Chapitre 19

204 20 3
                                    

Dimanche 6 juillet 2025

Je poussai la porte du restaurant Bagatelle alors qu’on me secouait comme un prunier dans la réalité. Je me relevai et ôtai le casque de ma tête en grognant.

— Non ! Non ! Non !

 Valérie était plantée devant moi, mains sur les hanches, les narines larges comme des naseaux de vache laitière.

— Dis, tu penses pas que tu exagères un peu, là ? C’est l’anniversaire de Jan et tu te tires pour rejoindre le poète !

Subitement aphone, voire muette, je poussai le bouton off du casque, reposai l’objet de mon délit sur le lit, lissai la couette pour effacer l’empreinte coupable de mon corps et affichai mon regard de cocker égaré mourant de faim depuis des semaines.

— Désolée, je n’ai pas pu résister, grimaçai-je, les babines pendantes

— Je vois. Faut que je lui dise deux mots à l’autre.

— Impossible, répondis-je avec un soupir. Tu ne peux pas entrer dans ALE.

— Ali ? C’est quoi ce truc ?

— Rien d’important.

— Alors, si ce n’est pas mortellement crucial, insista-t-elle, suis-moi ! La musique déchire, l’ambiance est extra-géniale et la nuit ne fait que commencer. Ça te changera les idées. Laisse-les un peu mariner, tous tes mecs. Il faut savoir se faire désirer dans la vie.

S’il existait l’Oscar de la meilleure amie, un type sexy en or trônerait sur sa table de chevet. Elle trouvait toujours les bons mots.

L’horloge de la voiture affichait quatre heures trente du matin quand Bruno et Valérie me déposèrent en bas de chez moi. J’émergeai vers 16:00, la tête en vrac, mais heureuse. Aucun cauchemar n’avait perturbé mon sommeil. Aucune question ne venait bouleverser mon esprit. Je me sentais lourde, pâteuse, mais apaisée. J’avalai deux comprimés effervescents pour faire redémarrer la machine.

Curieuse de découvrir la suite de notre tour du monde dans ALE j’arrivai la première dans la loge. Lorsqu’Eo débarqua, je l’interrogeai illico sur son accident.

— Juste un peu de tôle froissée. Une nana, jolie de surcroit, sortait de sa place de parking alors que j’arrivais. Elle n’avait pas mis son clignotant, je n’ai rien vu. Nous avons rempli un constat et voilà.

L’Émissaire franchit la porte à son tour. Il échangea quelques mots avec Eo qui recommença son blabla sur son pseudo-accident, puis il s’enquit de mon weekend. Lentement, nous nous dirigeâmes vers le lecteur, prêts à partir.

En un clin d’œil, un nouveau décor s’offrit à nous. Nos trois avatars se tenaient perchés sur le toit d’un building, au milieu de nombreux autres bâtiments.

— Où sommes-nous ? bafouillai-je aussitôt.

— Chez moi, répondit sobrement L’Émissaire.

Eo et moi nous retournâmes d’un coup dans sa direction.

— C’est où chez toi ? m’enquis-je alors.

— Étudie, me conseilla mon intrigant compagnon avec un signe de tête.

Je le suivis du regard et reconnus immédiatement le toit du Chrysler Building, puis celui de l’Empire State Building. Nous étions en Amérique. Mieux ! Nous étions à New York !

ALE 2100Où les histoires vivent. Découvrez maintenant