Oraison païenne - Partie 2

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Ambre s'interrogea sur l'origine de cette pensée, car en vérité c'était la première fois qu'elle en rencontrait un ; un vampire.

Pas qu'elle s'attende à trouver un seigneur des ténèbres tout en muscles, ou un apollon mort vivant comme dans les films, mais quand même. Elle devait bien avouer que le déchet sur pattes qui traînait derrière lui sa déprime comme sa bouteille la décevait grandement.

Pour une première mission en tant que sorcière « sur le terrain », c'était loin de lui fouetter les sangs !

La jeune femme en venait presque à regretter son confortable boulot à la librairie de Monsieur Pecson. Là au moins, il y avait toujours quelques choses pour la distraire, comme les histoires du vieux propriétaire, une querelle d'octogénaires sur le trottoir ou un chat de passage. Plus encore, elle pouvait rentrer le soir pour tout raconter à sa colocataire et meilleure amie, Esther. Un plateau télé, Netflix et parfois une bouteille de vin, c'était ça la grande vie pour elle. Un instant, elle eut l'idée de tout lâcher pour reprendre le cours de sa vie, où la guerre des races n'était qu'une vague notion de culture surnaturelle.

Elle chassa rapidement cette idée de son esprit. Ambre faisait ce qui était juste, il n'y avait rien à regretter, ni les mensonges à répétition, ni le souvenir de sa vie tranquille.

En franchissant le dédale qui la séparait de la surface, elle repensa aux paroles de l'Aînée. Les créatures prédatrices, vampire, loup-garous et autres bestioles, n'avaient de cesse de répandre plus chaque jour leur influence, menaçant de prendre le contrôle total de la ville. Bientôt, ils feraient la loi dans tout Atlanta, et aucune créature surnaturelle ne serait en sécurité. Puis après, viendrait le tour des humains et là... La sorcière préférait ne pas y penser.

Alors si accompagner un vampire repenti - quoique trop porté sur la bouteille - pouvait aider à gagner la guerre, c'était bien la moindre des choses qu'elle pouvait faire. Peut-être qu'il leur permettrait de se défendre efficacement contre ces monstres ? Peut-être que la guerre serait bientôt finie ? Peut-être pourrait-elle reprendre sa vie d'avant sans crainte ?

Ambre fut tirée de sa réflexion au détour d'une ruelle. Pourquoi tout était-il si silencieux à présent ?

- Attendez... Hésita-elle. Ça me paraît...

La sorcière ne vit rien venir.

- Ils sont là ! Hurla le vampire en partant dans l'autre sens sans demander son reste. Je ne veux pas mourir !

Ambre se retrouva soudain face à deux hommes d'une pâleur morbide et aux canines bien trop longues pour être honnêtes. Ils ne firent rien d'autre que de bloquer le passage à la jeune femme, mais leur simple apparition la paralysa de peur. Un cri strident, suivit de pleurs pathétiques, lui indiqua que son compagnon de fortune avait, lui aussi, trouvé quelqu'un sur son chemin.

- Ça, il fallait y penser avant Max, dit une voix masculine pleine d'un plaisir sadique. Personne ne quitte la Société sans l'accord du Baron. Et même avec, cela dit...

Ambre fit volte-face pour voir qui s'amusait de leur malheur. Max, vu que cela semblait être son nom, était tenu par le col à bien dix centimètres du sol par un autre homme tout aussi pâle que les deux autres. Ses yeux brillaient d'un étrange éclat doré et son costume bleu nuit, tout comme ses cheveux flamboyants, accentuaient son côté irréel et franchement menaçant.

- Pour aller t'accoquiner avec les sorcières en plus... continua le vampire, Tut, tut, tut, Max, je te croyais plus malin que ça, au moins. Fit l'homme roux avec dédain.

Il porta son regard sur Ambre.

- Mademoiselle, sans mauvais jeu de mots, vous êtes à croquer. La railla-t-il en découvrant une longue canine en pointe.

Il la détailla un moment dans un silence pesant, comme s'il cherchait quelque chose sans y parvenir.

- Et mystérieuse à ce que je vois... Passionnant. Je n'avais encore jamais rencontré de mortel dont je ne puisse pas sonder les pensées.

- Pitié, laissez-moi partir, je ne dirai rien ! Promis ! Supplia Max, coupant l'autre vampire dans sa réflexion. Je disparaîtrais, la Société n'entendra plus jamais parler de moi ! Je le jure !

Sa voix n'était plus qu'un sanglot lamentable. Le vampire qui semblait être le chef porta enfin attention à celui qu'il tenait en l'air depuis plus d'une minute maintenant. Il étira un sourire aussi faux que teinté de superbe.

- Max, tu sais bien que je ne peux pas. Qu'elle est la première loi déjà ?

Le vampire mit sa tête basse avant de répondre, vaincu.

- Personne ne doit rompre ou porter atteinte au Secret... Dit-il lentement.

- Sous peine ? Fit l'autre à la manière d'un professeur impatient.

- Sous peine de subir la Vraie Mort.

- Bien ! Tu vois que tu n'es pas totalement stupide quand tu veux.

Les deux autres gros bras émirent un gloussement moqueur.

***

Photo : gillescharvin.blogspot.com/2008/07/

La Mascarade des Damnés - Tome. 1 L'enfant sans père [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant