Chapitre 2 : Une Irritante Capuche

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-Cette garce mérite une bonne raclée ! s’exclama Adeline, les joues rouges de colère.

Ses cheveux blonds frisés étaient en bataille autour de son visage creux, tant elle les triturait en râlant. Voilà deux heures que son manège durait, mettant les nerfs de la Troupe à rude épreuve. Saül, lui, était ravi de ne pas avoir eu à jouer les monstres de foire, car le publique ne parlait plus que de La Pernelle. Galéran avait jugé préférable de garder sa « botte secrète » pour plus tard.

De plus, ils étaient tous plutôt contents. Si la sorcière rouge les avait proprement ridiculisés par son tour de jonglerie, au moins n’avaient-ils pas été expulsé du château pour la fin des festivités, faute de compétitivité.

-Tu me fatigues, ma fille ! s’exclama finalement Galéran, assis sur un tonneau, occupé à jouer aux cartes avec l’un des jongleurs.

Ils se trouvaient dans une petite pièce destinée à leur détente. Saül, bien sûr, était enchainé au mur, sous la bonne garde de Godeffroy, l’Homme le Plus Fort du Monde. Selon la Troupe.

-Je te fatigue !? pépia Adeline, l’ourlet de sa jupe venant frôler inopinément la cheville de Saül. Mais elle…

-Hé bien, va le lui dire à elle, ce que tu penses de son comportement !

-Dans ce cas, j’y vais avec Saül.

Ce dernier se garda bien de montrer son irritation. Pitié, non, elle allait encore le coincer dans un coin et le motiver pour faire des choses proscrites par Dieu. Si seulement elle avait été plus moche… Il lui aurait été moins facile de céder à ses avances.

-Pour qu’il s’enfuit ? grommela Galéran. Jamais ! Godeffroy, va avec eux.

Adeline fut aussi dépitée que Saül soulagé. Jusqu’à ce qu’il réalise qu’il allait voir La Pernelle, Masque de son état, pour aider la fille du chef à lui dire ses quatre vérités. Cette constatation le fit s’arrêter net, alors qu’ils sortaient tout trois de la salle de détente. Le colosse Godeffroy lui rentra dedans.

-Hé ! Qu’est-ce qui t’arrive, demi-portion ?

Saül lui adressa à peine un regard en emboîtant le pas à Adeline. Il allait se faire tuer. Il n’avait jamais parlé de La Pernelle à quiconque. Mais qu’allait-il se passer, maintenant ? Il allait devoir l’ignorer ? Faire comme si elle n’avait jamais hanté ses rêves, comme ses cauchemars ? Il allait au-devant d’une catastrophe, il le sentait…

-Godeffroy, soit plus gentil avec Saül, lança Adeline.

-Pour quoi faire ? Il n’a même pas d’âme.

Il ne releva pas la conversation des deux époux. Godeffroy le tuerait si jamais il apprenait qu’il couchait avec sa petite femme aguicheuse. A sa décharge, il n’avait jamais rien demandé. Mais il s’en ficherait, car un enfant du diable aurait forcement insufflé des pensées contre nature à sa belle, la poussant aux pires des vices.

Le château était splendide, avec de hautes voûtes gothiques, les pierres grises rehaussées par des tentures brodées spectaculaires, représentant le Seigneur de Pavin, avec cinquante kilos de moins, en pleine chasse à la licorne, ou affrontant le dragon du lac pour défendre son bâtiment. Toutes des allégories, bien entendu…

Quoi qu’il en soit, les couloirs franchis, devant la porte de La Pernelle, Saül ne savait toujours pas ce qu’il devait faire. En retrait avec Godeffroy, pour laisser toute latitude au crêpage de chignon projeté par Adeline, il angoissait. Après tout, c’était une sorcière. Était-il réellement judicieux de laisser cette confrontation devenir réalité ?

Les Affres d'une GrenouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant