps ou un quelconque assassin travaillant pour lui. C'était la condition. En cas de non-respect, Rovoff en payerait le prix fort !
Les concernés étaient Ruben et les enfants. J'avais pensé à eux au moment où je m'étais battue bec et ongles pour faire arracher cette promesse à Rovoff. S'ils rejoignaient la surface avec des passeports, ils pourraient mener une vie plus paisible que dans la ville souterraine ; ce sera beaucoup plus sein pour eux. Surtout Corleone et Athéna.
Les passeports en main, je les avais donc fait remonter à la surface. Ça remontait à un bon mois maintenant. Le soleil nous avait éblouis et les enfants étaient émerveillés de ce spectacle ; même Ruben en était resté époustouflé. Les gars de Rovoff nous attendaient en haut, mais ils nous avaient laissés passer après avoir répété les consignes de l'accord. Tout était en ordre. Quelques rues plus loin où je les avais entraînés, j'avais expliqué à Ruben et aux enfants où habitait désormais Briséis, mon ancienne nourrice, qui vivait depuis son retour à la surface au District de Karanes, à l'Est du Mur Rose. J'avais noté l'adresse sur un autre bout de papier que celui que Briséis m'avait donné, quelques années auparavant. Une calèche pour le District de Karanes passait par là, et j'ai annoncé au cocher — un gars très sympa — d'emmener mes amis à l'adresse indiquée. Ce qu'il avait accepté. La mission était accomplie.
Un mois s'était écoulé depuis ce jour, et Ruben, Athéna et Corleone me manquaient terriblement. Je savais que Ruben ferait un bon père de substitution pour les enfants ; il saura s'occuper d'eux comme s'ils étaient les siens.
Livaï et moi ne parlions pas depuis cinq minutes déjà lorsque je pensais à quelque chose. J'avais déjà parlé un peu de ma famille à mes amis, mais jamais Livaï n'avait touché un seul mot sur sa mère. Ce sujet de conversation... c'était comme si Livaï le considérait comme tabou. Je me doutais bien que cela avait dû être terrible pour lui de perdre sa mère très jeune, il n'empêche qu'il pourrait quand même en parler, non ? Je finis par lui en toucher deux mots, et c'est comme si Livaï s'était figé à ma question. Il hésita, avant de lâcher :
- Je ne vois pas ce que je pourrais dire là-dessus, le passé reste le passé.
- Je ne te demande pas de me raconter en détails le peu de temps que tu as vécu avec elle, mais comment elle s'appelait, banane ! corrigeai-je en levant les yeux au ciel. Ta mère, je ne sais presque rien d'elle — voire quasiment rien. Tu connais le nom de mes parents, par qui j'ai appris à me défendre, et quelle a été ma vie dans les bas-fonds avant de te rencontrer, mais en ce qui concerne ton vécu, je ne sais rien !
- C'est peut-être parce qu'il n'y a pas grand-chose à raconter.
Je secouai la tête avec exaspération. Lui, alors, quand il s'agit de garder ce qu'il ressentait réellement au plus profond de lui-même, il ne faisait pas les choses à moitié ! Livaï était très fort pour garder le silence au sujet de sa vie, avant que nos chemins ne se croisent. Pas moyen de lui faire cracher le morceau aussi facilement.
Le silence se réinstalla aussi vite qu'il avait été interrompu. L'heure du départ approchait. Je me levai pour commencer à me préparer, quand Livaï déclara dans mon dos :
- Ma mère s'appelait Kuchel Ackerman. C'était une prostituée de la vie souterraine, et elle m'a mise au monde après être tombée enceinte d'un de ses clients. Elle s'est débrouillée du mieux qu'elle pouvait pour me nourrir.
Il s'interrompit un instant, avant d'ajouter :
- La suite, tu la connais, elle est morte des suites d'une maladie, Kenny m'a recueilli et appris comment me défendre dans la vie souterraine, avant de m'abandonner.
Je m'étais retournée pour regarder Livaï droit dans les yeux, pendant qu'il divulguait ce qu'il ne m'avait rien dit jusqu'à maintenant. Le son de sa voix faisait bien comprendre qu'il n'aimait pas beaucoup parler de ce sujet. Ça devait être terrible, d'assister impuissant à l'affaiblissement de sa mère chaque jour, et que le nom de la maladie se révélait être inconnue ! Aucun enfant ne devait vivre ce genre de situation — pas même à un très jeune âge.

 Ça devait être terrible, d'assister impuissant à l'affaiblissement de sa mère chaque jour, et que le nom de la maladie se révélait être inconnue ! Aucun enfant ne devait vivre ce genre de situation — pas même à un très jeune âge

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D'un coup, je me sentais bête d'avoir posé la question.
Et ce silence, là, qui revenait à chaque fois que la conversation se terminait et qu'on ne trouvait rien à ajouter pour la continuer... C'était d'un saoulant, vous n'imaginez même pas ! Il y eut un échange de regards entre Livaï et moi, avant que je ne me décide à bouger. Je me dirigeai vers lui et le pris dans mes bras. Les remords me prenaient de plein fouet ; je craignais que Livaï ne m'en veuille pour ma question indiscrète, et ne me remette à ma place avec des mots crus dont lui seul avait le secret. Mais il ne le fit pas, se contentant de poser une main sur le dessus de mon crâne.
Kuchel Ackerman... Kuchel Ackerman... Le nom de la mère de Livaï se répétait en boucle dans mon esprit. Ça me faisait bizarre de le prononcer, sans doute parce que c'était la première fois que j'en entendais parler. Je me surpris à me demander pourquoi personne n'en parlait dans les bas-fonds.
- Rien d'étonnant, ma mère était connue sous le nom d'Olympia, « là » où elle travaillait, précisa Livaï. L'un de ses clients est mon géniteur, mais elle n'a jamais révélé son nom lors de ses derniers instants.
- Et tu ne regrettes pas de ne pas le savoir ? demandai-je.
- Absolument pas. Il ne doit même pas savoir que j'existe, de toute façon.

Ça m'attristait que Livaï ne connaisse pas le nom de l'homme qui avait mis sa mère enceinte, mais ça n'avait pas l'air de l'affecter outre-mesure. Si ça se trouve, c'était un enfoiré qui commettait les pires atrocités dans la capitale avec des pots-de-vins et autres conneries de ce genre, et la mère de Livaï ne voulait pas qu'il sache la vérité sur son « géniteur ». Je pouvais comprendre ce geste : elle tenait à protéger son fils. L'image même d'une mère aimante.
- On ferait mieux d'y aller, annonça Livaï en changeant de sujet. Furlan et Isabel doivent se demander où est-ce que nous sommes fourrés. Et puis, on va éviter de croiser les terreurs de la ville souterraine...
- Tu as raison.
Et on fila aussi discrètement qu'à notre arrivée. Durant le trajet en équipement tridimensionnel, des questions au sujet de Kenny et de la mère de Livaï se bousculèrent dans mon esprit. Ils avaient certainement dû se rencontrer des années avant que cette dernière n'aille vivre dans la ville souterraine, pour fuir les persécutions visant les Ackerman et les clans des Métamorphomages et des Asiatiques, vu que Kenny avait sorti à Livaï qu'il était une vieille connaissance de sa mère. Mais où ? Quel était le lien qui unissait entre ces deux-là ? Kenny était-il plus qu'une « vieille connaissance » de Kuchel Ackerman ?
Peut-être étaient-ils frère et sœur ? Mais Kenny n'ayant pas donné son nom de famille, Livaï lui-même ne connaissait pas le véritable lien entre lui et sa mère. Le problème semblait plus compliqué qu'il n'y paraissait.

_________________________________________________________________________Après une longue absence (et je m'en excuse), voici le chapitre 24 en ligne, mes petits chats 😘 La mère de Livaï y est nommée pour la première fois

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Après une longue absence (et je m'en excuse), voici le chapitre 24 en ligne, mes petits chats 😘 La mère de Livaï y est nommée pour la première fois.

#Alixassëa l'Elfique

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