Tu as toujours eu ton nez plongé dans un livre, ton attention capturée par des mots couchés sur du papier, tes sens éveillés par des lettres s'unissant dans une danse stylistique unique.
Tu as toujours eu ton univers, un univers presque impénétrable mais dans lequel je n'essayais pas de m'immiscer pour ne pas interférer dans ta sphère de liberté, dans ton univers décalé, dans le monde de tes pensées.
Tu as toujours été unique, différent, un fragment d'âme solitaire en quête d'amour et d'un peu d'attention. Juste un homme perdu, ne sachant comment demander de l'affection de la part de la race humaine qui t'a toujours semblé si étrange, si dérisoire.
Tu as toujours su disparaitre dans la foule, te fondre dans la masse, te faire petit comme une fourmi et paraitre invisible aux yeux de la plupart des gens, mais pas aux miens. Quoique tu fasses, où que tu ailles, quoique tu dises, je t'ai toujours remarqué. Jamais tu n'as semblé être invisible à mes yeux. Comment aurais-je pu ne pas te remarquer? Comment t'oublier? Même quand tu es parti de cette ville maudite, et tu en avais bien raison, même quand tu as quitté ce trou à rats de malheur, cette ville de commères destructrices, je pensais à toi. Je revois ton visage penché sur chaque banc isolé. Je te revois assis, dans l'ombre d'un de ces si nombreux saules pleureurs, lisant avidement un bouquin, le dévorant. Je te revois te perdre et vivre, revivre en même temps grâce à tes livres. Je revois nos discussions enjouées, nos fous rires insensés, nos regards passionnés. Je te revois sourire et parfois une larme solitaire coulait sur ta joue, une larme déchirante, traçant son chemin en moi. Comment pourrais-je oublier tes sourires, tes sublimes sourires, qui brillaient dans l'azur du ciel? C'étaient les seuls moments où tu esquissais un vrai, un sincère, un spontané sourire. C'étaient les seuls instants où tu semblais joyeux, heureux, paisible, loin des autres.
Tu es comme Baudelaire, quand il se compare à un albatros dans son poème "L'albatros". Tu es un de ces poètes de l'existence qui ne parviennent jamais à trouver leur place sur terre, entouré de la foule grouillante du monde. Un de ces poètes qui soignent, guérissent, sauvent les âmes des humbles mortels au péril de la leur. Un de ces poètes trop souvent jugés, incompris, mal considérés. Pourquoi les auteurs, les âmes d'auteurs, de poètes sont-ils condamnés à souffrir plus que les autres? Pourquoi sont-ils censés encaisser, encore et toujours, alors que personne n'encaisse pour eux? Pourquoi sont-ils destinés à porter la douleur des autres, quitte à oublier la leur? Pourquoi sont-ils condamnés à porter cette mélancolie éternelle, cette douce torture de l'existence, cette piqûre de tristesse?
Et peut-être, au fond, suis-je comme toi. Peut-être, au fond, n'arrivais-je pas non plus à trouver ma place auprès des autres, quoique je fasse. Pourtant, avec toi, j'avais cela, ce sentiment d'être comprise, d'avoir les pieds fermement ancrés sur la terre ferme et non de tanguer, de ne plus être cet albatros maladroit et instable, d'être inébranlable. Peut-être avais-je trouvé en toi l'albatros qu'il me manquait, celui qui s'alliait au mien pour résister à la tempête, aux bousculements des gens sur terre. Peut-être avais-je trouvé l'ancrage qui me maintiendrait sur place, qui m'empêcherait de couler, de sombrer, de me perdre. Peut-être était-ce toi?
La personne dont j'avais besoin pour être moi, pour être réellement comprise, pour ne plus tanguer lourdement avec mes grosses ailes imposantes, pour ne plus avoir la sensation de survoler le monde sans y atterrir réellement.
Alors, je te le redemande : comment pourrais-je t'oublier? Comment pourrais-je oublier la seule personne à laquelle je ne peux m'empêcher de penser? Comment oublier la seule personne avec laquelle je me suis jamais sentie bien? Jamais sentie moi? Tu sais, c'est certainement la plus belle chose que tu aies jamais pu faire : me faire me sentir moi. Parce que j'ignorais qui j'étais au fond, j'ignorais tout de mon identité, de ce qu'il y avait réellement au fin fond de moi. Et je pensais qu'il était impossible d'un jour le découvrir. Et toi, tu l'as fait. Putain, oui, tu l'as fait. Et je ne cesse de me demander comment. Seulement, ton départ fut pire qu'un déchirement total, parce qu'au fond, j'étais moi grâce et avec toi. Comment pourrais-je oublier la seule personne qui ait jamais donné un sens à ma minable existence, à ma vie, au combat que je mène chaque jour sur terre?
Impossible. Voilà la réponse, c'est tout bonnement impossible. Impossiblement impossible.
Alors, si toi aussi, tu te sens comme un albatros, ne sachant ni voler, ni marcher sans se casser la gueule, en général ou sans moi, reviens. Reviens, j'ai toute une vie à te consacrer, toute une existence à coordonner avec la tienne, toute une âme à t'offrir.
Tu sais où me trouver. Volons ensemble de manière maladroite peut-être, mais plus jamais seuls.
_By Me_
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Ces citations qui me comprennent partie 4
PoetryComme le dit Victor Hugo :"Les mots manquent aux émotions." Pouvons-nous réellement exprimer tout ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes simplement avec des mots? Est-il possible de faire comprendre aux autres tous nos sentiments? E...