Moi, j'ai habité à Montréal pendant plus de vingt ans de ma sainte vie. Avant j'habitais dans l'fin fond du bois, qu'on appelle aussi l'Saguenay-Lac-Saint-Jean pour ceux qui veulent être ben « fancy » pis toute. Y en a qui viennent me dire que je r'semble po aux gens d'là bas, maks quessé j'en sais, moi? J'ai pas resté là ben longtemps. Dès qu'mon père pis ma mère ont remarqué que les anglais avaient commencé à s'intaller pour « worker » pis pogner nos jobs pis construire leurs mautadines d'Églises cheep, pis que trois quarts des gens étaient cousins, y ont sacré leur camp d'là ben vite. Moi, j'étais juste assez vieux pour me souvenir que j'étais ben ami avec un ti gars d'mon âge. Pis c'est toute. J'me rappelle de pu rien d'autre à part ça. J'ai grandi avec pas d'frère mais quatres soeurs, c'qui était assez rare de nos jours. J'ai toujours habité avec mes parents, pis j'chus pas mal sûr que en ce moment, j'vis encore chez eux, si sont pas morts. Quand mes parents eurent l'âge de parler seulement en si et à l'imparfait, ils m'ont assis devant eux, puis ils m'ont dit qu'ils allaient finalement m'dire comment y s'étaient rencontrés. Je pense qu'y croyaient que je m'en allais finalement d'la maison familiale, mais puisque j'travaille encore au maudine de magasin général géré par ce vieux trou d'cul d'Gérard, j'ai pas les fond nécessaires pour déménager d'chez mes parents. Surtout que Gérard, en plus de mal payer, y nous fait travailler comme des fous, même dans l'temps des fêtes, sinon y s'fâche pis y pète une méchante de bonne crise, pis y t'rouspète après pendant qu'y t'postillonne à la face. C'est quand même moins pire que d'travailler din mines commes Bertrant, mais calisse que c'est dégeulasse pareil. J'pas mal sûr que c'est pour ça qu'y a autant d'employés qui sont malades ou qu'sa «business » semble pas trop marcher. On s'demande pourquoi hein, Gérard?
Mais là j'm'égare un peu. Moi, j'avais demandé plus de cent fois à mes parents qu'ils me racontent leur histoire, mais jamais au grand jamais ils n'avaient ouvert la bouche pour me raconter cette hisoire. Mes soeurs, elles, le savaient toutes, mais moé j'savais rien. J'leur ai promis ben des bonbons à cinq cennes pis y m'ont jamais dit grand chose à part quelques lignes.
-Ben là, bonyenne, c'pas l'histoire du siècle va tu m'dire. C'est même pas assez bien pour que quelqu'un l'écrive, c't'affaire là, disait Alice, la plus vieille d'la famille.
-Ben oui, ajoutait toujours Laura.
-Crime, c'est pas si important que ça, tu vas ben voir quand y voudront t'raconter ça, faut jus't'attende un ti peu encore, promettait Adéline, la plus jeune des quatres.
Là c'était mon tour de savoir. Moi qui voulais tant savoir pendant plus de vingt ans!
-Bon t'tu prêt mon ti'pit?
Caline que j't'ais prêt. Jamais plus prêt de ma sainte vie. Ma mère s'est levée, en prétextant un mal de tête, puis est partie faire la vaisselle en chialant comme la vieille qu'était que c'était toute la faute à mon père. Mon père y était même pas surpris, y a juste continué comme si ma mère aurait jamais existé pis qu's'était rien qu'un fantôme.
-Dans l'temps où on habitait dans l'fin fond du bois, ta mère pis moé on s'connaissait même pas. Moi, j't'ais juste un p'tit livreur de lait pis maudine que j'haissait ma job, moé! J'étais chargé d'livrer l'lait din p'tits villages à l'entour pis ça prenait un temps épouvantable, c'était pas possible. Ça me prenait plus de cinq heures faire la tournée pis passer tout l'monde. Tu t'levais à des heures de fou, parce que les gens y'aiment ça avoir leur lait à porte avant qu'y s'lèvent, faque moé fallait que j'me lève plus tôt que les crisse de coqs!
-Ta gueule maudit chien, tu m'aurais pas rencontrée sans ça, crie ma mère à mon père en niaisant.
-Ouin, tu vois? Après trente-sept ans d'marriage pis cinq beaux enfants, l'amour est encore fort! Faque là un moment donné, j't'ais tombé en panne dans l'fin fond du bois avec les habitants de c'te trou là. Pis la ville la plus proche était à plus d'trois milles. Y a pas un chat qui va m'forcer à m'taper trois milles à pousser le gros camion, faque tu sais tu quessé j'ai fait?
-Non?
-EURIEN PANTOUTE, j'sus resté là comme un poirot à attendre qu'un habitant vienne m'aider. Par chance, bonyenne ton grand-père pis ta mère passaient par là. Tu aurais dû y voir la face au père, maudit! Sa face ressemblait à du linge toute fripé! Crime y était laid! Faque y m'a aidé à r'mettre mon « truck » en état d'marche, pendant q'moi, j'me tapais ta mère. C'était un méchant beau pétard, ta mère, j'peux te l'dire. Pis là, son père y a fini toute, tsé c'tait lui qu'y avait les outils, faque j'ai pas pu ben ben l'aider, mais après ça l'père de ta mère était prêt à partir. Ta mère, elle est venue me voir....
-Pis?
-Ben a eu l'audace de me d'mander une demie-pinte de lait, pour la main d'œuvre pis toute à m'a dit. Faque tu sais tu quessé j'y ai dit?
-Non?
-Ben j'y ai dit non. Pis j'ai sacré mon camp. J'aurais pas eu assez d'lait pour tout l'monde si j'y aurais donnée la fiche pinte de lait. On s'est revus quelques semaines plus tard, pis c'tait le coup d'foudre.
-Ouin, méchante histoire.
Mon père m'a chassé ensuite d'la maison pour la soirée. J'veux dire, c'est pas l'histoire la plus belle, mais c'est quand même une bonne histoire. Moé, j'suis finalement allé travailler au magasin général. C'étsit long en maudine, pis y avait pas un chat dans l'magasin, ou même dehors, mais dans l'temps des fêtes, d'est assez normal. Pis là, la p'tite clochette sonne au-dessus d'la porte, pis y a une fille qui entre. Pas juste une fille, un ange. Elle flottait littéralement tellement ses pas étaient légers. Elle s'est juste immédiatement dirigée vers les gros frigos dans l'fond, ceux qui continent les aliments qui ont besoin d'être frêtes, comme la bière, pis à ouvert une porte. Ça pas pris quize secondes, qu'elle l'a refermée. Elle semblait surprise. Elle s'est dirigée vers moi, pis j'peux vous dire que son visage angélique entouré de ses cheveux roux avait juste l'air encore plus beau sous les p'tites lumières « cheep » du magasin. Elle a ouvert la bouche, puis m'a posé une question toute simple, mais dans sa nature complètement ironique.
-Vous avez pas une demie-pinte de lait?
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L'envers poétique de la vie/ The Other Side of Life's Medal
PoetryUne compilation de tous mes poèmes. Je voulais pas les perdre, donc voilà. En plus tout le monde peut les lire. Je vais publier si l'inspiration me frappe et seulement si. Plus haut classement : [1er DANS #POEM] (MERCI!) J'espère que vous les appréc...