Au troisième jour, la fille se leva, Calife et son second organisèrent les groupes de travail et chacun se remit à la tâche.
Vizir partit avec Nyomê, Braque, Ruster et Pasteur pour nettoyer la colonne d'engins boomers, afin d'éviter de voir tout le désert s'armer à l'œil. Il y avait des armes, de la ferraille et des pièces détachées pour construire et tenir une ville à récupérer. Ils se chargèrent de prendre leur part et de mettre un peu d'ordre dans l'afflux d'hommes munis de sacs, de caisses et de chameaux qui arrivaient inévitablement sur le champ de bataille encore tiède pour piller jusqu'au dernier boulon. Ils durent opérer une demi-douzaine d'allers-retours, tous ponctués de heurts avec des Chiens. Camés jusqu'à la moelle, ils constituaient des adversaires dangereusement imprévisibles, facilement désespérés. Il n'était pas difficile pour les hommes de Vizir de les maintenir à distance depuis leurs véhicules, mais cela pompait beaucoup de temps et de munitions.
Le dock, les garages et les entrepôts étaient maintenant pleins de plusieurs tonnes de matériel qui devait être trié et réparti dans la base avant d'être utilisable.
Claustro mit à jour ses stocks et demandait trente-six fois par jour à la fille comment on cuisinait le kaki ou le saumon qu'elle avait acheté à Tendra. L'arrivée des semences et du matériel de jardinage l'avait exalté, au point qu'il s'était mis en tête de monter un potager. Cric et Calife lui avaient promis de se pencher sur son projet avant leur départ pour Magnanis.
Hub et Chandelle avaient du boulot par-dessus la tête. Le plus gros du travail consista à rénover le système électrique de la base, des chambres jusqu'aux cuisines. Après quoi les techniciens purent remettre en route les interphones, les détecteurs d'incendie, les ascenseurs, réparer les fuites et changer la moindre ampoule que la fille n'avait pas déjà changée. Les hommes restés à la base pendant la sortie sur Touhary avaient nettoyé les panneaux solaires et ils donnaient maintenant plein pot, inondant la base de lumière gratis. Ils purent également rallumer les réseaux de ventilation éteints par souci d'économie, les chambres froides et la chaufferie. Net, Claustro et les mécanos branchaient à tour de bras des machines plus gourmandes les unes que les autres et ils jetaient encore de l'électricité par les fenêtres.
L'atelier des mécanos, judicieusement nommé l'Atelier, concentra à lui seul l'essentiel de la charge de travail au cours des jours qui suivirent. C'était une pièce colossale qui occupait toute la hauteur des sous-sols de la base, à fleur de sable. Ils y garaient les véhicules en réparation, les allées étaient immenses et des milliers d'outils s'y entassaient dans un désordre aggravé par l'important afflux de matériel de Valentine. Le tout était surplombé par un plafond de verre. L'épaisse vitre ne laissait passer que les rayons de soleil les plus doux et les plus lumineux car elle était recouverte d'une couche de sable qui constituait leur aire de jeu à la surface. L'endroit était toujours baigné d'une lumière exceptionnelle qui vous éclairait jusqu'au fond d'une âme de canon, chose que l'on pouvait encore améliorer en décrassant les murs, disait la fille.
L'Atelier vibrait ordinairement au rythme des trépidations des muscles de Beau Brun, Calibre et Tino, équipe savamment orchestrée par Cric car ces trois-là se distinguaient comme une goutte d'eau dans une goutte d'huile. Seul le résultat comptait : la réputation de la troupe concernant les bolides avec lesquels elle se déplaçait n'était plus à faire.
Le vétéran fit visiter à la fille son domaine, parlant avec enthousiasme de ce qu'il allait faire des carcasses d'armes et de voitures qui traînaient partout. Les deux jours passés dans un atelier d'armement de Touhary à faire fusionner l'atome, l'acier et l'ingéniosité l'avaient fait revivre. Il voulait se mettre à la retraite, sa troisième carrière : il ne ferait plus de sorties, il allait préparer celles de la troupe.
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La fille | Tome 1
Science FictionAn 762 après la guerre qui a transformé la Terre en désert. Au nord, l'Europe agonise au-delà du no-man's land, dans des villes souterraines d'où ne sortent que des armes, de rares prisonniers et de la dope. Au sud, l'Afrique s'embrase après la mort...