Saül sentait peser sur lui les regards accusateurs de Galéran, ainsi que des dix autres personnes de la troupe. La haine, le mépris, la colère, tout cela tourbillonnait dans leur crâne en cet instant, où ils pesaient le pour et le contre de son éventuelle exécution.
La Pernelle, la seule à pouvoir le dédouaner, lui tournait le dos, sans réaliser qu’ils ne croyaient pas en ses allégations. C’était à peine s’il était surpris par l’allure de son compagnon emplumé, dont la carrure constituait en elle seule une menace.
-Oh oh… Mais quelle beauté…
Saül sursauta en se tournant vers le nouveau venu… Qui n’était autre que Pavin, occupé à reluquer ses fesses, exposées à la vue de tous.
Mince! Dans son souhait de retenir La Pernelle, il s’était relevé dans l’étuve, oubliant sa totale nudité. Apparemment, Pavin appréciait autant la vue qu’Adeline.
-C’est une sorcière ! hurla soudain cette dernière, en pointant un doigt en direction de la Masque. Elle doit brûler sur le bûcher !
Le Seigneur, fronça les sourcils en regardant La Pernelle, dont l’expression avait infiniment changé. Il en allait de même avec Lazare, le type qui l’avait terrorisé dans les jardins –ce ne pouvait être que lui-.
-Vous, une servante du Malin ?
Il fixa longuement l’accusée, comme s’il notait pour la première fois la rougeur de sa chevelure, la noirceur de son regard associé à la blancheur de sa peau. Puis, il aperçut les plumes blanches de Lazare, dont l’attitude glaciale fit frémir Saül.
-Ale…
Lazare le saisit par la gorge, avant qu'il n'achève son cri d'alarme, faisant sursauter l’assemblée. Fichtre, comment avait-il fait pour passer d’un bout à l’autre de la pièce, si vite !?
-C’est quoi ça !? cria Adeline en reculant vers Godeffroy.
-Une simple erreur de ta part, répondit La Pernelle.
-Quoi !? Mais je…
Une lame de cinq centimètres s’enfonça dans la crâne d’Adeline. Saül eut un hoquet de douleur en jaillissant du bac d’eau, mais elle s’affaissait déjà contre Godeffroy. Ce dernier poussa un hurlement en retenant sa femme, Galéran resta muet d’effroi.
-Ne jamais pointer du doigt une Masque. C’est la première règle de survie en ce bas monde, mes mignons.
C’était horrible… Impossible… Elle ne pouvait pas être… Pas être… Morte… Pourtant ses yeux étaient révulsés, sa respiration absente, le seul mouvement sur son visage pâle étant celui du sang, coulant de la lame plantée dans son front.
Le monde s’écroulait autour de lui. Ses tempes bourdonnaient, l’empêchant d’entendre les pleurs de Godeffroy alors qu’il serrait dans ses bras celle qui fut sa femme. Elle ne pouvait pas… C’était…
-On remettra les obsèques à plus tard.
Les doigts de La Pernelle s’enfoncèrent dans ses cheveux, le forçant à rejeter la tête en arrière. Un poignard frôla sa gorge exposée, deux yeux noirs comme une nuit sans lune se dardèrent sur Pavin.
-Si vous ne voulez pas voir votre grand amour exsangue, vous avez tout intérêt à vous tenir tranquille, monseigneur.
A ces mots, Pavin devint livide. Saül déglutit nerveusement, s’égratignant au passage la peau sur la lame. Que ce passait-il ?Lazare relâcha sa proie, pour se tourner vers la Troupe, sa cotte d’arme blanche voletant dans son geste, révélant des chausses ajustées.
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Les Affres d'une Grenouille
ParanormalLorsque Saül croise le chemin de La Pernelle, une sorcière au caractère ravageur, il prie pour ne plus jamais la revoir. Mais le destin semble bien se moquer de ses désirs. Car, deux ans plus tard, il se retrouve pris dans ses plans machiavéliques...