6. Voyage en terrain connu

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Je suis seule dans ma chambre, au milieu de la pièce, les bras ballants. Je ne sais pas par où commencer, j'ai toute ma vie ici : des Polaroïds épinglés aux murs de mes amis et moi, mes livres empilés à la va vite sur une étagères, mes vêtements rangés par couleur dans ma penderie, mon bureau avec mes affaires de cours... Mon lit avec ma peluche de chien caché sous mon oreiller, si mes parents le savaient, il la jetterai au feu!

Je n'attends pas de perdre la faible motivation que j'ai pour rassembler mes affaires. Je mets dans un grand carton tous mes bouquins, quand je les ranges je revois des livres que je n'ai pas lus depuis des lustres, ça passe d'une journal d'une princesse, à les fables de la Fontaine, de Vipères au poing a Divergente. Sur le dessus du carton, je met toute l'anthologie de Jane Austeen, mes livres préférés.
Je porte facilement mes premiers cartons, remplies de livres, dans l'entrée. Par la porte-fenêtre, je vois papa au volant d'une camionnette, j'avais raison c'est pour aujourd'hui le déménagement...

En traînant les pieds, je reprends mon chemin. La mort dans l'âme je  finis tous mes cartons.
Oh la la, le nombre d'habits que je ne mets, plus! C'est impressionnant. Le peu qui me convient rentre aisément dans un petit sac de sport. J'ajoute ensuite des petites affaires pour ne pas avoir à fouiller dans les cartons les premiers jours, en gros, les affaires de toilettes, le livre que je lis actuellement et quelques sous-vêtements, si d'un côté je n'ai plus trop d'habits après le tri que je viens de faire, j'ai énormément de lingeries. La dernière chose qui reste dans ma chambre vide c'est ma petite peluche.
Je la serre dans mes bras, encore un peu, puis la fourré au fond du sac.

Quand je descends dans la salon, j'arrive la dernière, même Iris est prête, en même temps elle a toujours était comme ça, il lui faut du temps pour accepter mais une fois sûre et décidée, elle fonce tête baissée. Mon sac sur le dos, je fais tache mais m'en fous, je préfère le garder sur moi.

Papa a déjà chargé la camionnette, et y'a plus qu'à. Dans l'habitacle de la voiture je me sens oppressée, il y a de la place pour tout le monde, mais c'est juste que j'ai pas l'habitude.
Personne ne parle, aucun de nous ne pose la moindre question, même pas les jumeaux ou moi pour savoir combien de temps de route nous sépare de notre destination finale. Pour ma part je suis dans un état d'esprit résignée. Je tergiverse encore entre envoyé un message à mes amis pour le dire que je ne les rêverais plus ou couper les ponts sans préavis.

Le paysage défile sous les yeux à travers la fenêtre, la route que nous empruntons sillonne en travers de la forêt, la végétation luxuriante suinte d'humidité, je sens dans l'air l'odeur de la mousse fraiche, les différentes essences d'arbres, même les effluves de quelques prédateurs. Une nostalgie monumentale m'envahit et avec elle le chagrin.
De grosses larmes silencieuses roulent sur mes joues, tous le monde dans la voiture s'en rend compte, Iris prend ma main sur ses genoux, Aaron me frotte l'épaule, papa conduit et me jette un faible regard et maman murmure:

« - je suis désolée mon bouton de fleur. »

Malgré la douleur présente dans mon cœur, je ne peux pas les laisser s'en vouloir. Oui je suis triste de quitter tout ce que j'ai toujours connu, oui je suis déçue à l'idée de ne plus revoir mes amis, oui j'ai peur de ce que sera notre vie là-bas, mais je ne peux pas rejeter tout mes ressentiments sur papa et maman.

J'essuie rageusement les larmes traîtresses qui continuer de se déverser sur mon visage et décide de tourner la page une bonne fois pour toute : un dernier message pour mes anciens - dorénavant, amis et en route pour cette nouvelle page de ma vie.

//Violette: à « team cheering », « classe topitude »
Holà, les filles et les garçons, grande nouvelle à vous annoncer. A la rentrée prochaine je ne serais plus dans la région, je déménage pour découvrir un peu plus de choses sur ma famille. Je change donc de lycée. Je vous souhaite une bonne continuation. Ne cherchez pas à me joindre, c'est préférable qu'on en reste là. \\

Je préfère rester neutre, ne pas trop m'épancher dans ce message, la seule personne avec qui je souhaite garder le contact c'est Alaska.

//Violette: à « Groenland »
Je pense que tu verras ces deux messages que demain matin, il est encore tôt, même pour toi. Oui je déménage vraiment, à l'autre bout du pays. Tu es ma meilleure amie, j'espère que tu ne m'en veux pas. Je continuerais à penser à toi, écris moi si toi aussi. Bisous esquimaux.\\
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C'est seulement quand le soleil se lève que la camionnette de papa ralentie, on a traversé forêt, ville, campagne et nous revoilà en zone boisée, un sentiment de réconfort m'envahit à la vue de ces espaces familiers. On s'arrête enfin devant une bâtisse imposante à la lisière de la forêt.

C'est papa qui descend en premier, et rien qu'à la tête qu'il fait, je sens que quelque chose cloche. Il regarde maman en fronçant les sourcils. Maman le rejoint et confirme mes craintes en adoptant le même visage.

Les jumeaux et moi, finissons par les rejoindre. En posant les pieds par terre, j'apprécie la sensation d'être debout sur mes deux jambes, le voyage en voiture, assis pendant des heures n'est un bonheur pour personne. Les petits gravier sur le sol crissent au moindre de mes pas. Plus j'avance, plus l'air qui m'entoure s'agite.

Je comprends mieux leur réaction. L'atmosphère est lourde, remplie d'une effluve particulière, celle des loups.

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