Le lendemain matin, doté d’une sérieuse gueule de bois, Saül se perdit plus ou moins dans le dédale des couloirs. Au petit matin, personne n’était réveillé, le château dormant paisiblement. Aussi ne s’attendait-il pas à tomber sur le griffon, adossé contre un pilier, statufié dans la lumière matinale.
-Heu… Lazare ?
Il se tourna lentement les yeux vers lui, sans qu’un muscle de son visage ne frémisse. Saül eut l'impression de se retrouver face à une statue, qui reporta aussitôt son attention sur la porte qu’il surveillait. Impassible. Comme s’il attendait.
Sourcils froncés, Saül vint s’asseoir sur le rebord de la fenêtre, près de son pilier. Cette porte, n’était pas… Celle de la chambre du Duc ? Il se souvenait vaguement… De rien. Qu’attendait donc Lazare, avec une mine si sinistre ?
-Dis-moi, heu… Pourquoi devons- nous rester ici ?
Silence.
-A cause des douze nuits maudites précédant la naissance du Christ.
Ha. Oui. Mais ça ne l’avançait pas beaucoup plus.
-Vous avez fait quelque chose, Pernelle et toi, pour devoir rester chez l’ennemi durant cette période ?
Cette fois-ci, Lazare tourna la tête vers lui, et Saül eut souhaité qu’il ne l’eu jamais fait. Une lueur meurtrière hantait son regard azuré.
-J’ai tué les rejetons du Diable, pour me libérer d’une chasse dont j’étais la proie.
-Ha ? gargouilla-t-il.
-Avec l’aide de Pernelle.
-Oh… Heu…
Il reprit sa position initiale, bras croisés sur son torse musculeux.
-Nous nous sommes rencontrés ce jour-là.
Un silence pesant s’installa. Tuer… Les enfants du Diable ? Et ils ne pouvaient plus sortir, durant les douze nuits de… Foutre Dieu, Saül avait entendu parlé de cette histoire ! La Chasse à Bodet ! Une chasse se ruant dans les cieux de l’hiver, avec pour participants les créatures des Enfers, les sorcières, esprits et autres fantômes cruels, menés par le Malin en personne. Dans le ciel, ils poursuivaient une colombe, disait-on, qui n’était autre que l’âme d’un humain cherchant les portes du Paradis.
Mais là… Lazare aurait été... La colombe ? Ou plutot, le griffon pourchassé ? La proie était devenu chasseur, liquidant certains pour arracher ses chaines… Quel rapport avec Pernelle ? Comment avait-elle pu se retrouver impliquée dans la Chasse à Bodet, si elle était une ancienne prostituée ?
Un bruissement raisonnant dans le couloir. Lazare se remit droit, tandis que la porte des appartements du Duc s’ouvrait.
Pernelle apparut.
Les cheveux défaits, le regard las, elle tenait sur ses épaules une couverture couvrant son corps nu. Sans un mot, elle resta un instant immobile, à observer Lazare. Pâle, les lèvres sans couleur, elle paressait… Diantre, Saül n’aurait jamais cru penser ça un jour. Elle avait tout d’une femme battue.
Sans hésiter, il l’enlaça, embrassa sa tempe, avec une douceur incroyable. Puis il passa un bras derrière ses genoux, l’autre dans son dos, et il la souleva de terre. Serrant sa couverture contre elle, Pernelle enfouis son visage dans son cou, ses doigts crispés sur la cotte blanche de Lazare.
Silencieux, il remonta le couloir.
Sidéré, Saül se tourna vers la porte entrouverte.
Que c’était-il passé en ces lieux ?
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Les Affres d'une Grenouille
ParanormalLorsque Saül croise le chemin de La Pernelle, une sorcière au caractère ravageur, il prie pour ne plus jamais la revoir. Mais le destin semble bien se moquer de ses désirs. Car, deux ans plus tard, il se retrouve pris dans ses plans machiavéliques...