Partie 14 : Quand les écrits livrent tout.

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Alix.

Pendant qu'il déjeunait avec sa famille, j'ai commencé à rédiger un texte. J'y ai passé des heures, déchirant au fur et à mesure les feuilles que je n'arrivais pas à terminer. Texte trop long, trop court, trop lourd, trop vulgaire, trop niais, trop... Bref, une vraie gageure quand on manie mieux la clé de 12 que le stylo-plume. Mais j'y suis parvenue au cours de notre dernière nuit, cachée dans les toilettes, et l'ai terminée alors qu'il était sous la douche.

La lettre m'a brûlé les doigts tout le week-end. Mais je n'ai jamais trouvé le courage de la lui remettre en main propre, avant son départ. Nous avons passé un week-end exceptionnel que j'ai craint de gâcher en exposant mes sentiments. J'ai fini par la dissimuler dans la poche d'un de ses treillis rangé dans un sac.

« Franck,
avec un peu de chance, tu trouveras cette lettre avant d'avoir donné ton treillis au lavage. Je n'ai pas voulu passer par l'acheminement du courrier militaire, et que tu reçoives ce message trois mois après avoir débarqué en Afghanistan.

Je ne savais pas trop quand et comment t'avouer mes sentiments.
J'ai conscience de t'avoir renvoyé une image frivole avec mon comportement de fille facile. Pourtant, ces presque deux semaines avec toi m'ont fait grandir. Je réalise qu'on peut effleurer certains rêves et les perdre si on n'y prend pas garde.
Tu es un homme formidable et tu m'inspires... plein de choses. Oui, d'accord. Si tu t'attendais à de la belle littérature, tu risques d'être déçu. Je vais donc juste parler avec mon cœur.
En t'écrivant, j'imagine un peu bêtement le moment où tu prends enfin connaissance de ces mots. Une chaleur sûrement étouffante, le soleil de plomb d'un désert de cailloux, toi en train d'ouvrir l'enveloppe, de comprendre qui te l'a glissée et pourquoi, sourire peut-être en essayant de te rappeler à quel moment j'ai bien pu l'y fourrer. Mon désir le plus fort serait évidemment de te les dire de vive voix, ces mots. Mais je ne suis pas sûre d'y parvenir avant ton départ. Alors si je les ai tus, si le courage m'a manquée avant de monter dans l'avion, cette lettre te permettra au moins de connaître mes sentiments.

Pendant que tu lis, j'aimerais que tu nous voies ailleurs, en France, au calme, étendus dans ces champs qu'on a repérés à côté de cet adorable petit village où nous nous sommes arrêtés. Sens-tu les rayons du soleil de cette fin de journée sur ta peau ? Et cette petite brise qui soulève parfois mon chemisier et te laisse entrevoir quelques uns de mes secrets ? Entends-tu mon rire à ta dernière plaisanterie ? Respires-tu la nature qui nous entoure ?
J'aimerais tenir ta main et la poser sur mon sein pour que tu sentes ces battements qui s'emballent juste pour toi. Je veux respirer le même air que toi, voir défiler les mêmes nuages, partager les mêmes sentiments. Je désire te refaire l'amour puis m'endormir dans tes bras... Mais plus que tout, j'aimerais te donner envie de continuer à écrire cette histoire avec tes propres mots.
Voilà, le décor est posé.
Tu ne t'attendais sûrement pas à cela, je suppose. Pendant des années, j'ai essayé d'étouffer celle que je suis profondément. Mais de mauvais choix m'ont fait perdre ce goût pour l'amour. Jusqu'à ton arrivée dans mon existence. Tu m'as fait comprendre que j'étais une guerrière qui ne devait pas se contenter de peu, ou de moins que ce qu'elle méritait. Tu m'as de nouveau donné envie de croire en moi, en ma faculté d'être aimée.
Bien sûr, je nourris l'espoir que ces sentiments soient partagés, mais je sais d'expérience qu'il est impossible de forcer l'autre à nous aimer.
Prends cette lettre comme les remerciements d'une personne à qui tu as rendu sa joie de vivre, à qui tu as prouvé qu'il existait des instants si précieux qu'ils compensaient les peines précédentes.
Merci Franck d'être toi, un homme merveilleux et un être de grande valeur, et surtout, l'homme que j'aime.
Tendrement.
Alix. »

                                                                       *

Quatre longues semaines. Quasiment un mois complet depuis que Franck a quitté la France pour le sol aride d'Afghanistan. Je suppose qu'il a eu le temps de la trouver cette fichue lettre. Je suis partagée entre l'envie de me gifler d'avoir tout dévoilé, et le soulagement de l'aveu que je n'ai plus à porter seule. Le silence ne fait que repousser la confrontation avec le réel. En verbalisant mes émotions, je les ai rendues plus puissantes. Il est peu à peu devenu une obsession qui régale mes nuits et me fait soupirer en secret. Son absence renforce mes sentiments, cela en devient plus douloureux avec le temps. Pour l'instant, j'ai l'impression que ma vie est en suspens, avant le crash imminent.

Cœur d'homme, âme de soldat 3 : Vivant !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant