Je les ai vus. Je les ai vus s'emparer de lui et le détruire. Je les ai vus s'emparer de lui et l'égorger. Je les ai vus le réduire au néant, le réduire en cendres. Je les ai vus le brûler, l'enflammer, le foutre au bûcher. Et je les ai laissés faire. Je les ai laissés faire sans même rechigner, sans même tenter de le défendre, sans même le vouloir. Je les ai laissés le prendre, et faire de lui ce qu'ils voulaient. Je les ai laissés faire sans même avoir un remord, un regret, une culpabilité. Je les ai juste laissés faire sans rien dire, bercée par un silence de mort.
Je les ai vus faire. J'ai pu observer chacune des tortures qu'ils lui ont infligées. J'ai pu observer chacune des douleurs qu'il ressentait, et même en mesurer l'ampleur par moi-même. J'ai tout regardé. J'ai presque dévoré la scène du regard comme on apprécie un bon film. J'ai voulu tout voir, sans en perdre une miette, sans fermer les yeux un instant. J'ai entendu chaque cri, chaque lamentation, et je n'ai rien fait. Je les ai laissés s'immortaliser dans les airs en formant une mélodie, une chanson unique, au timbre particulier. Je les ai juste écoutés sans bouger.
J'aurais pu. J'aurais pu les en empêcher. J'aurais pu arrêter ce carnage, ce massacre, cette torture. Et pourtant. Pourtant, je n'ai rien fait. Je n'ai même pas eu la décence de fermer les yeux, de boucher mes oreilles et de faire comme si de rien n'était. Non, j'ai accepté. J'ai accepté le spectacle qui se jouait devant moi, je l'ai regardé dans son entièreté pour en apprécier chaque instant. J'aurais pu, mais je n'ai pas su. J'aurais peut-être du, mais je n'ai pas su. J'étais comme hypnotisée par ces ombres mouvantes, ces vagues de douleur, ces mélodies morbides. J'étais immobile. Et pourtant, j'avais le pouvoir de bouger. Mais je ne l'ai guère fait.
J'ai simplement regardé mon cœur se faire déchirer, briser, torturer, brûler, écarteler, taillader, déchiqueter, trancher, réduire en cendres, et j'en passe. Et je l'ai entendu hurler, oh mon dieu, c'étaient des hurlements qui dépassaient tout entendement, des hurlements à vous en trancher le vôtre, à vous le briser. Je l'ai entendu crier aussi fort qu'il le pouvait, me supplier désespérément de le secourir, d'arrêter ce massacre tant que j'en avais encore le temps. Il me quémandait d'arrêter tout cela, d'arrêter de lui infliger ces mille tortures toutes plus horribles les unes que les autres.
Je le voulais. Je voulais le secourir, je l'assure. Mais j'en étais simplement incapable. J'étais moi-même ligotée, emprisonnée, enfermée, en cage. Alors, comment secourir quelqu'un quand nous sommes nous-mêmes enfermés? Et qui plus est aveuglés? Parce que, oui, j'étais aveuglée. Tous ces gens, toutes ces promesses vaines, toutes ces situations m'aveuglaient et me rendaient insensible à ma propre douleur, à mon propre cœur. Cela engendrait de ma part une ignorance totale de ses appels à l'aide. Je les entendais, mais je ne les percevais pas. Je les voyais, mais je ne les regardais pas. J'étais aveuglée par mes propres considérations au point de m'oublier, au point d'oublier que j'avais un cœur qui battait pour moi, qui m'appartenait et qui demandait simplement que je m'en soucie un peu au lieu de le donner à qui bon le voulait, au lieu de toujours l'offrir au premier venu, ou de le donner à nouveau aux briseurs de promesses qui m'en faisaient des nouvelles toujours plus belles. J'aurais du entendre ses mises en garde, ses craintes quant à telle ou telle personne, ses appels de détresse. Mais je ne l'ai pas fait. J'ai tout, j'ai trop accepté des autres et voilà le résultat. Voilà ce qu'il lui est arrivé, en toute impunité de ma part. Voilà quel monstre j'ai fait pour lui. Voilà quel monstre je suis pour moi-même.
_By Me_
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Ces citations qui me comprennent partie 4
PoetryComme le dit Victor Hugo :"Les mots manquent aux émotions." Pouvons-nous réellement exprimer tout ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes simplement avec des mots? Est-il possible de faire comprendre aux autres tous nos sentiments? E...