Chapitre 14

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Jeudi 3 juillet 2025

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ? demandai-je, bouche bée.

— Une mine à ciel ouvert, m’annonça L’Émissaire.

— Jamais je n’aurais pu imaginer une telle horreur. Que cherchent-ils ?

— Je n’en sais rien. En tout cas, ne te glisse pas dans le sol. S’ils cherchent de l’or, la terre est probablement empoisonnée.

Je me le tins pour dit. Pas question pour moi de frôler le reset à nouveau.

L’horreur du spectacle n’était pas tant dans la profondeur du trou que les mineurs avaient creusé que dans son étendue, car je ne pouvais même pas en distinguer l’autre côté. Autour de nous, ils avaient pelé la surface de la Terre comme on pèle une orange. Une route de fortune, empruntée par des camions à benne aux dimensions titanesques, sillonnait la paroi. En contrebas, des machines s’agitaient, ronflaient et recrachaient une fumée noirâtre. L’ensemble pataugeait dans la gadoue et la caillasse.

Le ciel déjà gris commença à s’assombrir et nous vîmes alors des dizaines d’IA multicolores débouler du centre de la Terre. Casques bleus, casques jaunes, casques rouges, verts, noirs, un vrai sac de billes qui roulait à vive allure vers le même bâtiment, le seul qui soit construit en « dur ». Je contemplai cette fourmilière géante et me demandai quelle tête pouvait bien avoir la reine de cet enfer.

— Ça va se gâter, lança Eo en se grattant le crâne. J’ai un mauvais pressentiment.

— Nous devrions nous reculer du bord, conseilla L’Émissaire. Nous éviterons les coulées de boue s’il se met à pleuvoir.

— Je crains que la pluie ne soit pas notre souci majeur, déclara Eo. Vous avez vu ce qui se prépare, là-bas ?

Il tendit le bras sur notre gauche, là où l’homme n’avait pas encore creusé. Se dressait alors une bien étrange forêt. Ses troncs carrés s’élevaient telles des baguettes chinoises plantées en rang, probablement façonnés d’avance pour la découpe de planches. Des arbres OGM et PAE – génétiquement modifiés ET « prêt à l’emploi ». À leurs sommets une touffe verdâtre maigrichonne, l’ensemble m’évoquait un champ de vieux pinceaux dégarnis. Derrière la pseudo-forêt se trouvait un immense tourbillon en formation. Cette longue colonne brune s’étirait de plus en plus à la verticale tout en se balançant de droite à gauche. La flèche orange qui nous dirigeait habituellement dans le jeu tournoyait sur elle-même comme une girouette. Impossible de savoir dans quelle direction aller. Ça bug souvent la technologie.

— Je vous parie qu’il vient droit sur nous. Allez, on se tire !

Nous suivîmes Eo en file indienne et à demi courbés. Il opta pour un retrait dans les terres, le temps sans doute de réfléchir à une stratégie, ou peut-être espérait-il que la flèche retrouverait sa faculté première une fois à l’abri du vent, derrière les restes de baraquements qu’on devinait au loin. Les bourrasques se faisaient de plus en plus pressantes. Des troncs pourris et abandonnés probablement jugés non conformes jonchaient le sol, ce qui n’arrangeait pas nos affaires.

Eo jeta un rapide coup d’œil derrière nous.

— Va falloir accélérer le mouvement, les gars.

Le vent virtuel gonflait le manteau de L’Émissaire et je sentais moi-même une résistance à chaque pas. Je m’acharnais mentalement pour faire avancer mon avatar, mais j’avais l’impression qu’une fonction annihilait tous mes efforts. Chaque ordre prenait des plombes à être exécuté. Un bourdonnement sourd envahissait mon casque, ça me donnait mal à la tête.

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