Chapitre 18

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Samedi 5 juillet 2025

J’ôtai mon casque et le déposai sur ma table de chevet. J’apposai mon oreiller contre le mur et m’appuyai dessus. Il ne faisait pas froid, pourtant je tirai ma couette pour la remonter sur moi. Je m’enfonçai dans un cocon de douceur.

J’avais bien du mal à comprendre ce qui m’arrivait. Je me sentais seule.

J’attrapai Nono, mon vieil ourson jaune et blanc et tout bouloché, auquel il ne lui restait plus qu’un œil. Il ne sentait pas très bon, mais il était trop volumineux pour entrer dans la machine à laver. Il avait presque mon âge. Nous avions passé de nombreuses nuits ensemble, lui blotti contre moi, ou l’inverse. Petite, il me protégeait des fantômes et des monstres qui pouvaient surgir du dessous de mon lit. Désormais, j’étais trop grande pour m’en séparer. Il était mon consolateur muet, sa présence m’apaisait. Je le serrai contre moi.

L’absence avait creusé encore plus sa place dans ma vie. Même mes petits frères me manquaient. Pas cool de rentrer chez soi et de constater que personne ne vous attend, que personne n’a allumé la lumière, qu’il n’y a pas de cris stridents à l’autre bout du couloir, que Mister John et Knut l’ours blanc sont restés dans leur panier. Ma mère ne s’activait pas dans tous les sens et Luc n’était pas dans un coin en train de résoudre un problème hautement non vital.

Toujours sans nouvelles de mon père, il me manquait aussi terriblement. J’avais eu le sentiment qu’avec ALE j’aurais pu me rapprocher de lui, marcher dans ses pas, mais ALE demeurait un monde d’illusions.

Lucas, devait filer comme l’éclair vers les belles plages espagnoles avec son ami Marco. En ce moment, ils avalaient les kilomètres, heureux.

Et puis Valens.

Lui, il n’avalait rien du tout. Punaise, il avait bien failli me faire du mal, celui-là. Non, je devais être honnête avec moi-même : il m’avait fait du mal.

Il m’avait rejetée, point barre.

Je sentis deux lourdes larmes grossir. Je clignai des yeux ; elles dévalèrent mes joues et plop, tombèrent sur le crâne de Nono qui les absorba sans commentaire. Je devais me lever et trouver un mouchoir avant de barbouiller Nono le fidèle. Je devais surtout arrêter mes pleurnicheries de gamine gâtée. J’avais une famille que j’adorais et qui me le rendait au centuple. J’avais des amis géniaux, aussi bien réels que virtuels. J’avais la chance de pouvoir suivre une formation supérieure et j’avais un petit ami sexy, qui s’assumait tout seul, qui n’était ni jaloux, ni radin, ni lourdingue, ni violent, ni obsédé. Aujourd’hui absent, certes, mais nous avions été clairs dès le départ l’un avec l’autre : pas de promesse, pas d’engagement, Carpe Diem. Lui était dans une phase de développement professionnel, moi je me devais à mes études. Si nous n’étions que cent personnes sur Terre, je serais probablement la plus comblée au monde, The Queen.

 Un petit coup de positive attitude et j’aurai tout pour être heureuse… à condition de ne pas avoir la tête d’une momie à l’anniversaire de Jan.

J’attrapai ma tablette pour lire mes e-mails. Toujours pas de news d’Eo. Cela devenait carrément étrange. Jan confirmait l’horaire pour la fiesta, ainsi que l’itinéraire. Je fermai ma boite à messages, calai ma tablette contre la tête à Nono et cherchai un programme télé. Mes yeux me piquaient, mes paupières étaient lourdes, mais je luttais malgré moi.

Ils arrivèrent de toutes parts, sirènes hurlantes. Wii, wii, wii. En quelques secondes, j’étais cernée. Les uniformes bleus à flamme blanche sortirent précipitamment de leurs véhicules.

ALE 2100Où les histoires vivent. Découvrez maintenant