Chapitre 39

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Seule dans la forêt, Anémone Rouge réfléchissait.

Elle avait laissé Flocon Noir veiller sur les chatons dans la pouponnière. Elle devait réfléchir, elle devait être seule.

Elle devait éviter le plus possible de penser à la mort de son papa. Elle devait verrouiller ses émotions. Mesurer son envie de pleurer, tenter de se canaliser. Elle devait réfléchir à la mort du chef du Clan des Roseaux, Étoile de Grêle, et à ses conséquences pour son plan. Rien de plus. La mort de son papa ne devait pas entrer en jeu.

Elle se sentait abattue, mais elle gardait le plus possible la tête froide. Son corps était fourbu, transi, mais les rouages de son esprit devaient absolument fonctionner.

Rêve lui avait bel et bien dit que cette situation était sans issue. Elle lui avait confirmé que les deux Clans allaient s'entretuer.

La mort d'Étoile de Grêle avait tout gâché. Même si Anémone Rouge tuait Humour Noir et devenait chef, cela ne servirait plus à rien. Le Clan des Roseaux n'entendrait plus raison. Les négociations n'étaient plus possibles. Elle se doutait qu'ils devaient se sentir meurtris, blessés, fous de rage. Les membres du Clan des Chênes massacrés, les guerriers tués, et Étoile de Grêle... tout cela ne pourrait plus se rattraper.

Si le massacre était inévitable, alors que lui restait-il à accomplir ?

Elle se figea soudainement.

Elle apercevait, non loin de là, près de la frontière, un pelage gris clair qu'elle connaissait bien. Ses pattes blanches étaient plus musculeuses, mais toujours aussi légères lorsqu'elles frôlaient le sol. Lorsqu'elle vit son visage, elle le reconnut. Ses traits étaient devenus plus adultes. Ses yeux étaient les mêmes. Cette même lueur indéfinissable dans ses yeux azur... cet air qu'il avait de fouiller dans les étoiles, de fouiller dans l'air, comme s'il voyait quelque chose dans le monde que personne d'autre que lui ne voyait...

Elle se sentit prise du même trouble que lorsqu'elle était enfant. Ce sentiment si fort, mais si doux à la fois.

Elle avait toujours adoré l'aura de calme d'Aile d'Albatros. Cette douceur dans les gestes, dans la voix... cette façon qu'il avait, souvent, de deviner ce dont les autres avaient besoin.

Elle trouva son sentiment intact. Il lui faisait toujours le même effet.

Puis, ce fut lui qui la vit. Il entrouvrit très légèrement la bouche. Ses yeux s'éclairèrent. On aurait dit qu'il descendait de la lune. On aurait dit qu'il reprenait patte ici et maintenant, dans le monde des vivants, rien qu'en la voyant.

Cet air lunaire, presque timide, la chamboulait toujours autant.

Aile d'Albatros ne put pas détacher ses yeux d'Anémone Rouge lorsqu'il la vit. Il la trouvait toujours aussi belle. Ces yeux verts émeraude si beaux, si rayonnants, mais qui se faisaient si durs parfois... et ce long pelage. Ce long pelage qu'il voulait toucher. Cette si jolie voix...

- Nuage d'Albatros ? Dit-elle.

Il sourit. Elle sourit à son tour.

- Appelle-moi Aile d'Albatros.

- Moi, je crois que ce n'est un secret pour personne que je suis Anémone Rouge, dit-elle en souriant. Je suis l'ennemie public numéro deux chez les Sans-Don, après tout.

- Oh, peut-être même numéro un. Ne te sous-estime pas. Tu es l'anémone rouge de sang, après tout. Parfois, tu es même la première sur la liste. Enfin... disons que ça se bouscule entre Humour Noir et toi. Vous avez un petit côté « couple maléfique », vous deux, vous savez. Et tu sais ce qu'on dit, c'est toujours la fille qui est la pire dans les couples de méchants. Et en plus, son noir corbeau et ton blanc neige s'associent parfaitement bien. Le blanc et le noir. Le rouge et le noir. L'anémone rouge et le... l'humour noir, je suppose. Je viens de visualiser une anémone avec un grand sourire en train d'éclater d'un rire moqueur... en écrasant des petits pissenlits innocents. J'ai... euh... d'étranges images mentales, parfois. Cela est peut-être dû au stress de te revoir. C'est une réaction parfaitement normale lorsqu'on est c-confronté de nouveau à une personne non-vue depuis un paquet de temps. On la retrouve, mais elle a changé. Il faut toujours un bref temps d'adaptation. Mais les gens qu'on aime nous déçoivent rarement. On... on les retrouve toujours intacts. Surtout quand elles sont belles. Comme toi. Bonjour Anémone Rouge, comment vas-tu ? Ça fait une paye, comme on dit. Je n'ai jamais employé cette expression de ma vie, mais je suppose que mon corps et mon esprit réagissent au vu du stress que ta vue me cause, faut dire que t'es jolie et...

Le Chêne et le Roseau - Fanfiction La Guerre des Clans [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant