8 mars 762

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Leur prochain chantier, l'érection d'un potager, exigeait la rencontre de nombreux hauts esprits : Calife, la fille, Cric et ses trois mécanos, Net et ses techniciens, ainsi que Claustro et l'Indien qui affirmaient tous deux avoir déjà vu pousser des plantes. Ils se réunirent dans le bureau de Calife pour éprouver la faisabilité du projet du cuistot. Certains étaient encore très amochés après leur dernière partie de jeu de balle.

Aucun d'entre eux n'avait jamais fait pousser de plantes, mais plusieurs en avaient observé suffisamment pour savoir qu'elles avaient besoin d'eau tous les jours. Claustro répétait qu'à Semi, son village natal, c'étaient les tomates qui demandaient le plus d'eau. Cela reposait la question de celle qui coulait sous la Montagne. Eux-mêmes ne pouvant pas la consommer, les plantes le pourraient-elles ? Le cuistot avait été ébranlé par leurs révélations sur la rivière. La découverte de ses origines lui donnait un goût encore plus amer. Il avait cessé de faire du zé. Ses essais sur la troisième eau étaient en cours dans ses cuves, il espérait maintenant qu'il finirait par en sortir de l'eau pure. Calife se rappela le sourire hilare de la fille, presque un mois plus tôt dans ce bureau, quand elle lui avait annoncé que le cuistot finirait par en venir à cette évidence. Lui-même n'aurait jamais osé imaginer une telle chose. La purification des eaux nécessitait des compétences et du matériel dont peu de villes dans le désert pouvaient se doter. La fille, elle, était munie d'une confiance sans bornes et ne reculait devant aucun obstacle. Elle promit à Claustro de l'aider dans sa tâche. Si la Montagne avait sa source d'eau propre, elle pouvait devenir une oasis.

Pour autant, pas question de la recouvrir de verts pâturages, elle devait préserver son invisibilité de sable et garder son eau confidentielle. Et là, les serres qu'ils avaient ramenées de Valentine II étaient très intéressantes.

Elles étaient constituée d'une structure en acier, d'un système de ventilation performant et d'un tissu de couverture traité pour pouvoir rejeter les rayons du soleil, ne laissant passer que ce qui convenait à l'éclosion et la croissance de la vie. Tout comme la vitre qui surplombait l'Atelier, ces toiles étaient destinées à être progressivement recouvertes par le sable pour pouvoir atteindre leur pleine efficacité, ce qui assurait également leur camouflage. Ils possédaient ainsi sept serres complètes.

La fille avait eu quelques occasions de se promener au-dessus de la Montagne, elle affirma avoir déjà trouvé les emplacements qui convenaient. Franchement difficile d'accès, il s'agissait d'une succession de vastes paliers quasiment plans, au cœur du tas de rocs. Après quelques travaux, ils pourraient y installer cinq serres, sur cinq niveaux différents, pour une surface de cinq-cents mètres carrés. Le premier palier se trouvait à plus de trente-cinq mètres au-dessus du sol, dissimulé derrière des parois plus hautes encore. Par excès de prudence, il fut demandé à Net de munir la Montagne d'un système de détection des intrus dans sa partie aérienne.

Calibre, Tino et Beau Brun se chargèrent d'imaginer le moyen de monter et descendre des charges depuis la base, Cric se déclara outillé pour aplanir et préparer les premiers terrains.

Dans l'immédiat, ils prirent la précaution d'observer les semences qu'ils avaient volées aux Boomers avant de lancer les travaux.

Ils firent bien car les choses se montrèrent de plus en plus compliquées : il y avait là des sachets de milliers de graines d'une centaine de plantes différentes.

Calife leur lut en ânonnant les noms inscrits sur les étiquettes des petits sachets de papier. Certains leur étaient familiers, d'autres parfaitement inconnus : kumquat, kiwi, avocat, vigne, fraise, olive, pêche, chou, courges aux noms étranges, pavot, sésame, souci, colchique... ainsi qu'une incroyable quantité de blé et de coton.

Il ouvrit quelques paquets. Il y en avait de minuscules toutes rondes, de grosses en forme de haricots, d'autres encore qui ressemblaient à de petits ognons. En observant les petites choses sèches au fond d'un des paquets, Hub se demanda à voix haute comment cela pouvait devenir des légumes dans leurs assiettes. La fille se moqua de lui, en disant qu'il ne suffisait pas de faire pousser des plantes pour les manger.

La fille | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant