Chapitre 18 : La Chasse du Diable

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Là, j’étais mal.

J’aurais pu faire un jeu de mot sur « ça sent le roussis », étant donné que je me trouvais deux centimètres au-dessus d’un brasero garnit de braises, mais le cœur n’y était pas.

-As-tu hontes de ta nudité, Pernelle ?

Je baissai la tête vers mon interlocuteur, un gros homme vêtu d’un pagne, poilu comme un ours, à l’air libidineux.

-Je suis une prostituée, mon chéri, la nudité est mon métier.

Heureusement. Si j’avais été Alix, l’ex-vierge effarouchée de service, j’aurais été mortifiée par ma position. Ligotée, suspendu au plafond par des chaînes et placée au-dessus de braises, le tout dans la tenue d’Eve la plus totale. Mais en tant qu’ancienne prostituée, satisfaite de son sort, je m’en tapais le coquillart avec une plume d’oie.

-Tu feras moins la maligne quand on se mettra à te tripoter, railla le démon, avec un rire gras, suivit de ses collègues.

Ils se trouvaient en périphérie de la lumière rougeâtre du brasero, leurs visages bestiaux déformaient par les ombres.

-Oh, vous pouvez y aller, répondis-je avec un total désintérêt.

J’avais eu mon lot de petits jeux sexuels et d’orgies. Même avec des démons, le sexe restait du sexe, aussi pouvaient-ils bien venir. J’allais leur apprendre ce qu’une ancienne fille de joie avait dans le ventre.

Mais, enfin, bon. Si je pouvais y échapper, je n’étais pas contre. Leur hygiène semblait des plus douteuse. Surtout à la lueur des braises, qui soulignait toutes les couches de crasses recouvrant ces êtres mi- humains, mi- animaux, pourvu de têtes de boucs ou de jambes de poules, ou encore bien d’autre chose.

Pendu par les pieds et les chevilles au plafond, j’étudiai les alentours. Je m’étais réveillée ici, suite à un combat dans mes appartements, où ils étaient parvenu à m’assommer. Ces lieux me disaient quelques choses, avec ces râteliers d’armes, les charrues entreposées dans un coin, l’immense cheminée... Et le grand brasero me chauffant les fesses.

La forge. Je me trouvai dans la forge de Cambrai, à cinq cents mètres du château.

-Qu'avez-vous fait du forgeron ? lançai-je à l’homme poilu comme un ours.

-Dévoré.

-Vous mangez vraiment n’importe quoi, dans la Chasse à Bodet. Des griffons, des artisans…

-Ne cherche pas à nous faire la conversation, fillette. Tu es un simple appât.

Ça, je m’en doutais. Sinon, les tortures auraient déjà commencé. Je souris en aparté. Je leur avais mis une sacrée rouste, la dernière fois. Donc, ceux-là devaient être des petits nouveaux dans la Chasse, autrement ils auraient tenté de me tuer.

-Le jour se lève déjà ? m’étonnai-je faussement.

-Tu as perdu la tête, femme, il est à peine deux heures du matin.

Donc, deux heures depuis mon enlèvement, approximativement. Lazare devait se reposer dans la bibliothèque, il ne s’apercevrait de rien avant tard… Oui, mais j’étais un appât. Or, une seule personne serait susceptible d'y mordre.

-Foutre Dieu ! m’exclamai-je.

Je ne m’en remettrai jamais si Lazare me retrouvait dans une telle position ! Je devais au plus vite enlever ces chaînes, et trouver une tunique à enfiler.

Réfléchis, Pernelle, ta fierté est en jeu… Je fermai les paupières de toutes mes forces, espérant motiver mes neurones assommés. Oui !

Les Affres d'une GrenouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant