23.

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H./

Fut un temps encore récent, voir Lea m'aurait consolé à l'idée de passer une soirée qui se prévoyait ennuyeuse de paroles et de sentiments. Mais ce soir n'est pas le cas. Dire que je me sens encore comme la pire des merdes est un euphémisme. Même si son message texte insinuait qu'elle ne s'opposait pas à 100% à ce que j'essaye de tenter quelque chose avec Louis, la totalité de l'affaire n'est pas résolue ; encore moins depuis dimanche. Mais rien que de penser à ma discussion avec elle lui avouant avoir un faible pour Louis - et par conséquent, d'être faible - me rend nauséeux, en plus d'avoir été un traître avant ça. Puis enfin, pour rajouter la goutte d'eau qui fait déborder la baignoire (le vase ne suffit plus), Louis et moi venons tout juste de nous lancer dans... cet accord tacite mais concret qui n'engage que nous deux. Et ça, je ne suis pas tout à fait sûr qu'elle en soit au courant. Alors si c'est encore une fois pour lui mentir à la gueule, je ne suis pas certain de vouloir assister à cette soirée. Soirée de célébration de fiançailles certes, mais je n'étais déjà pas très enclin à partager l'effluve de sentiments ambiants, alors à présent j'ai carrément envie d'aller m'enterrer dans un terrier en Alaska.

Je tourne à nouveau la tête vers Louis, et il semble aussi surpris que moi. Enfin, je ne suis pas simplement surpris, je suis mal à l'aise. Je baisse la tête et me pince les lèvres avant de m'éloigner sans un mot. Je n'ai même pas la force de formuler une phrase.

Sofia n'attend pas plus longtemps - comme si elle avait attendu Lea pour commencer le repas - et nous propose de nous asseoir. Puisqu'il n'y a pas d'étiquette comme dans un vrai dîner de répétition, chacun choisit son siège. J'attends que quasiment tout le monde soit assis, mais en voyant que le siège à côté de Louis est toujours vide, je me précipite pour en prendre un autre, libre, ni à côté de Louis, ni de Lea. Tant pis pour mes voisins s'ils ne me voulaient pas à côté d'eux. Cependant je ne me sens pas du tout à ma place, aussi bien physiquement que mentalement. Je n'arrive pas à me concentrer. Je vois Lito debout en train de parler, mais je n'entends pas ce qu'il dit. Tout ce que j'entends c'est le sang qui pulse dans mes veines, mon cerveau qui me dit de partir, pour ne pas avoir cette irrémédiable impression de continuer à mentir et faire du mal à Lea. Le pire c'est que je sens son regard sur moi de temps en temps. J'essaye sincèrement de prendre part à la conversation juste pour placer une ou deux remarques reflétant bien mon avis sur ce "dîner de fiançailles", mais même ce qui devrait m'être naturel ne l'est pas.

Le foie gras ne passe pas, et je n'arrive pas à voir en quoi ma présence à ce repas est d'une manière ou d'une autre positive. Alors je n'attends pas plus longtemps. Quand les serveurs viennent reprendre nos assiettes vides pour la plupart, j'en profite pour me lever. Je vais au côté de Lito et me penche vers lui pour lui glisser à l'oreille quelques excuses vagues concernant mon supposé temps précieux qui m'échappe alors que le Stockholm Syndrome a besoin de moi... Oui, même à 3000 kilomètres de là. Je sens déjà des regards sur moi, et certains doivent penser que je ne fais qu'une pause avant de revenir. Lea et Louis quant à eux doivent probablement se poser quelques questions supplémentaires. Je n'y prête pas attention sinon je risque de faire ou dire quelque chose de totalement déplacé.

C'est certainement très lâche, mais ma culpabilité est bien suffisante ainsi. Et puis peut-être qu'inconsciemment, j'ai également honte de ressentir ce que je ressens. Justement parce que je ressens trop de choses.

Qu'importe.

Avant de sortir de cette salle renfoncée du restaurant, je jette un coup d'oeil à Louis, et son regard n'a rien de très compatissant. J'essaye alors de faire passer dans le mien autant d'excuses non dites. C'est comme ça que je me retrouve à héler un taxi pour retourner dans ma villa. Mon téléphone vibre déjà dans ma poche. Si c'est Lea, je n'aurai pas la force d'ouvrir et lire son message. Autant être fixé tout de suite, je regarde mon téléphone, et non. Ce n'est pas Lea. Juste Sofia.

Sérendipité [Larry Stylinson]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant