L'envers poétique de la vie/ The Other Side of Life's Medal

La troisième lettre

***ATTENTION CE POÈME CONTIENT DES MOTS VULGAIRES***
ex : Fuc**** cali*** fou** c'est tout

J'ai beaucoup hésité
à t'appeler
à être capable de te parler.
C'était pas important
je pensais à rien
ma tête était vide
pour une fois....

J'avais un peu besoin de toi
j'avais juste besoin d'entendre ta voix
pour me rassurer un peu
pour me dire que tu étais à mes côtés
pour me dire que tu m'aiderais
pour me dire que tu serais là
et que tu pensais que j'étais importante à tes yeux
Mon doigt a longtemps plané
au-dessus du petit bouton en forme de téléphone
mais j'ai comme gelé.
Puis j'ai hésité encore
car il était près de minuit et quart
un soir de 23 décembre, d'approche de fin d'année.
Mon doigt a attendu 10 minutes
J'attendais une sorte de miracle de Noël en quelque sorte.

Même si je savais que ça n'arriverais jamais
tu dormais
tu étais fatiguée
et je te comprends
on est tous et toutes
fatigués
écœurés
tannés
on en a tous ras-le-bol
et on est incapables de supporter le poids
de plusieurs problèmes qui ne sont pas les siens
surtout quand un amas de personnes te vomit dessus
ses foutus problèmes
tous ses foutus problèmes
parce que les gens veulent une oreille présente pour les écouter
puis toi t'étais là parce que tu savais
que la personne avait besoin d'aide
faque tu l'aide
Parce que t'es une bonne personne.
Parce que t'es trop gentille et tu sens que quelque chose tourne pas rond.
Parce que ça se sent ce genre de choses là.
Pis tu peux le sentir assez bien quand quelqu'un a mal.
Ou que la personne va mal.

Mais habituellement quand j'essaie de savoir ce qui ne va pas
Eh bien, la personne commence
à parler
à jaser
à placoter
à bavarder
à converser
à jacasser
à papoter
à monologuer
à conférer
à causer
à blablater
et patati
et patata
de toute sa crisse de vie
de tous ses foutus problèmes depuis le jour qu'elle est née
tous ses foutus problèmes
tout, absolument tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout
tout.
Fucking tout.
puis toi qui écoute t'absorbe tout comme une éponge
mais quand les secrets deviennent plus lourds
ton travail devient plus difficile
beaucoup plus difficile
puis ça je le sais
parce que j'en ai entendu des choses.

Mais toi
t'as juste une personne à écouter
t'attends
t'es sur le bord d'attaquer le téléphone
t'es prête à lui sauter dessus
dès qu'il sonne un seul coup
alors dors pour tout oublier pendant un moment
les problèmes
les soucis
les tracas
l'école aussi
moi je vais bien
alors je vais te laisser dormir un peu
Fais taire tes inquiétudes.

Je sais que le monde est dur
quelle est la différence entre moi et un autre
on est fait des mêmes foutus atomes
y a rien qui s'appelle par mon nom dans la nature
tu retrouves pas ça dans la nature à l'état pur un « Sacha » ou une « Noémie », par exemple
tu retrouves pas ça normalement
c'est juste une étiquette qu'on a collée sur un tout
genre un boutte humain qu'on a appelé d'une manière ou d'une autre
alors c'est quoi la différence
entre toi pis moi
entre moi pis l'homme à la rue
qu'est-ce qui fait que le boutte que je suis est différent des millards d'autres
pourquoi est-ce que mon boutte est important
on est beaucoup
sur ce globe tournant
alors qu'est-ce qui me dit que l'ensemble de molécules que je suis
ne sera pas oublié
chassé
disparu
effacé des esprits
car on disparaît tous un jour ou l'autre
je suis désolée de te le rappeler
car je sais que cette idée te fait paniquer.
Mais je ne veux pas qu'on m'oublie.

Mais pour revenir au sujet principal
je ne t'ai pas appelée
car je savais que tu allais paniquer
tu allais te poser des questions
me poser des questions
puis moi le stress
ça me stresse encore plus
pis j'fais des choses stupides
donc ça me tentais pas
crisse qu'est-ce que je dis
je suis en train d'inventer des choses
je voulais juste pas te déranger
pour rien
parce que je sais que tu as vraiment besoin de dormir
puis de sortir
de te sortir de tout ça
de te calmer
de te sortir tout ça de la tête
puis je voulais pas te stresser
pour rien
alors que tout va bien.

Mais tu sais ce qui est arrivé
j'ai arrêter de me questionner
j'ai appelé
j'ai pesé sur le foutu bouton vert en forme de téléphone
j'ai pas laissé sonner très longtemps
j'avais peur de te déranger
faque j'ai laissé sonner
une seconde et quart à peine
juste assez pour faire sonner ton téléphone une demie-fois
même pas
après j'ai raccroché.

Je t'ai même pas donné la chance de me parler
j'étais pas capable de te déranger
je ne voulais pas entendre ta voix
je ne voulais pas que t'ailles peur
je ne voulais pas que tu me dises que tu m'aiderais
que j'étais importante à tes yeux et tout ça
donc j'ai laissé tout ça crever dans ma tête
puis je me suis couchée
j'ai décidé de rien faire
j'allais rien faire non plus
à part t'écrire ceci
parce que je jugeais cela important
donc j'ai écrit jusqu'à une heure et demie
mille cent sept mots
un record
surtout pour cette espèce de chose qu'est
ce demi poème
cette demie lettre
avec ce petit bout de bibliographie
mais même avec ces mille quelques mots
même là
je ne crois pas que c'est assez
pour t'expliquer le pourquoi je ne t'ai pas appelée
et que je n'ai pas laissé sonner
alors j'espère que ceci va t'aider
à voir un peu plus clair
et à comprendre un peu mieux
la série de questionnements qui se déroulent dans mon esprit
et qui font en sorte qu'à la fin
j'hésite à t'appeler
mais je veux t'appeller parce que
parfois je me sens seule
parfois je veux juste pleurer
parfois je veux juste entendre ta voix
parfois j'ai peur
parfois ma famille m'étouffe
parfois les examens m'étouffent
parfois j'ai froid
parfois j'ai mal
parfois j'entends
mais je t'appellerai
promis juré craché
quand tout ça
sera réuni ensemble en même temps
dans un gros galimatias de paroles superposées
formant un chaos total dans ma tête
C'est simplement toutes mes pensées disparses
et tout le stress accumulé
réunis là dedans.

Mais minuit et quart
ce n'est pas une bonne heure pour appeler les gens
pas vrai?

-M.B