3 février 762

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La Montagne se leva tard ce matin-là. Calife s'inquiéta du sort de la fille à midi en ne la voyant pas au réfectoire, alors que tous ses officiers s'y trouvaient. Vizir gardait la tête basse, mais Dos regardait son chef avec calme. Elle devait être toujours vivante.

Il la trouva paralysée dans la salle commune comme l'officier l'avait laissée, enrubannée dans les draps qui avaient viré au violet en auréoles criardes autour de son dos. Constatant le nouveau gâchis, il espéra que Doc eût encore suffisamment de cicatrisant pour la remettre d'aplomb. Il ne voulait pas différer leur départ.

Doc râla comme prévu en voyant l'état dans lequel elle revenait. Calife la coucha sur le ventre sur l'un des lits de l'infirmerie. Elle tremblait des pieds à la tête.

– Mais qu'est-ce que c'est que ça encore ? De l'encre. Tes hommes sont de dangereux psychopathes, Calife. Ça ne leur suffit pas, ce qu'ils lui ont déjà fait ?

– ça va aller ?

– Je suppose. Laisse-moi maintenant, j'ai du boulot.

Son chef reparti, l'infirmier se mit à haranguer l'agonisante avec ferveur.

– Mais comment tu t'y prends ? Regarde-moi ce boulot que tu me donnes !

Fiévreuse, tétanisée, elle eut un petit rire.

– C'était bien.

– Tu es encore plus folle qu'eux !

Il ne parvint pas à retirer totalement l'encre imprimée dans les chairs qui avaient déjà commencé à cicatriser. D'heure en heure, la peau de ses fesses retrouva un bel aspect lisse, mais ses reins restèrent parcourus de sillons sombres qui s'épanouissaient jusqu'aux omoplates. Cela faisait comme un arbre. Une fois la cicatrisation achevée, la coloration devrait être à peine visible sur sa peau hâlée.

En prenant soin de rester allongée sur le ventre, elle se reposa jusqu'à la fin de l'après-midi, lorsque l'odeur de l'animal alerta le Doc. Il était entré dans l'infirmerie sans plus de bruit qu'une feuille qui glisse par terre, en fixant la fille de son regard de damné. Il se déplaça en rasant les murs, jusqu'au point le plus éloigné d'elle, où il s'assit. L'infirmier poussa un cri d'effroi.

– Mais qu'est-ce qui se passe ici ? Depuis quand tu sors de ton trou, toi ?

L'espèce de bête craintive recroquevillée au fond de la pièce souffla comme l'aurait fait un chat, Doc courut se réfugier auprès de la fille. Tous deux le scrutèrent un moment et comme il ne bougeait pas, Doc entreprit les derniers soins avant de laisser sortir sa patiente. Il retira délicatement ses bandages, constata une bonne cicatrisation, vaporisa quand même un peu de chlorure. Ils entendaient l'animal déglutir à des intervalles de plus en plus courts, jusqu'à ce qu'elle remît sa tunique. Doc sortit derrière elle, il ne voulait pas rester seul avec la bestiole.

La base préparait le départ en expédition du lendemain et une grande agitation y régnait.

Le groupe de voyage était constitué de dix hommes, plus la fille. On affréta quatre Jeeps, ainsi que le Hummer de Calife. Les voitures furent lestées d'eau et de vivres, d'armes, de munitions et de carburant. Pasteur reçut le commandement de la base le temps de leur absence.

La fille | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant