Chapitre 10 : A un croassement prés

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La chapelle de Mortemart était séparée du manoir. Belle, grande, aérée, avec une magnifique croix arborant un Christ crucifié devant le vitrail symbolisant la Vierge Marie. Vide, car le curé de Mortemart avait fui la queue entre les jambes face au dragon, certifiant que Dieu les avait abandonné. Pourtant, il avait un joli petit logis derrière le chœur, à peine assez grand pour une chambre et un cabinet de toilette.

Mais largement assez pour que Lazare me jette sur le lit dès que les autre furent sorti. Non pas pour m’embrasser passionnément, à mon grand dam. C’était plus parce que si j’étais debout, il ne pouvait plus faire les cents pas entre le mur et le matelas, avec des œillades incendièrent dans ma direction.

-Tu es inconsciente !

-Ha, non, je t’assure, je suis parfaitement réveillée.

Ma boutade n’eut pas l’effet escompté. La seconde suivante, je me trouvais étalée sur le dos, Lazare au-dessus de moi, ses yeux bleus plantés dans les miens. Qu’est-ce que…

-Tu te rends bien compte, petite sotte de Masque, que tu as manqué te faire croquer par un dragon de près de vingt pieds de long ?

Totalement sous le charme, je fixais ses lèvres.

-Ce n’est pas tout à fait ce à quoi je pense, en cet instant.

-Tu n’en a rien à faire de mes inquiétudes, gronda-t-il, ses iris prenant un éclat diablement excitant.

Au plus il s’énervait, au plus je me sentais toute chose. Sa proximité était très…

-Érotique, soufflai-je.

Il pencha la tête de côté, alors qu’il le baissait sur mes lèvres. Un infime changement se produisit, pourtant je le sentis dans chacune des fibres de mon être. Il n’allait tout de même pas… Il n’avait jamais… Il allait vraiment… Inconsciemment, je cessai totalement de bouger. Son souffle caressa ma peau, son corps se rapprocha du mien, faisant grimper la chaleur en moi...

… Et un croassement retentit entre nous.

Stupéfaite, j’eus un instant de silence, alors que Lazare lui… Brandissait sa dague, pour fendre en deux le corsage ma robe de bure noire.

-Hé ! m’exclamai-je. C’est la seule que j’ai !

Mes protestations disparurent lorsqu’une grenouille verte bondit d’entre mes seins, rattrapée au vol par mon griffon.

-Par les couilles du Grand Cornu ! jura-t-il. Je l’avais complètement oublié, celui-là !

-Mince, Saül ! Tu aurais pu te taire encore quelques secondes !

Des sons furieux jaillirent de la gorge du batracien, sans pour autant nous émouvoir. Il ne semblait pas appreçier d'avoir la tête en bas.

-Lâche-le, Lazare, soupirai-je en me relevant du lit.

-Tu peux me dire ce qu’il fichait entre tes seins ?

Furieux, il me lança Saül.

-Il a plus le physique du rejeton du Malin que d’un ange, il a bien fallut le dissimuler aux yeux de ce bienheureux de Guyot.

-Alors tu l’as mis dans ton corsage.

-C’est l’endroit le plus protégé d’une bonne sœur, susurrai-je.

En vérité, je n’avais pas eu le temps de l’enfermer dans son bocal. Comme le laisser en liberté seul dans mon sac était trop dangereux, j’avais optée pour cette dernière option. Jetant Saül sur le lit, je prononçai quelques mots pour le faire redevenir homme.

Les Affres d'une GrenouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant